DE QUOI MON PRÉNOM EST-IL LE NOM ?
Alors que se profile la présidentielle française, l’instrumentalisation de l’identité nationale est de nouveau à l’ordre du jour. L’occasion de rappeler aux parents que le choix du prénom de leur enfant est un acte qui ne doit obéir à aucune injonction
Je m’appelle Aïda. On me demande souvent : « Comme l’opéra ? » Absolument pas. Mon prénom est le diminutif d’Aïssatou, porté par l’une des sœurs de mon père, décédée dans son enfance. C’est un prénom d’Afrique, qui me rattache à mon histoire familiale, à celle de mon père, qui quitta le Sénégal pour la France où mes frères et moi avons vécu et grandi, et non une référence à cette pratique ô combien marquée socialement qu’est la fréquentation de l’opéra…
Puissance d’évocation
Pourtant j’aime bien ce lien avec l’œuvre de Verdi, qui n’est pas si erroné puisque l’héroïne est elle-même d’origine africaine. C’est dire la puissance d’évocation d’un prénom qui résonne en nous de plus d’une manière.
Dans une vaste étude sociologique parue en 2021, L’Épreuve de la discrimination, les auteurs* montrent comment les parents peuvent choisir pour leur enfant un prénom dont la consonance « passe bien » afin qu’il ne subisse pas de discriminations fondées sur l’origine qu’on pourrait supposer en se référant à ce seul prénom. Les travaux du sociologue Baptiste Coulmont ont montré, depuis plusieurs années déjà, la corrélation qui pouvait être établie entre le prénom des candidats au baccalauréat et la mention qu’ils obtiennent à l’examen : 25 % de mention très bien chez les Garance, 18 % chez les Théophile, contre 2 % chez les Ryan et les Steven.
Faut-il en conclure que le prénom nous assigne à un destin social ? Doit-on en déduire que le prénom n’est jamais que le reflet de l’identité sociale ou culturelle que les parents transmettent à leurs enfants ? En faisant de son changement d’état civil l’une des étapes fondamentales de son ascension sociale, Eddy Bellegueule devenu Édouard Louis semble ne rien dire d’autre.