CIEL, IL NE PLEUT PAS !
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est urgent, en plus des prières pour palier et atténuer les effets d’un manque de pluies, de mettre en œuvre enfin ces projets dont la viabilité a été établie depuis longtemps
Mgr Benjamin N’diaye, l’archevêque de Dakar, déclarait récemment : « Face à l’hivernage 2019 tardant à s’installer dans notre pays, suscitant interrogations et inquiétudes dans l’esprit des paysans, nous ne pouvons pas rester désespérés et résignés, comme ceux qui n’ont pas d’espérance »,
Et l’archevêque d’exhorter ainsi : « J’invite tous les membres de la famille diocésaine, nos communautés paroissiales avec, à leur tête, leurs pasteurs prêtres, religieux et religieuses, à former une chaîne de prière orientée vers le Dieu de Jésus-Christ, Maître de la pluie et des saisons... Oui, prions avec force le Seigneur, pour qu’il nous prenne en grâce et nous bénisse, afin que notre terre donne son produit, à la faveur d’un hivernage pluvieux et paisible. »
Et d’appeler les catholiques à, comme l’apôtre Paul, « s’émerveiller devant la sagesse de Dieu et à lui faire confiance… »
On se souvient, qu’à l’occasion de l’Eid el Kébir de l’année dernière, le Khalife Général des Tidiane, Sérigne Mbaye Sy Mansour, face à la longue pause pluviométrique qui sévissait alors, avait invité tous les musulmans à la prière et demandé la fermeture des « lieux de jouissance », rappelant qu’en son temps, sous la présidence Abdou Diouf, son prédécesseur Abdoul Aziz Sy avait fait les même prières et recommandations et qu’il avait ensuite abondamment plu.
A présent dans toutes les mosquées du pays, d’obédience, Tidiane, Mouride, Khadrya ou autres, les imans appellent à des prières collectives.
Les Khoyes et autres Saltigués quant à eux, se référant aux Esprits et autres Forces, appellent à des offrandes et des sacrifices d’animaux pour que l’hivernage soit pluvieux.
C’est vieux comme le monde : face aux déchainements de la nature ou à ses caprices, les hommes lèvent la tête vers le Ciel et implorent Dieu ou les dieux. Prient ou font des sacrifices. Si ce n’est le deux à la fois. Ce pays est un pays de spiritualités. De différentes spiritualités.
Spiritualités qui convergent cependant dans leur quête de sens à la vie, dans leur effort d’entretenir l’Espérance face aux difficultés quotidiennes et permanentes de tous ordre.
Il y a du vrai dans l’assertion selon laquelle le Sénégal est protégé par les prières de ses Saints. Ces Saints comprenant aussi bien les imams et marabouts, toutes « tarikhas » confondues, que les humbles curés et les prélats de l’Eglise et que les prêtres des « bois sacrés » et autres « Saltigués ».
Ceux-là sont dans leur rôle : relier constamment le profane au sacré, et entretenir l’Espérance dans l’au-delà. Fonder ainsi la morale, délimiter le Bien du Mal.
Sans eux : sans l’espérance qu’ils entretiennent et renouvellent inlassablement, chacun selon son culte, nous serions certainement livrés comme d’autres aux démons de la haine et de la division.
Cependant, pendant combien de temps encore l’espérance tiendra-t-elle alors que le capitalisme mondialisé étreint chaque jour un peu plus ce pays déjà exsangue, ravagé par la pauvreté ?
Alors que la jeunesse désespérée, sans repère et sans horizon, préfère émigrer vers une Europe barricadée en risquant la noyade par pirogues entières dans l’Atlantique et la Méditerranée ou les brimades des néo esclavagistes de Lybie, du Maroc et d’Algérie plutôt que faire face à une misère sans fin.
Alors que ceux qui ont été élus et nommés pour diriger l’Etat ont systématiquement renié leurs engagements depuis 60 ans et pillé impunément les deniers publics, étalent sans vergogne leurs richesses indues et narguent insolemment le peuple.
Il est impératif et urgent désormais, en plus des prières, des libations et des sacrifices, pour palier et atténuer les effets d’un manque de pluies, de mettre en œuvre enfin ces projets dont la viabilité a été établie depuis longtemps.
Il s’agit par exemple de la construction de ce Canal du Cayor dont toutes les études ont démontré la viabilité, pour lequel on a dépensé des milliards et qu’on a remisé au bout de 30 ans pour d’obscures raisons.
Il y a encore cette Stratégie de Développement de la Petite Irrigation conçue dès les années 1997 et qui aurait irrigué 349 100 ha le long du fleuve Sénégal, en Basse et Moyenne Casamance, dans la vallée de l’Anambé, le long du fleuve Gambie, dans les Niayes et les vallées fossiles.
Il s’agit aussi de planter des arbres, non pas à la manière folklorique des « Vacances Citoyennes » mais avec l’esprit de pionniers engagés dans la transformation du monde, à l’échelle et à la cadence des Ethiopiens
Les dirigeants de ce pays, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, n’ayant jamais pris d’initiatives pour transformer ce pays et lui rendre à la fois sa souveraineté et les moyens de son développement, nous subissons les événements comme des tuiles qui nous tombent sur la tête, pour paraphraser Cheikh Anta Diop.
Que l’espérance s’incarne donc enfin en actions !
Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily