QUELLES RÉPONSES À L’ADRESSE DE MACKY POUR LA PROTECTION DE NOTRE ENVIRONNEMENT ?
Pour être efficace, la stratégie de construction citoyenne, à large participation sociale, doit prendre en compte l’impérieuse nécessité d’associer tous les acteurs étatiques et non étatiques
L’avènement d’un Sénégal propre où il fait bon vivre appelle un changement radical de comportement des citoyens qui sont à l’origine de l’encombrement urbain, de l’insalubrité, des occupations illégales de l’espace public et des constructions anarchiques dans des zones non aedificandi.
La citoyenneté au service de l’environnement et de la salubrité publique
Le projet de recrutement de 50.000 volontaires du président de la République pourrait contribuer de manière substantielle à sauvegarder la nature, tout en trouvant une saine occupation aux jeunes. Ces volontaires utilisés comme éco-gardes seraient ainsi commis à des tâches d’alerte, de sensibilisation et de communication en direction des populations. Ils pourraient également assurer la sécurité verte dans les régions confrontées à la déforestation et à la coupe illégale de bois en s’appuyant sur les dispositions du code de l’environnement qui prévoient en son article L 48 que « tout projet de développement ou activité susceptible de porter atteinte à l’environnement, de même que les politiques, les plans, les programmes, les études régionales et sectorielles devront faire l’objet d’une évaluation environnementale ». Ces activités, inscrites dans le cadre de la citoyenneté, devraient être complétées par l’observation stricte et vigoureuse de l’article 101 du même code qui prévoit des sanctions pénales assorties d’une amende allant de 500.000 à 2.000.000 FCfa applicables à tout contrevenant aux dispositifs de lutte contre la pollution.
Dans la même dynamique, l’hygiène publique pourrait constituer également un champ d’intervention de ces jeunes, formés et animés d’un esprit civique. Aussi, pourraient-ils compléter l’action du Service national d’hygiène, confronté à un déficit de personnel, pour lutter contre l’insalubrité et surveiller l’hygiène des aliments et des médicaments contrefaits vendus dans le circuit commercial qui échappent parfois au contrôle. De même, leurs actions pourraient tout aussi profiter à l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (Ucg) qui, en collaboration avec les collectivités territoriales concernées, pourraient s’appuyer sur les volontaires pour la collecte et la gestion des ordures ménagères, mais aussi à l’éducation et à la sensibilisation des ménages pour le tri primaire des ordures. A ce sujet, il convient de souligner que cette orientation est en parfaite adéquation avec le Code général des collectivités territoriales (Cgct), qui dispose en son article 126 que « le Maire peut nommer des agents assermentés, chargés, sous le contrôle du Service d’hygiène, de fonctions relatives à la police sanitaire de la commune ». Pour ce qui est de la gestion des déchets solides, les communes ont acquis cette compétence depuis le décret nº 74-338 du 10 avril 1974 qui réglemente l’évacuation et l’entreposage des ordures ménagères. Cette disposition est confortée par l’Acte 3 de la Décentralisation. « Un esprit sain dans un corps sain ». Cet adage ne peut se justifier que si l’individu évolue dans un environnement salubre et sécure.
Ainsi, la gestion de l’environnement, qui pose depuis toujours un sérieux problème aux populations et aux collectivités territoriales à qui est transférée cette compétence par la loi no 96- 07 (loi sur la gestion des déchets), est perçue comme une priorité pour les autorités sénégalaises ; chaque citoyen est appelé à participer à l’amélioration de son cadre de vie. Par ailleurs, dans un contexte de mondialisation de certaines maladies ou épidémies comme le Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) et l’Ébola, le manque d’hygiène et de salubrité devient la première source d’insécurité en ce sens qu’il constitue un facteur propice à l’éclosion et à l’expansion de celles-ci. Au Sénégal, des efforts particuliers sont à consentir en vue d’une meilleure organisation de l’activité de collecte de déchets et de désengorgement de la voie publique en utilisant des ressources humaines qualifiées avec des infrastructures de stockage et de traitement de déchets appropriés. Rien que pour la région de Dakar, 99.700 tonnes de déchets plastiques sont produites par an, selon la note du ministère chargé de l’Environnement à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement (Jme) en 2018. La protection de l’environnement n’est pas seulement l’affaire de l’Etat, mais celle de tous.
Une responsabilité collective pour une politique de protection durable de l’environnement
La loi portant sur la décentralisation de 1996 répond au besoin légitime d’émancipation des collectivités territoriales. Elle a abouti à la levée de la tutelle de l’Etat sur ces dernières par la substitution du contrôle a priori par le contrôle a posteriori. L’acte III de la Décentralisation renforce également la libre administration des collectivités territoriales, sous réserve des prérogatives de l’Etat. Il traduit le niveau d’évolution de la politique de décentralisation au Sénégal. Toutefois, l’exercice de cette nouvelle liberté renforce le degré de responsabilité des communes. Par ailleurs, l’article 119 du Cgct dispose, entre autres, que le Maire a pour mission : « la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l’interdiction de ne pas exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse causer des dommages ou des exhalaisons nuisibles ».
Or, le Maire éprouve des difficultés pour exercer ses pouvoirs dans ces domaines. Alors que le respect de l’environnement, notamment la préservation du cadre de vie des populations (hygiène, salubrité, propreté, etc.), relève de la responsabilité de tous, il est fréquent de voir un citoyen jeter par terre un mouchoir usagé, une peau de banane épluchée, un sac en plastique après usage, un gobelet de café après avoir bu le contenu, etc., sans même se soucier de l’impact de son geste sur l’environnement ou sur la santé des autres1. Ce constat a été fortement remarqué durant l’aménagement des espaces publics lors du XVe Sommet de la Francophonie à Dakar. En effet, le béton répandu pour embellir le terre-plein entre les deux allées de la Voie de dégagement nord (Vdn) a été très vite couvert par des sachets en plastique de toutes sortes, jetés par les passants et les riverains. Parallèlement, d’autres, sans aucune autre considération, subtilisaient ce béton pour leurs besoins personnels. Ces actes d’incivilité notoire, dénudés de toute citoyenneté, doivent être combattus, voire sanctionnés.
Des volontaires citoyens pour la protection de l’environnement
Depuis 2011, il n’existe plus au Sénégal de corps de policiers municipaux. Les Maires n’ont pu exercer leurs pouvoirs en matière de police administrative (Article 118 Cgct), notamment, « le bon ordre, la salubrité, la sûreté et la tranquillité publique ». La loi du 21 avril 2015, interdisant l’usage des sacs en plastique au Sénégal, a été adopté par l’Assemblée nationale. L’État est aussi en train de mettre en œuvre le projet de gestion des déchets municipaux et ceux dangereux pour réduire les émissions de polluants organiques persistants dans les villes de Tivaouane et Ziguinchor. Dans cette perspective, le Maire de Sandiara a aussi montré la voie à suivre en faisant de la politique environnementale sa priorité par l’implication des populations dans la préservation de leur cadre de vie. Compte tenu de la nécessité de faire participer tous les acteurs pour la matérialisation de la vision du chef de l’Etat, le volontariat fondé sur la citoyenneté et l’engagement à la construction nationale constitue un levier important à actionner. Le corps de volontaires, créé au Sénégal sous l’inspiration du Corps de la paix américain, avait pour objectif de recruter de jeunes Sénégalais avec des profils variés pour le renforcement des capacités institutionnelles de structures en ayant exprimé le besoin. Malheureusement, cette approche n’a jamais été effective même si a été créé par la suite le corps des Volontaires de l’éducation en 1995, sous l’impulsion de Mamadou Ndoye, alors ministre de l’Education de base, dans le Gouvernement à majorité présidentielle élargie de 1993.
Toutefois, avec le recul, on peut s’interroger à propos de l’efficacité du dispositif institutionnel qui avait été créé pour accompagner ledit projet. C’est dans cette optique que fut créé en 1998 le Service civique national. Aussi, les volontaires « de type nouveau », à l’image des Assistants à la sécurité de proximité (Asp), pourraient-ils accomplir les missions liées à la doctrine initiale. La transversalité de l’Asp peut lui permettre, en effet, de jouer le rôle d’assistants dans les secteurs de l’Hygiène publique, de la salubrité, de l’environnement et de la sécurité civile. Ils pourraient aussi être déployés auprès des municipalités afin de permettre aux Maires d’exercer pleinement leurs pouvoirs de police. Avec les incendies dans les marchés, les noyades et les accidents de la circulation, il serait souhaitable que des unités de protection civile de proximité soient également créées et mises à la disposition des Maires sous l’encadrement de la Bnsp. Le personnel volontaire aiderait à régler les problèmes d’encombrement, de la sécurité des marchés, du stationnement anarchique des véhicules, de l’identification des bâtiments menaçant ruine, de la sécurité touristique, de la surveillance à l’entrée et à la sortie des écoles, etc. Dans le même esprit, la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (Dscos) pourrait également être appuyée par des volontaires pour prévenir l’occupation anarchique et illégale des sols. Etant précisé que ces différentes propositions ne pourraient réussir sans le partenariat des différents ministères qui ont des pouvoirs d’attribution dans ces domaines. A ce sujet, pour être efficace, la stratégie de construction citoyenne, à large participation sociale, doit prendre en compte l’impérieuse nécessité d’associer tous les acteurs étatiques et non étatiques. De nos jours, la valorisation du capital humain, favorisant l’employabilité des jeunes par le volontariat, constitue un atout, un levier important pour promouvoir le développement économique et social des pays.
Dr Papa Khary NIANG est criminologue-Avocat Expert en Politique de Sécurité intérieure, Directeur général Asp