DE LA GAUCHE QUI SE MEURT À LA GAUCHE QUI VIT
EXCLUSIF SENEPLUS - L’alternative de rupture que nous portons via le Pastef souscrit volontiers au qualificatif de radicale. Ce qui reste déterminant, c’est la situation du peuple, quand celui-ci en arrive à ne plus accepter d’être gouverné comme avant
Fusion historique de 14 partis politiques et mouvements citoyens au Sénégal. Non pour créer un parti de plus dans un pays réputé en avoir déjà trop, mais plutôt fusion au sein d’une organisation légalement constituée, déjà reconnue, connue et appréciée au Sénégal, en Afrique, dans la diaspora et à travers le monde : Pastef- Les Patriotes/ Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité.
Fusion historique, consécration d’une volonté commune, à travers non pas un coup de loterie, mais plutôt un processus patiemment conduit, de 2016 à 2021 à tout le moins, permettant à l’essentiel des parties prenantes d’apprendre à se connaître et à se faire confiance, en s’éprouvant progressivement aux divers plans théorique et pratique. Partage d’une ligne politique patriotique, anti-impérialiste, panafricaniste et internationaliste d’alternative souveraine, au service des peuples du Sénégal, d’Afrique et du monde. Partage de tranchées à l’occasion de la campagne pour le « non » au referendum maquillé de 2016, des élections législatives de juillet 2017 au sein de la Coalition Ndawi Askan Wi puis de la présidentielle de février 2019 autour de la Coalition Sonko Président. Partage de différents combats menés en commun sur le terrain social et citoyen pour l’État de droit, la prise en charge, la défense et la promotion des revendications populaires légitimes.
Avec en plus, s’agissant plus spécifiquement de Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’Autonomie Populaire (YAW), la concrétisation de l’appel lancé dès son AG constitutive du 3 mai 2008, intitulé : « Appel pour la fondation d’une grande organisation unitaire, populaire et alternative », organisation dont Pastef aujourd’hui incarne largement la figure vivante. Sans oublier les pas franchis auparavant dans ce sens en 2013 déjà, illustrés par la fusion au sein de Yoonu Askan Wi avec le Ferñent/MTPS des Roland Fodé Diagne et autres Guy Marius Sagna, compagnons des feux camarades Assane Samb et Birane Gaye, en même temps qu’avec des dirigeants émérites du PAI historique de la trempe des doyens Alla Kane et feu Moctar Fofana Niang.
Fusion historique après aussi, faut-il le rappeler, les « Assises de la Gauche sénégalaise » ayant abouti au lancement, le 22 février 2015, de la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme (CDS). Cette plateforme malheureusement n’a jamais réussi à se mettre en orbite, préférant s’engluer systématiquement dans une ligne de « rupture entre la théorie de gauche et la pratique de gauche » (YAW / CG-SP, Document d’évaluation de la CDS, 05 novembre 2017).
Positions trop « radicales », nous lance-t-on parfois de-ci de-là ! Être radical ne signifie guère être extrémiste, excessif ou violent, mais plutôt être porté à prendre le mal à la racine, pour une thérapie de fond et non pour de simples et éternels replâtrages de surface à l’intérieur du même système : dans ce sens authentique, l’alternative de rupture que nous portons souscrit volontiers au qualificatif de radicale. Par ailleurs, tout en revêtant une dimension de portée stratégique, l’initiative de fusion, lancée à quelque cinq mois des élections territoriales de janvier 2022, ne saurait se détourner d’une bataille politique aussi importante, à enjeux multiples et décisifs. Pour mémoire, ce sont les élections locales de juin 2009 qui avaient, les premières, sonné le glas annonciateur de la chute des Wade, grâce à la mobilisation populaire autour d’une grande coalition unitaire de l’opposition. En effet, appréciant lucidement les enjeux d’alors, l’ICR Bennoo Wallu Askan Wi (dont était membre Yoonu Askan Wi aux côtés d’autres partis politiques et mouvements citoyens) était allée proposer au Front Siggil Senegaal, en janvier 2009, la mise en place d’une grande coalition commune, proposition aussitôt validée, se traduisant par la constitution de la coalition plurielle Bennoo Siggil Senegaal. Puis vint l’historique soulèvement populaire du 23 juin 2011, avant le coup de grâce de février-mars 2012 sous l’égide de la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar.
Ainsi, sur le terrain électoral sénégalais, l’histoire récente de ces vingt dernières années prouve amplement l’impératif d’une grande coalition unitaire, représentative et combative, pour venir à bout d’un pouvoir autocratique, décidé à se perpétuer par tous les moyens, en mettant à profit à cette fin sa mainmise sur l’appareil d’État, l’administration, le parlement, la justice, les forces de sécurité, les ressources nationales, sans oublier le processus électoral verrouillé par un code sur mesure, marqué entre autres par la prédominance de l’inique scrutin majoritaire à un tour (système dit du raw gàddu), etc. Et si dans cette histoire récente, une coalition unique de l’opposition n’a jamais existé, il a fallu toujours compter avec une grande coalition unitaire comme tête de proue. Mais cette dernière, si représentative et combative soit-elle, ne saurait suffire pour gagner ; elle apporte toutefois un supplément de motivation et de stimulation à la mobilisation du peuple et des citoyens électeurs. En dernière analyse, ce qui reste déterminant, c’est la situation objective et subjective du peuple, quand celui-ci en arrive à ne plus accepter de subir le même calvaire et d’être gouverné comme avant, qui plus est, par les mêmes dirigeants ; en d’autres termes bu demee ba suur léen këll, et que le contrat de confiance est bel et bien rompu.
Les alternances de 2000 et 2012 dans notre pays et entre les deux, les élections locales de 2009, comme montré plus haut, en constituent des illustrations éloquentes. La dialectique de «l’ antisystème » et du « système », de même que la problématique des alliances, perçues parfois comme des « alliances hétéroclites et contre nature » doivent, pour une appréciation correcte, être analysées non pas de façon abstraite ou spéculative, mais bien sous leur rapport au combat réel, opposant au corps à corps le camp du peuple à celui des oppresseurs et exploiteurs, en pleine conscience du rapport de forces, tel que dégagé à partir de « l’analyse concrète de la situation concrète ». Utiliser la force de l’adversaire pour le terrasser est un principe bien connu des adeptes des arts martiaux, tout comme l’utilisation des réserves indirectes pour affaiblir le camp adverse reste une composante à part entière de toute tactique de lutte politique digne de ce nom. En réalité, aucune révolution, ni même aucun changement significatif dans aucun pays au monde, n’a jamais eu lieu, dans l’histoire contemporaine des luttes des peuples, sans que des pans entiers du « système » en place n’aient basculé, peu ou prou, à un moment déterminé, dans le camp de « l’antisystème », l’essentiel étant de rester stratégiquement fermes sur ses orientations, et en même temps lucides, ouverts et vigilants dans la conduite politique, autour d’objectifs pertinents, clairement définis à chaque étape et aptes à faire avancer réellement la lutte des masses populaires. Le succès est au bout de l’effort et de la créativité qui construisent, au bout de la lutte qui libère. Qui l’emportera ? La réponse est entre les mains du peuple souverain. Nous avons foi, quant à nous, en la justesse, en la force de notre combat, et notre responsabilité de militant-e-s est de faire ce qui dépend de nous, tout ce qui dépend de nous, avec la claire conscience qu’il est venu « le temps de l’effort collectif, le temps de l’engagement solidaire au service de l’intérêt général et de l’épanouissement individuel, le temps de l’obligation de rendre compte, le temps de la participation et du contrôle citoyens vigilants, le temps d’un leadership nouveau fondé sur la capacité d’anticipation, la compétence, l’humilité, la proximité et le terrain, la pédagogie de l’exemple et le respect dû au citoyen en tant que nawle, conformément au principe selon lequel le dirigeant n’est que le primus inter pares, choisi comme premier responsable parmi des hommes libres et égaux, pour piloter le navire de leurs espérances communes » (Madieye Mbodj, Contribution, Dakar, 5 octobre 2006). En d’autres termes, « le Sénégal n’a pas besoin de messie ni de héros, mais d’une masse critique de citoyens conscients des enjeux et qui ont le courage d’agir » (Programme Jotna de la Coalition Sonko Président- Dakar, Février 2019).
Un nouvel espoir est en train de germer sur notre terre mère d’Afrique. Juché sur les épaules vigoureuses d’une nouvelle génération de patriotes, démocrates, anti-impérialistes, panafricanistes, portant en bandoulière l’alternative souveraine de rupture au service des peuples du Sénégal, d’Afrique et du monde. Les révoltes populaires ouvrières et estudiantines de mai 68 avaient favorisé l’émergence de la « nouvelle Gauche » des années 70-80. Diverses composantes de la « gauche sénégalaise », et pas des moindres, ayant depuis lors succombé à l’appât des pouvoirs prédateurs, ont fini par capituler avec armes et bagages, à l’appel des sirènes des régimes Diouf, puis Wade et Sall. C’est pourquoi, par-delà « le nom », il est question de savoir saisir « la chose », de « rompre l’os pour sucer la substantifique moelle », comme dirait Rabelais. Être de gauche, ce n’est donc ni un slogan ni une réclame, c’est se placer en théorie et surtout en actes, du côté des masses opprimées et exploitées, au service de leurs luttes et de leurs intérêts, hier, aujourd’hui et demain, adossés sur une vision, des valeurs, une mission et des objectifs articulés autour d’un projet autonome et souverain d’émancipation et de transformation sociale.
Fort de cet éclairage, un camarade nous a posé l’autre jour en pleine réunion la question pertinente suivante, dont la réponse à nos yeux coule de source : Existe-t-il aujourd’hui sur l’échiquier politique du Sénégal un parti qui soit ‘’plus à gauche’’ que Pastef-Les Patriotes ? Le passage fécond de témoin, l’osmose intergénérationnelle de militant-e-s dévoué-e-s à la cause du peuple, les luttes en cours aux enjeux multiples, servent présentement de catalyseur à l’affirmation de ce que nous pouvons appeler « Gauche nouvelle contemporaine ». Directive de renouvellement dans la pensée comme dans l’action, dans la liaison aux masses, à la prise en charge de leurs préoccupations et de leurs luttes. Forces combattantes contemporaines des réseaux sociaux interactifs et de la révolution 4.0 en cours sous nos yeux ; contemporaines des défis vitaux des transitions démographiques et écologiques, contemporaines de l’émergence d’une citoyenneté mondiale décomplexée, prônant un autre vivre-ensemble dans la diversité, la dignité, le respect, l’égalité et la réciprocité assumés. Nous devons à la vérité de constater, à partir des faits, qu’une ‘’ancienne nouvelle gauche’’ se meurt dans le gouffre de la capitulation et de la compromission, pendant qu’une ‘’gauche nouvelle contemporaine’’ se forge dans les tranchées des combats populaires, portant l’espoir de tout un peuple, de tout un continent. Les récents coups d’État survenus au Mali, puis au Tchad ou tout fraîchement en Guinée Conakry, traduisent quelque part le décalage profond entre d’une part, les apprentis dictateurs, véritables ’’tigres en papier’’ à la tête de nos États, sous la botte des puissances néocoloniales et de leurs multinationales capitalistes tirant les ficelles, d’autre part les masses africaines déshéritées et spoliées, en quête d’un leadership collectif nouveau, soucieux de gouvernance démocratique fondée sur l’indépendance réelle et la souveraineté populaire, orientée vers le développement endogène solidaire et inclusif au profit prioritaire du plus grand nombre, dans une Afrique libre, unie et prospère.
Masieye Mbodj est ex-délégué général de Yoonu Askan Wi, membre de Pastef / Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l‘Ethique et la Fraternité .