CHEFS D’ÉTATS OU VALETS DE LA FRANCE ? IL FAUT CHOISIR !
Les relations paternalistes que la France se plaît à entretenir avec ses anciennes colonies sont anachroniques - Les dirigeants du G5 Sahel convoqués de manière si cavalière par Macron doivent refuser d'y déférer
La réprobation générale consécutive à la convocation des chefs d’États africains membres du G5 Sahel, à Pau en France, est une étape nouvelle dans l’expression, par les populations africaines, de leur ardent désir de prendre leurs destinées en main. Sans tutelle. Ni curatelle. Les relations paternalistes que la France se plaît à entretenir avec ses anciennes colonies sont insultantes et anachroniques. Les peuples africains ont, en conséquence, repris la parole au grand dam des castrateurs des idées alternatives au profit de la pensée unique, obséquieuse et capitularde. La circulation rapide des informations et des idées, ainsi que le phénomène de globalisation qui semble échapper au contrôle de ses initiateurs, a ouvert des espaces de dialogue entre tous les opprimés du Continent et ceux de la diaspora. Les États tout-puissants qui contrôlaient l'unique chaîne de radio télévision ainsi que le seul quotidien national sont débordés. La liberté d’expression a, désormais, les outils de son…expression ! Les petits trafics et le grand banditisme de certaines catégories d’agents de l’État sont éventés en temps réel. Les malversations sont dénoncées et les documents compromettants mis en circulation. Même si l’appareil judiciaire reste sous la tutelle d’exécutifs corrompus et corrupteurs, tout se sait et « l’honorabilité » de certains mis en cause est compromise à jamais. Enfin, pour ceux qui savent encore le sens du mot : Honneur !
Cela étant dit, la plupart des chefs d’États des pays africains francophones doivent se remettre en question, en relisant l'histoire de nos relations avec la France. De la traite des esclaves à la colonisation et de celle-ci aux « indépendances », puis de celles-là à nos jours. Le fil conducteur devant se dérouler autour de la question suivante : Nos pays ont-ils progressé de manière satisfaisante durant tous ces siècles de compagnonnage forcé ?
Si l'on pense que le Sénégal, par exemple, est parti sur la même ligne de départ qu'un pays asiatique comme la Corée du Sud en 1960, il est relativement aisé de se rendre compte que nous avons reculé au lieu d'avancer : point de départ le système éducatif copié de la France est appauvrissant. Des spécialistes pourront le démontrer. Sans parler de la mainmise des entreprises françaises sur nos principaux leviers économiques. Ainsi que le contrôle que la France exerce sur notre monnaie, et sur la plupart de nos Institutions, sous le couvert « d'accords de coopération » dont une grande partie reste secrète. On se demande bien pourquoi ? Dans le même temps, la France qui se dit pourtant notre « amie », ne joue pas de son influence en Europe pour élargir le faisceau de nos relations d'affaires. Bien au contraire. Il est même parfois plus facile d’obtenir un visa Schengen en passant par un autre pays membre de l’espace que de se soumettre au guichet français ! Mais bon ! Ils nous traitent comme nos dirigeants le méritent ! Et c'est cela l'objet de ma réflexion du jour.
Première irresponsabilité de nos dirigeants. Selon l'Union Africaine (UA) « Chaque année plus de 148 milliards de dollars sont soustraits au continent par ses dirigeants, soit 25 % du PIB annuel perdus pour cause de corruption ». Comment espérer le respect de la communauté internationale face à cette situation ubuesque ? Malgré les sourires de façade et les discours convenus, les dirigeants du monde entier rient sous cap de dirigeants qui assassinent leurs peuples en tuant leur avenir pour s'offrir des appartements hors du Continent, acheter des bolides et autres biens matériels qu'ils saisiront à la première occasion. Suivez mon regard…
Seconde irresponsabilité de nos dirigeants : un système éducatif inefficient pour ne pas dire inexistant. En Afrique subsaharienne, « plus d’un cinquième des enfants âgés de 6 à 11 ans n’est pas scolarisé, suivi par un tiers des jeunes âgés de 12 à 14 ans, selon les données de l’ISU (Institut de statistiques de l’Unesco). Comment développer des pays sans le développement personnel de ses habitants ?
Troisième irresponsabilité de nos dirigeants : le bradage de nos ressources naturelles et agricoles sans mise en valeur ni création de valeur ajoutée. Avec, pour conséquence, l’appauvrissement des paysans, l’avortement des filières industrielles de transformation, l'exode rurale, les fuites éperdues des jeunes gens vers les océans à la recherche du paradis perdu…
Pendant ce temps, clin d’œil de la providence, des ressources énormes apparaissent chaque jour de part et d'autre de ce Continent béni par un potentiel humain que tous les pays du monde nous envient : une jeunesse vigoureuse en attente de vivre ses rêves.
Quatrième irresponsabilité de nos dirigeants : Le maintien des frontières héritées de la colonisation ! Une hérésie si l'on sait que ces frontières tracées à Berlin, relèvent de calculs précis avec comme axiome de base « diviser pour mieux régner ». A titre d'exemple tragi-comique, j'ai eu des grands-parents jumeaux dont l'un était sénégalais et l'autre mauritanien… comble de l’absurde ! Tous les spasmes qui agitent le continent proviennent de frontières arbitraires qui transpercent des familles, déchiquètent des territoires et mettent en lambeaux des mémoires. La colonisation a été et reste douloureuse.
Cinquième irresponsabilité de nos dirigeants : le maintien du cordon ombilical économique et monétaire avec la France. En dépit de la levée de bouclier de larges secteurs de l'opinion public africaine, nos dirigeants font les sourds. Et aucun d'entre eux n'a le cran d'ouvrir un débat public dans son pays en laissant s’affronter, librement, les pro et les anti franc CFA. Afin que l’opinion publique saisisse les termes du débat et appréhende les enjeux sous-jacents au langage hermétique des experts. Dans le même sillon, le maintien des troupes de l’armée française sur le sol de pays dits souverains est une bizarrerie d'autant plus cruelle que ni les bras ni le cœur ne feraient défaut à notre jeunesse pour constituer une force armée à l’échelle de la CDEAO pour mutualiser nos moyens militaires, physiques, matériels et scientifiques.
ALORS NON ! NOUS N’IRONS PAS À PAU ! Et c'est pour prendre enfin leur responsabilité que les dirigeants du G5 Sahel convoqués de manière si cavalière par le président Emmanuel Macron, doivent, d'une seule et même voix, refuser d'y déférer !
Chefs d’États ou valets ? Il faut choisir ! Pour choisir la voie de l’honneur, ainsi que les jeunes africains l'exigent, nos chefs d’États ont là une chance unique de relever la tête pour se réconcilier avec leurs peuples. Une opportunité grandiose de renouer avec la prestigieuse histoire africaine. « N'ayez pas peur ! », leur aurait dit le Pape Jean Paul II.
En vérité, rien de pire que ce que nous avons vécu depuis trois siècles ne peut nous arriver. Bâtissons une CEDEAO sans frontières, fondée sur des fraternités humaines étouffées derrière des frontières tracées en dépit du bon sens. Menons une lutte sans merci contre la corruption et le détournement des deniers publics. Dotons de systèmes éducatifs efficaces et adaptés aux défis contemporains. Investissons massivement dans l’agriculture, les petites et moyennes industries. Prenons notre place dans l’économie numérique mondiale parce que notre jeunesse en a le talent et l'imagination. Gérons librement nos ressources naturelles, dans le meilleur sens des intérêts bien compris de nos populations. N'ayons plus peur ! Inventons une notion du « développement » qui replace le bonheur de l'Homme et de la femme au cœur de toute problématique de progrès. Nous ne sommes en compétition avec personne. Nous voulons vivre libres, dans la dignité et la prospérité. Personne ne le fera à notre place ! Il se fait tard…
PS : Au moment où je termine ce papier, j’apprends que la rencontre de PAU est renvoyée en raison de l’assassinat de 71 soldats nigériens…Un attentat qui permet de sauver la face au chef de l’État français. Étrange occurrence ? Non ! Reprenons nos esprits et attendons les résultats de l’enquête.