AUX ADULTES QUE NOUS PRÉTENDONS ÊTRE...
EXCLUSIF SENEPLUS - LA LETTRE D'AMINATA - Nous devons avoir le courage de vivre notre vie en traçant notre propre chemin avec cœur et courage - Avec cœur, car il nous faut rester à l’écoute de nous-mêmes
En grandissant et en étant confronté aux réalités de la vie quotidienne, nous oublions ces pensées d’enfants et ces rêves innocents qui nous donnaient l’énergie nécessaire pour courir pendant toute une journée en tapant et sifflant des mains sans jamais nous sentir fatigués. À Yarakh où j’ai grandi, cela me faisait toujours sourire lorsque revenant avec mes talons et mes tenues de jeune dame, afin qu’on me prenne au sérieux, je contemplais les enfants se rouler dans la poussière et crier à tout-va. Ils ne se souciaient pas du qu’en dira-t-on, ni n’essayaient de paraître beau et parfait tout le temps.
Bien au contraire, aussitôt s’étaient-ils apprêtés qu’ils se roulaient dans la poussière au grand dam de leurs parents. Mais en grandissant, on s’oublie et c’est le plus grand drame qu’il puisse nous arriver en tant que « prétendus adultes ». Est-ce, comme diraient les gens autour de nous, parce que ceux qui tiennent ce genre de discours ne sont encore que des enfants qui ne comprendront qu’en grandissant et en devenant responsables ? Mais le sont-ils vraiment, « irresponsables » et « inconscients » ? Ou est-ce au contraire, en toute conscience qu’ils formulent toutes ces pensées et nous invitent à en faire de même.
La vérité est que dès le départ, nous avons une idée de ce que nous voulons, mais au fil du temps, nous nous persuadons qu’au final, ce n’est pas si important. « Cela peut attendre », « cela ne compte pas vraiment », répétons-nous comme pour nous rassurer. « C’était juste un rêve d’enfant » déclarera-t-on finalement. Le drame est qu’en agissant de la sorte, en devenant parent nous-mêmes, nous oppresserons nos propres enfants en les poussant à abandonner eux aussi leurs rêves, sous prétexte qu’ils doivent grandir. On les arrache aux paysages de leur enfance. Mais qu’est-ce grandir d’ailleurs ? Et qu’est-ce vivre comme un enfant ?
Fidélité. Les enfants ne savent faire rien d’autre qu’être fidèles à eux-mêmes et à leurs rêves, car ils ne pensent pas devoir être ou ne pas être « pris au sérieux ». Comment serait notre vie si nous nous autorisions à toujours suivre notre cœur ? Aussi fou que cela puisse paraître, il y a toujours une raison pour laquelle nous pensons ce que nous pensons, ou ressentons ce que nous ressentons. Nos sentiments et nos ressentis sont là pour nous enseigner quelque chose sur nous-mêmes et sur les personnes que nous sommes appelées à devenir.
Les personnes qui partagent nos vies peuvent ne pas être d’accord sur la manière que nous avons de la mener. Ils peuvent penser qu’ils existent d’autres voies plus simples pour arriver là où nous désirons aller. Mais ils oublient souvent qu’une voie, bonne, simple ou facile pour eux n’implique pas qu’elle le soit pour nous ou pour tout le monde. De même, qu’une chose soit acceptée comme règle ou comme norme par tous n’implique pas qu’elle soit juste ou qu’elle convienne à tout un chacun.
En tant qu’Homme, nous devons avoir le courage de vivre notre vie en traçant notre propre chemin avec cœur et courage. Avec cœur, car il nous faut rester à l’écoute de nous-mêmes pour pouvoir entendre et reconnaître si nous suivons notre chemin ou si l’on s’en éloigne. Avec courage, car entendre, reconnaître et savoir ce qu’il faut ou ne pas faire n’implique pas qu’on le fasse.
Alors, une petite question que vous ne me refuserez pas, j'espère, d’enfant à enfant : quel est votre rêve le plus cher ? Attention, je ne parle pas des rêves d’adulte, mais bien de ceux d’un enfant de 7 ans (Du ma leen boole ak kenn). Celui-là s’avoue les choses à lui-même telles qu’elles sont et leur fait face avec joie et enthousiasme. Il tombe souvent, change d’avis tout le temps et se réoriente sans regrets dans son cheminement, car il a encore en lui l’innocence de croire que tout est possible et qu’il a tous les droits. La peur de perdre ou le désir absolu de stabilité et de succès ne l’ont pas encore rongé au point de l’empêcher de faire face à sa réalité profonde.
Un voyage aux paysages de notre enfance nous rendrait peut-être cette liberté d’exploration que nous perdons assurément, non pas en grandissant, car grandir est partie inexorable de la vie, mais en « prétendant devoir grandir ». Au final, « les gens nous pardonneront toujours de ne pas être ceux qu’ils aimeraient que l’on soit mais ils ne nous pardonneront jamais de ne pas être ceux que nous prétendons être ».
Affectueusement,
Aminata