CONFIDENCES INÉDITES DE L’ANCIEN PM DE MACKY
Il écrira sans doute ses mémoires. Mais Abdoul Mbaye a déjà livré un coin de sa mémoire. Abdoulaye Wade avait Un destin pour l’Afrique.
Il écrira sans doute ses mémoires. Mais Abdoul Mbaye a déjà livré un coin de sa mémoire. Abdoulaye Wade avait Un destin pour l’Afrique. Maître Moustapha Kamara & Moussa Bèye voient Abdoul Mbaye, un destin sénégalais, titre de leur ouvrage consacré au président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act). « Ce livre est le portrait d’un homme, Abdoul Mbaye, et celui d’un pays, le Sénégal », résument-ils. Cet ouvrage est aussi surtout un appel à ne pas rater le fils de Kéba Mbaye, candidat en 2024, après avoir « manqué le rendez-vous avec Mamadou Dia, avec Cheikh Anta Diop » et d’autres. Dans ces « Bonnes feuilles », Kamara et Bèye relatent les minutes et les coulisses de la nomination du chef du gouvernement en 2012. Des anecdotes entre le « docteur des banques » et « le secret de ses réussites ». Son camarade de promotion à HEC, François Hollande…
Un président de transition dont l’âge interdit un 2e mandat
« Comme Abdoul Mbaye a été un Premier ministre de transition, il aspire à être un président de la République de transition, l’homme d’un seul mandat. Son âge, au demeurant, lui interdit d’en faire deux. Mais au-delà de cette question calendaire, il est, comme beaucoup, fondamentalement hostile à la multiplication des mandats et au maintien à tout prix au pouvoir de nos dirigeants. Beaucoup, après en avoir accompli deux, ont la tentation d’un troisième alors qu’ils seraient mieux inspirés d’avoir ‘’la tentation de Venise’’, à savoir de se consacrer à autre chose, de changer de mode de vie afin de remplir au mieux leur existence. Les jeunes générations, les jeunes talents sont là, qui frappent à la porte et qui n’aspirent qu’à prendre leur responsabilité. Aucun d’entre nous n’est irremplaçable, et ayons la sagesse de nous retirer, sans faire le mandat de trop, lorsque nous estimons avoir accompli notre devoir.
Dès lors que l’ambition d’Abdoul Mbaye se limitera à l’exercice d’un seul mandat, il n’aurait aucune excuse pour ne pas s’investir pleinement dans la charge de chef de l’État. Sa ligne d’horizon ne sera pas fixée sur sa future réélection, qui a pour conséquence en général de susciter une forme d’inaction politique, d’immobilisme, afin de ne pas décevoir le corps électoral. Il pourra ainsi se consacrer pleinement, sans compter, à ses tâches quotidiennes au profit du peuple sénégalais, sans aucune arrière-pensée ni volonté politique. Seul comptera pour lui le résultat, l’efficacité dans la mise en œuvre des réformes indispensables à l’avenir du Sénégal. Toute action doit être le fruit d’une réflexion, mais la réflexion doit déboucher sur l’action. »
La question de Hollande à Abdoul Mbaye après sa nomination
« François Hollande, très surpris, lui avait posé la question : ‘’Abdoul, comment as-tu fait pour devenir Premier ministre sans faire de la politique ?’’ Ce fut évidemment une grosse surprise. En effet, Abdoul Mbaye avait voté au second tour, pris l’avion le dimanche, pour se rendre à Paris où l’attendait une mission de consultance. Lus mardi, les résultats sont déjà connus, car la tendance est irréversible. Il joint Macky Sall au téléphone pour le féliciter. Le nouveau président le remercie, puis lui dit : ‘’Mais quand seras-tu de retour ? Car nous avons besoin de toi ici’’. Abdoul Mbaye lui précise que son retour est prévu à la fin de la semaine. La conversation achevée, il subodore déjà que Macky Sall pense lui proposer un poste ministériel, et en raison de son passé de banquier, celui de ministre des Finances. Ne souhaitant pas être ministre sous les ordres d’un Premier ministre politicien, il préparait sa réponse au nouveau président de la République en l’imaginant comme suit : il ne souhaite pas être dans le gouvernement, en fait il pensait que le Premier ministre serait un politicien, il était hors de question évidemment qu’il occupe une fonction aussi délicate que celle de ministre des Finances sous les ordres d’un politicien. Il conçoit donc sa future réponse en ces termes : ‘’Je vous remercie de votre proposition, mais je souhaiterais continuer à vous servir de conseiller comme je l’ai été pendant cette campagne présidentielle’’. »
Les sondes de Macky, le coup de fil de minuit, Mme Mbaye…
« Lorsque Abdoul Mbaye fut revenu à Dakar, le responsable du protocole du président l’a appelé pour lui dire que le président cherchait à le joindre au téléphone et qu’il fallait qu’il soit attentif à sa prochaine sonnerie. Finalement, l’appel viendra très tard, à quasiment minuit. Abdoul Mbaye décroche et le président lui dit : ‘’Il fait certes tard, mais je souhaite que tu occupes les fonctions de Premier ministre, on en parle demain.’’ Et Abdoul Mbaye de répondre : ‘’Il se fait certes tard, mais permettez que je vienne à vous maintenant, Monsieur le Président’’. Son accord est déjà donné. En effet, il croit au Yonou Yokouté, qui est son programme de candidat, et il lui propose une fonction de coordination de l’action gouvernementale pour la mise en œuvre de la vision du chef de l’État proposée aux Sénégalais, et largement acceptée par eux puisqu’il a été élu au second tour avec un score particulièrement impressionnant. En l’absence de chauffeur disponible à cette heure, son épouse conduit la voiture pour se rendre au palais de la République. »
Le divorce avec le président Sall
« Parvenu à destination, il attend quelques minutes dans l’un des salons avant d’être reçu par le président. Ce dernier lui confirme son souhait de l’installer dans les fonctions de Premier ministre. Abdoul Mbaye le remercie et ajoute ces phrases qu’il lui rappellera lorsqu’il quittera ses fonctions : ‘’Monsieur le Président de la République, je veux que vous sachiez que quasiment toute ma vie durant, j’ai été un mandataire social révocable ad nutum. Je sais que les fonctions de Premier ministre sont soumises à un principe quasi similaire. Je souhaite que vous sachiez que même si demain vous décidiez de mettre fin à mes fonctions de Premier ministre, je vous serai reconnaissant d’avoir porté votre choix sur ma personne parmi tant d’autres possibilités’’. Le lendemain très tôt, juste après la prière de Fadjr, il fait venir à lui quatre proches pour des conseils après les avoir informés. Puis, il se rend auprès de sa mère pour l’informer avant d’aller prier sur la tombe de son père. Il pense à une continuité de destin. Après trois établissements bancaires à redresser lui vient le gros défi de contribuer au redressement économique et financier du Sénégal, son pays. La dimension est tout autre. Mais il suffira de relever le défi avec l’aide de Dieu. Il est optimiste, pensant moins à l’importance de la fonction qu’à celle de la charge, à sa capacité à l’assumer en fonction de son passé déjà riche d’expériences réussies. »