AU PAYS DU SENSATIONNALISME
Presse, hommes politiques, gens du peuple, nous nous abreuvons de « révélations », de « scandales », buvant goulûment jusqu’au prochain arrivage, de nouvelles à avaler - Ce pays n’aime ni la pédagogie, ni l’analyse, ni l’aridité des faits
L’un de nos traits de caractère les plus marquants, nous Sénégalais, trait de caractère par ailleurs dangereux pour la démocratie est notre côté sensationnaliste. Presse, hommes politiques, gens du peuple, nous nous abreuvons de « révelations », de « scandales », buvant goulûment jusqu’au prochain arrivage de nouvelles à avaler. Avant, c’était Ousmane Sonko qui accusait le gouvernement sur des prétendus milliards d’impôts perdus dans une transaction entre Kosmos Energy et Timis Corp, alors qu’on était en phase d’exploration et qu’aucune logique économique sérieuse n’admet de payer autant d’argent juste pour entrer dans un bloc pétrolier en phase d’exploration. Les opposants, déjà scandalisés par l’octroi illégal de blocs pétroliers à PetroTim, ensuite cédés au sulfureux Frank Timis, s’étaient jetés sur cette révélation à milliards, demandant au gouvernement de démentir, d’apporter des preuves de son innocence. Kosmos avait pourtant dementi cette information et aucun document officiel n’a jamais prouvé qu’ils avaient payé 200 milliards de FCFA. À l’époque, déjà, tout était parti d’un article de presse.
Aujourd’hui, c’est Ousmane Sonko qui est accusé d’avoir touché l’argent d’un pétrolier américain, Tullow Oil sur la base d’un obscur article de presse en ligne. Les partisans du pouvoir se jettent dessus, le vilipendent, lui demandent d’apporter les preuves de son innocence, l’accusent d’être à la solde des compagnies pétrolières. Et voilà que Tullow dément là aussi.
Dans les deux cas, la presse, partisane ou médiocre - n’ayons pas peur des mots - relaie et affirme avant de se dédire aussitôt. Les partisans quant à eux commentent, grossissent le trait, affirment que l’on tient là le scandale de la décennie, que l’adversaire est pourri. Les positions se braquent et tout débat devient impossible.
Ce pays n’aime pas le débat apaisé et factuel. La grandiloguence coule dans ses veines. Il n’aime ni la pédagogie, ni l’analyse froide, ni l’aridité des faits. Pour y faire presse (bonne ou mauvaise) il faut dénoncer, accuser, crier plus fort que le camp adverse, entrainant la masse pauvre et inculte tout comme les intellectuels partisans marqués par leur mauvaise foi, dans des conjectures plus farfelues les unes que les autres. Mais dansons. Dansons jusqu’à étourdissement sur ce tango de mauvais augure. Nous aimons ça.