DES AMBITIONS… ET DE LA NOBLESSE
Ces individualités, qui défendent et exaltent leur « moi » alors que les urgences sont ailleurs, ne s’acquitteraient jamais de leurs charges comme d’un sacerdoce - Sont-elles au courant de la misère des « petites gens » ?
Après la publication de la composition du gouvernement de ce qui est convenu d’appeler Macky II, certains des partisans de ce dernier se sont levés pour montrer leur insatisfaction. Les uns avec habileté, les autres avec véhémence. Et, le plus souvent, dans une pathétique et écœurante effusion. L’un des « frustrés », militant de la première heure, dit avoir ignoré les largesses du précédent régime au nom de ses vertus et de sa fidélité au Président de la République, alors dans l’opposition. Il convoquera ensuite sa foi et sa dignité d’homme pour nous apprendre qu’il n’est pas une âme quémandeuse. C’est bien ! On apprécie cette noblesse de caractère ! Un autre, qui s’attendait certainement à être convié au gratin, trouve subitement le besoin impérieux de se livrer à une « vraie introspection ». C’est bien ! L’autoanalyse, c’est également une bonne chose ! Une entité de la mouvance présidentielle n’a pas manqué, non plus, de développer une petite « névrose » dont tout le monde connaît la cause ! Il y aura, sans doute, d’autres rouspétances quand les derniers espoirs d’un strapontin ou d’un recasement se seront anéantis.
La récente sortie « musclée » de sa majesté, relatée par la presse, semble avoir un peu tempéré, ces derniers jours, l’ardeur de ceux qui estiment avoir bien mouillé le maillot pour mériter une petite gratification. Toutes ces convoitises assaillent notre esprit, peut-être bien naïf, de deux petites questions. La première a trait au message que ces ambitieux aspirants adressent, par leur boulimie de puissance, aux administrés. Leur attitude laisse penser que l’exercice du pouvoir est un instant de délectation, non sans parler de leur dignité qu’ils compromettent par leurs ambitieuses visées. Dans un pays aussi pauvre que le Sénégal où 374.000 personnes étaient, en 2018, dans l’incapacité d’assurer les trois repas quotidiens, se répandre en gémissements alors qu’on se vautre, chaque soir, dans sa bergère après avoir fait ripaille, c’est malséant.
Le meilleur homme politique, c’est celui-là dont le cœur est accessible à la compassion, tout en affirmant son autorité conformément à l’éthique et à l’équité. Ces individualités, qui défendent et exaltent leur « moi » alors que les urgences sont ailleurs, ne s’acquitteraient jamais de leurs charges comme d’un sacerdoce. Sont-elles au courant de la misère des « petites gens » ? Oh que si ! Mais, elles feignent de l’ignorer car elles n’ont pas su réprimer les petites envies de nos existences terrestres. La manière de faire de la politique au Sénégal produit un déphasage, édifie des cloisons entre le couturier de luxe et le loqueteux, entre le discours de ceux qui prétendent nous sortir de la misère et nous les crève-la-faim. Les enjeux sont plus importants que vos petites personnes, chers Messieurs ! Ces beaux mots de Victor Hugo sur la (in)justice et la société trouvent sens dans vos jérémiades de privilégiés : « Quand on est en présence de pareils faits, quand on songe à la manière dont ces questions nous pressent, on se demande à quoi pensent ceux qui gouvernent, s’ils ne pensent pas à cela… Il est important, députés ou ministres, de fatiguer et de tirailler toutes les choses et toutes les idées de ce pays dans des discussions pleines d’avortements…
Que dirait la Chambre, au milieu des futiles démêlés qui font si souvent colleter le ministère par l’opposition et l’opposition par le ministère, si, tout à coup, des bancs de la Chambre ou de la tribune publique, qu’importe, quelqu’un se levait et disait ces sérieuses paroles : taisez-vous, qui que vous soyez, vous qui parlez ici, taisez-vous ! Vous croyez être dans la question, vous n’y êtes pas ». La question, c’est l’essentiel. Et l’essentiel, ce sont les aspirations légitimes du peuple. Le Président Macky Sall semble l’avoir compris. Pour être dignes de ce compagnonnage dont vous vous prévalez, désherbez, avec lui, l’allée du progrès. Il n’y a pas besoin d’être ministre pour le faire. La seconde réflexion que nous inspirent tous ces « sanglots » publics des « oubliés » est relative à l’écrasant devoir de reconnaissance dans nos sociétés, de manière générale.
Les prouesses du présent sont dépréciées par une allusion permanente, pernicieuse et avide à la période des vaches maigres pour légitimer toutes les prétentions. La plus petite des faveurs est convoquée pour fonder et formuler ses exigences au nouveau possédant ; les commentaires les plus odieux rappelant son passé de « gueux ». L’acte de générosité devient ainsi cette « épargne » qu’on lui jette à la figure sans retenue. Le courtisan se dépite contre son ingratitude, oubliant l’exiguïté de son raisonnement inductif. Sans vouloir mépriser le passé, le devoir de reconnaissance est, quelquefois, asphyxiant, surtout quand nous ne donnons pas de la noblesse à nos actes