DES RAISONS DE REVER
Après le Ghana et le Mali en 2008, le Sénégal va bientôt rejoindre le très enviable club des pays africains producteurs de pétrole. Notre pays y ajoutera aussi le gaz.
De quoi faire jubiler les autorités qui tiennent les rênes du pouvoir. Mais aussi et surtout les Sénégalais dans leur globalité. Il était temps que ce pays, havre de paix et chantre de la démocratie en Afrique de l’Ouest sorte ses trente-deux dents et envisager un développement durable qui ne soit pas basé que sur l’aide publique et autres recettes douanières.
Cette manne financière attendue des hydrocarbures découverts dans notre pays, ouvre de nouveaux horizons pour transformer l’économie du Sénégal et sortir ses populations de l’extrême pauvreté.
Nous pourrons enfin offrir à nos enfants un avenir radieux. Ils pourront aller à l’école, sans être entassés comme des pots de sardine dans ses abris provisoires. Nos femmes du monde rural ne seront plus contraintes d’accoucher dans des charrettes. Nos producteurs et autres agriculteurs ne seront plus contraints de bazarder leurs récoltes par peur qu’elles pourrissent entre leurs mains. Nos populations des villages et des hameaux auront enfin droit à de l’eau potable. Habiter à 500, voire 700 kilomètres de Dakar ne sera plus un «péché». Chaque sénégalais où qu’il puisse être pourra pratiquer le sport de son choix, avec l’installation des infrastructures adéquates. Le Sénégal redeviendra un hub touristique, comme il aurait dû l’être au niveau des télécommunications.
Nos jeunes arrêteront de braver l’Océan atlantique au péril de leur vie à la recherche d’un Eldorado imaginaire en Occident. Nos campus universitaires retrouveront leur lustre d’antan avec des capacités d’accueil aux normes internationales. Nos hôpitaux cesseront d’être des mouroirs. Enfin, l’émergence cessera d’être qu’un simple slogan.
Mais, pour y arriver il faut faire preuve de prudence pour ne pas vivre avec ce paradoxe qui voudrait faire du pétrole une «malédiction». Si l’on en croit au rapport 2008 sur les performances des compagnies pétrolières et gazières, publié par Transparency International, 60% des personnes les plus pauvres vivent dans des pays riches en ressources, particulièrement ceux de l’Afrique.
Le Sénégal peut bien battre en brèche ces statistiques confortées par certaines idées reçues. Notre pays est exceptionnel. Et il devrait continuer à l’être. Nous vivons en parfaite harmonie entre noirs, blancs et arabes ; entre musulmans, catholiques, animistes et athées. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les partis d’obédience religieuse, n’atteignent la barre des 1% dans une élection au Sénégal.
Ce n’est pas parce que des ressources pétrolières, aient contribué à financer les régimes autoritaires ou accentué des tensions ou des conflits armés (Soudan, Angola, Congo Brazzaville), que le Sénégal devrait craindre l’or noir.
Nous ne sommes pas en train de dire que ce qui est arrivé aux autres ne peut jamais nous arriver, à nous, Sénégalais. Parce qu’ici naquît tel ou tel autre marabout. Non ! Loin de là ! Nous n’oublierons jamais que nous avons vécu la catastrophe maritime la plus meurtrière au monde, avec Le Joola qui a même dépassé le célèbre Titanic en termes de victimes. Quid de la boucherie humaine en 1989 lors du conflit sénégalo-mauritanien ? Sans occulter notre Casamance qui peine à vaincre sa crise qui date de 1982.
C’est dire que la vigilance devrait être de mise. Et qu’il est temps que nos hommes politiques réagissent en hommes d’Etat. Comme le disait James Freeman Clarke (1810-1888), «les premiers pensent à la prochaine élection, les seconds, à la prochaine génération».
Ces découvertes de pétrole et de gaz devraient servir aux prochaines générations. Par conséquent, elles doivent être gérées avec patriotisme, pour éviter des scandales «Elf» et «Angolagate» respectivement au Congo et en Angola, qui n’auraient jamais eu lieu sans la complicité des compagnies pétrolières. D’où l’exigence de transparence, qui doit forcément passer par la suppression de la clause de confidentialité dans les contrats, mais aussi et surtout éviter le maximum de conflits d’intérêt, de connivence entre les hommes politiques et les hommes d’affaires. Surtout que ces derniers n’ont jamais été aussi présents dans l’entourage d’un Chef d’Etat que sous le régime de Macky Sall. Inutile de dire qu’ils sont loin d’être des philanthropes.