DE L'ÉCLATEMENT DU MINISTÈRE DES FINANCES
Macky Sall peut entrer dans l’histoire, mais son nouveau quinquennat entamé avec des erreurs que le Sénégal a déjà commises, risque de connaitre des ratés au démarrage
Dans nos pays en développement, la personnalité qui a en charge la coordination et la cohérence de la politique économique et financière du pays, premier collaborateur du Président de la République, est le Ministre de l’Economie et des Finances. De ce point de vue, nous sommes pour un régime présidentiel fort et en phase avec la suppression d’un poste de Premier Ministre qui n’aurait pas le portefeuille de l’économie et des finances. Choisir ce Ministre de l’Economie et des Finances n’équivaut pas nécessairement à choisir un rival ou un successeur, mais il faut le choisir, car le Président de la République ne peut pas efficacement assurer cette fonction et un successeur est inévitable.
Eclater cette fonction entre trois personnes, dont l’une dépouillée de la coopération, le tout à coordonner par un Ministre d’Etat plutôt que de responsabiliser des directions sous un seul homme de confiance sème les graines d’un quinquennat de gestion de conflits d’experts. Déjà, la fusion de l’économie et des finances avec le retour du plan nous a valu des statistiques de croissance invraisemblables, et une situation financière extrêmement précaire du fait de recettes incompatibles avec cette croissance supposée. Cette situation, le Fonds Monétaire International ne veut pas la décrire dans un langage clair et non diplomatique. Comme beaucoup le savent, l’accélération de notre endettement est le fait de déficits budgétaires effectifs trop élevés, insoutenables, et mis en œuvre de façon non transparente. Maintenant que le deuxième mandat est assuré, le Sénégal a besoin d’être mis sur les bons rails dans une transparence qui permettra la critique objective et constructive.
Par ailleurs, la forte volonté de planifier le développement depuis 2014, et la séparation du plan et des finances, ne correspondent pas à une vision d’un Président libéral. La culture de plan, entendons de transformation structurelle volontariste de notre économie, par opposition à la planification nécessaire de biens et services publics de qualité à travers le budget, ne nous a jamais réussi et avait été abandonnée car nous ne nous sommes jamais donné les instruments de sa réussite. Nous avons déjà développé cette question dans nos précédentes contributions et rapports.
Notre développement dont le leadership était supposé désormais relever du secteur privé national du fait de l’échec de l’Etat, comme maintes fois réaffirmé avec l’appui de l’Etat, ne peut se faire dans une culture de planification centralisée du futur de notre économie avec ou sans pétrole et gaz. La planification du budget à moyen terme, des biens et services publics de qualité essentiellement, devrait donc de ce fait également relever du Ministre de l’Economie et des Finances. Le ministère du budget deviendrait alors également inutile puisque les dépenses à moyen terme ne peuvent être planifiées sans une vision à moyen terme de l’économie privée et du budget et leur gestion financière à court et moyen termes.
Aussi, la coopération, dans une logique financière, ne peut se faire sans les finances car la coopération dans un Ministère de l’Economie et des Finances ne devrait pas être une banque de projets financés par des bailleurs à inclure dans le budget car financés. Pour un pays du niveau du Sénégal, c’est une stratégie d’endettement à moyen terme qui doit déterminer nos modes de financement plutôt que des financements disponibles du fait d’une coopération bilatérale ou multilatérale efficace. Cette façon de combiner projet et financement relève du financement de projets privés ou publics privés hors budget et sous le leadership du secteur privé. En effet, une stratégie d’endettement doit s’élaborer indépendamment de la coopération financière. Idéalement, la bonne conception de projets publics aux niveaux des ministères devrait être séparée du mode de financement de ces projets. Lorsque les deux se font ensemble comme nous l’avons fait depuis 1960, nous perpétuons notre dépendance de bailleurs bilatéraux et multilatéraux, augmentons notre vulnérabilité extérieure, et retardons davantage notre développement. Nous ne rompons donc pas avec le passé.
Dans un pays comme le Sénégal où nous avons un Ministère de l’Economie et des Finances rompu à la tâche, il faudrait donc y mettre un homme de confiance. Ce dernier est peut-être le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République ou le Ministre de l'Economie du Plan et de la Coopération, ou encore celui des Finances et du Budget. Cela n’en ferait pas un successeur quel que puissent en penser leurs camarades de parti. L'ancien Premier Ministre est malheureusement un fervent adepte du plan, peut être du fait de son passage à l’industrie et à l’ONUDI.
Le développement peut-il être planifié à l’échelle centrale ? Le Président de la République et les sénégalais dans le cadre d’un dialogue, doivent d’abord répondre OUI à cette question car pour l’instant nous ne l’avons jamais réussi. Nous ne pouvons conclure sans réitérer qu’une des raisons principales de cet échec est que nous n’avons jamais eu l’instrument monétaire et de change pour accompagner cette façon de faire.
Le Président Macky Sall peut entrer dans l’histoire, mais son nouveau quinquennat entamé avec des erreurs que le Sénégal a déjà commises, risque de connaitre des ratés au démarrage. Les Sénégalais patienteront encore.