AUTOCENSURE
Voulant rebondir sur les propos du patron des Apéristes, le président Macky Sall, le leader du Mouvement Gueum sa Bopp, Bougane Guèye Dani, aurait mieux fait d’y réfléchir à deux fois
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Parler devant un auditoire est un art pas toujours maîtrisé par certains orateurs, qu’ils soient professionnels ou occasionnels. Voulant rebondir sur les propos du patron des Apéristes, le Président Macky Sall, le leader du Mouvement Gueum sa Bopp, Bougane Guèye Dani, aurait mieux fait d’y réfléchir à deux fois.
Depuis la sortie de Macky Sall à Thiès faisant état d’une « coalition Mburu ak soow », celle-ci attend encore son « Gloria » et les candidats désignés ou déclinant l’invite du chef de l’Alliance pour la République se relaient dans l’espace médiatique. Des propos qui se voulaient ironiques ont pris une tournure plutôt malheureuse, voire indélicate. Le champ lexical politique verse depuis cette date dans la culture « gastronomique » sénégalaise.
Si certains évoquent l’absence de lait devenu un aliment en voie de disparation dans les habitudes alimentaires des couches les plus défavorisées, d’autres évoquent leur allergie au lactose, dixit l’ancien maire de Dakar et patron de la coalition Taxawu Ndakaaru, Khalifa Sall. D’autres encore, comme Bougane Guèye Dani, soutiennent qu’un fils ayant bénéficié de la bénédiction maternelle aura sur sa table du méchoui plutôt que du « ponsé ».
Dans quel pays sommes-nous ? Dans une société où la figure maternelle est plus que sacrée, tenter d’associer l’échec d’un homme (ou d’une femme) au manque d’investissement d’une mère dans son foyer sonne comme une insulte, un outrage aux oreilles de ses compatriotes.
A la lumière de l’analyse du Docteur Cheikh Tidiane Sow, coach en communication politique, qui s’exprimait au micro de Baye Oumar Guèye dans l’émission Objection de Sud Fm, ce langage politique « empreint de cynisme n’est pas nouveau », car « bien avant le«mburu ak soow», il y a eu le fameux «wax waxeet» du Président Abdoulaye Wade ». Plus loin encore, il y a eu le célèbre surnom de Senghor à Wade qu’il appelait « Laye Njomboor » ou encore Abdou Diouf qui faisait référence au crâne rasé tel un œuf de son futur successeur et disait « Nen du fi bonde ».
Restons toujours avec le leader de Gueum sa Bopp et non moins patron du Groupe D-média qui a déclaré avoir reçu un redressement fiscal à hauteur de 2,4 milliards de nos francs. L’affaire a été rendue publique le même jour que l’annonce faite du placement sous mandât de dépôt du Directeur technique du Groupe Futurs Médias. Coïncidence ? Hasard de calendrier ?
Toujours est-il que le traitement des deux affaires présente des similitudes dans la volonté affichée par les supports des deux groupes de presse en question de s’autocensurer en choisissant de ne pas relayer les déboires de leurs « patrons ». Même si la posture à tenir pour leurs collaborateurs est de l’ordre de l’équation, l’éthique et l’objectivité voudraient qu’un « semblant » de traitement soit réservé à ces affaires. Pas facile du tout. Et lorsque le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (Cored) s’en mêle, cela devient encore plus compliqué.
Dans un communiqué, le tribunal des pairs déplore le « manque de professionnalisme notoire » dont les journalistes ont fait état dans l’affaire opposant notamment la TFM et la 2Stv sur l’affaire des « vols de fréquence ». Suite à une plainte du patron de la première télévision privée au Sénégal contre la chaîne de Youssou Ndour, la garde à vue de Ndiaga Ndour, Directeur technique de TFM, a été complètement passée sous silence par l’ensemble des supports du Groupe Futurs Médias. Si ces derniers préfèrent observer le silence et faire l’impasse sur l’affaire, les premiers semblent prendre position en faveur de El hadj Ndiaye, patron du Groupe Origines SA et propriétaire de la 2Stv, rejoints dans cette bataille médiatico-judiciaire par le journal Lii Quotidien, relève le communiqué du Cored.
Le document pointe aussi du doigt le Groupe D-Média qui relaie les activités politiques de son patron à travers tous ses supports (radio, télé et quotidien). Un désordre noté dans le paysage médiatique et surtout un « déséquilibre informationnel » qui vaut aux concernés ce rappel à l’ordre de cette instance dirigée par Mamadou Thior.
Seulement, l’appel peine encore à être entendu car l’émission phare de la TFM a préféré se consacrer, dans son dernier numéro, à la problématique du foncier, bien loin des sujets ayant marqué l’actualité de la semaine. Alors, quelle posture pour les journalistes dont les « patrons » font l’actu dans les rubriques judiciaires ? Celle d’employés soutenant leur employeur ? Ou celle de professionnels d’un métier dont les lettres de noblesse risquent de tomber dans un passé nostalgique tenu par leurs aînés et dont le flambeau risque de s’éteindre avant sa transmission à la génération suivante ? Après le verdict du tribunal des pairs, le verdict du tribunal de l’opinion risque d’être encore plus sévère.