COVID-19, LE TOCSIN DE L’ORDRE DU 21e SIÈCLE
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Une des tâches post-Covid des plus évidentes à nous assigner en Afrique est l’affranchissement du joug des vestiges stigmatisants de la colonisation et en premier lieu l’étranglement monétaire
#SilenceDuTemps – La Covid-19, au-delà de ce qu’elle a fait de morts, de désastres économiques et sociaux, de drames partout dans le monde, a surtout étouffé les sources vives de notre humanité, en restreignant les élans d’amour, en bannissant les enlacements spontanés, en nous imposant la distanciation et le confinement. La terre entière s’est retrouvée dans des comportements inédits qui jurent avec la sociabilité avérée de l’être humain. La réalité est donc que notre mode de vie est secoué comme jamais il ne l’a été et ce ne peut être en vain, mieux vaut se préparer à des changements profonds à venir. Cette pandémie est venue sonner le tocsin des vulnérabilités sournoises des systèmes dominants des siècles passés et exposer les prémices de leur déclin.
Nous connaissons à travers le monde la fameuse famille Bettencourt à la tête de L’Oréal, immensément fortunée pour avoir misé sur la coquetterie de la femme dès le début du XXe siècle. Qui aurait imaginé qu’un jour toutes les femmes du monde abdiqueraient ne serait-ce qu’une semaine à exhiber publiquement leurs beautés et atours, pour adopter un masque qui cache leurs maquillages, leurs rouges à lèvres et séduisants sourires sur lesquels repose tout leur charme.
Qui aurait imaginé toute la jeunesse du monde sevrée des lieux de divertissement (stades, boîtes de nuit, arènes) des années durant, affectant ainsi gravement l’économie et l’équilibre sociaux du monde entier. Ce ne sont là pas des soubresauts de la marche du monde, mais plutôt un changement de cap qui se dessine à mon avis. Alors, ne soyons pas naïfs face à ces phénomènes ! Toutes les sociétés du monde devront réinitialiser les logiciels qui les gouvernent pour se mettre à niveau, de manière à intégrer partout les fabuleuses percées technologiques récentes, qui ont fini de rendre obsolètes des méthodes séculaires. Comme preuve de la réalité de ces profonds changements, je relèverais tout simplement l’inédit sentiment de pitié que les populations du monde ont eue lors de cette pandémie, envers la première puissance du monde qui de toujours fut admirée et réputée immarcescible, les USA.
- Bannir l’étranglement –
Les actions en justice pour le meurtre de jeunes Noirs perpétrés par des policiers blancs furent immanquablement vaines, laissant penser qu’il existait une immunité pour les couvrir. Aujourd’hui une grande surprise est survenue avec le meurtre de George Floyd, qui a pris au dépourvu l’institution policière, rattrapée par les changements sociaux insidieux, mis en exergue par le confinement et ses multiples conséquences. Le révérend Al Sharpton, en militant avisé de la lutte pour les droits civiques ne s’y est pas trompé. Il s’est érigé aussitôt en porte-étendard du mouvement « Black Lives Matter » et, par une métaphore pertinente, a comparé le genou du policier Chauvin sur le cou de Floyd ayant entraîné la mort par strangulation, à la situation de la communauté noire, terrorisée en permanence par les policiers blancs. En conséquence de tels soutiens si propices, l’inattendu s’est produit - les conditions d’une incrimination d’un policier blanc juste pour le décès d’un noir. La condamnation du policier Chauvin pour le meurtre de Floyd aujourd’hui fait l’histoire. L’on peut espérer que cela ouvre l’ère des affranchissements des peuples du monde de tout asservissement.
Pour cela, il faut saisir l’occasion et battre le fer quand il est chaud. Je trouve qu’une des tâches post Covid-19 des plus évidentes à nous assigner en Afrique est l’affranchissement du joug des vestiges stigmatisants de la colonisation et en premier lieu l’étranglement monétaire.
Nous en Afrique francophone avons un genou sur notre cou avec l’astreinte monétaire liée au franc CFA. Sans une réelle prise en mains du contrôle de notre monnaie et l’autonomie d’adopter tout arrangement qui nous semblerait être en notre faveur, l’idée de développement demeurera un mirage. Cette reprise en mains de notre monnaie ne doit plus être seulement l’affaire de nos gouvernants, vu que le sort de tout homme au pouvoir est scellé dès lors qu’il manifeste le moindre scepticisme à l’égard du CFA. L’on sait aujourd’hui ce qu’il en coûte à un élu. Il appartient donc au peuple de s’approprier cette question et s’assigner l’objectif d’affranchissement total en toute priorité. Quand ici je dis peuple, je vise surtout ceux qui se revendiquent impudemment être la voix ou les porte-parole ou porte-étendards de ce peuple : sociétés civiles et partis politiques dont le programme semble ne se limiter qu’à s’opposer vaille que vaille. Un vrai patriote a mieux à faire dans nos pays au-devant de défis titanesques, que de porter l’étendard de la facilité et divertir continuellement la population, qui au nom de la défense de la démocratie, de celle ambiguë des droits de l’homme, etc. le courage et le patriotisme voudraient que tous donnent priorité au combat menant à l’affranchissement du genou sur notre cou. C’est mieux que l’aberration d’avoir en permanence recours à la logique du « cent pour cent contre » et damner systématiquement tout ce que le pouvoir fait, pour uniquement ne récolter que du buzz.
- La préservation de notre bien commun -
Nous avons chez nous un tabou qui consiste à ne jamais adresser les communautés lobbyistes parmi nous, qui s’emparent des meilleurs sites de notre territoire et des activités les plus lucratives. L’on préfère occulter l’éléphant au cœur de notre somptueux magasin de porcelaine, nous contentant d’essuyer la poussière qui les recouvre.
Notre fameux slogan « pays de la Téranga » ne peut ainsi équivaloir à céder ses biens à l’étranger et se soumettre à sa volonté chez soi-même. Aimons l’étranger parmi nous sans pour autant sacrifier une once de l’estime de nous-mêmes.
Il convient d’accorder plus de bienveillance aux citoyens confrontés à des problèmes fonciers dramatiques plutôt que de confier leur sort à la DESCOS. Le Sénégalais n’a que la terre de ses ancêtres, le Sénégal, pour y habiter en toute sécurité. Vu notre croissance démographique et le fait que nos frontières ne sont pas élastiques, notre terre est notre bien le plus précieux. Le meilleur moyen de miner une société est d’y introduire des lois injustes dans le domaine foncier et de les appliquer avec rigueur au gré de contingences impertinentes. L’injustice et l’irresponsabilité dans le foncier sont des bombes à retardement.
- La lutte contre la corruption et l’incurie -
Tous responsable ! Même lorsqu’on n’est pas corrompu soi-même, par l’insouciance l’on participe à son expansion. Les non-corrompus de quelque institution que ce soit, savent qu’il y a autour d’eux des corrompus et connaissent pertinemment leurs modes opératoires, mais préfèrent regarder ailleurs. Alors, arrêtons de prendre les gouvernants pour boucs émissaires de cette corruption généralisée et escompter qu’un miracle nous en débarrasse. Pour avoir des résultats notoires, il faut que chacun de nous prenne conscience, à partir d’une introspection franche, de ses propres tares et s’engage à servir de modèle à la communauté, avec le courage qui sied. Telle une pièce de monnaie, l’endroit et l’envers se retrouvent opposés dans la Covid-19.
Ibe Niang Ardo, ancien cadre de banque et ancien conseiller spécial à la Primature, est éditorialiste à SenePlus. Il est également le fondateur d’un cabinet de gérance et de promotion immobilière et auteur de deux ouvrages, un roman et un recueil de poèmes.