ÉDUCATION, RESPONSABILITÉS DES PARENTS
Les devoirs des parents sont si difficiles et si délicats que personne n’oserait prétendre s’en acquitter sans se tromper
Dans les attelages gouvernementaux connus, depuis l’Indépendance, on a toujours noté un ministère constant qui s’occupe de l’Enseignement, dit : Ministère de l’Education. Dénomination pompeuse qui, en réalité n’est qu’une photocopie de la conception française de son système éducatif. On oublie souvent que ce ne sont pas les mêmes réalités qui se trouvent à la base de l’impulsion et de la marche des deux systèmes. Le Ministère Sénégalais de l’Education, aussi bien dans sa structure que son fonctionnement, n’a rien de « national ». C’est plutôt de l’instruction publique dont il s’agit que d’éducation au sens premier du terme. La véritable éducation, elle est de base et incombe plus aux parents, à la famille qu’à l’école. Certes, celle-ci en a une part non négligeable mais encore il est nécessaire qu’on puisse faire la part des choses.
Le curriculum de l’Education de base CEB a tenté d’apporter des correctifs par rapport aux programmes précédents en introduisant le concept de ESVS – Education à la science et à la vie sociale – non seulement, la maitrise de la pratique pédagogique par les enseignants est particulièrement lacunaire mais les disciplines qu’elle regroupe – vivre dans son milieu et vivre ensemble, notamment, ne font même pas l’objet d’une évaluation au CFEE. Où est alors l’éducation au sens propre du terme ?
Comme on le sait, celle-ci fait l’objet de diverses conceptions. Et la question de la légitimité de l’action éducative se pose. De quel droit intervenons-nous dans la vie présente et future d’un être humain ? Oui nous autorise à essayer de le former, à prendre en main la conduite de son développement – c’est le sens du mot éducation – et à l’élever selon nos conceptions ?
Mais malgré tout, si l’on devait hasarder une entreprise de ce genre, quelle est la structure qui devrait avoir le primat ? Bien sûr la famille, les parents en l’occurrence. De ce point de vue, il est admis que l’un des plus grands avantages accordés à la majorité des enfants est celui d’avoir à la fois un père et une mère. Tous deux sont indispensables pour une action éducative équilibrée. Pour s’occuper de ses enfants, il faut que le père soit présent à la maison le plus possible.
La vraie famille, complète, active, n’existe que lorsque les parents sont tous deux-là. Dans les milieux ouvriers, le travail arrache le père à son foyer le plus clair de son temps et il devient un méconnu, dont l’autorité est singulièrement ébranlée. Cela a nécessairement des répercussions sur le comportement des enfants.
En effet, les devoirs des parents sont si difficiles et si délicats que personne n’oserait prétendre s’en acquitter sans se tromper. Le père n’est pas un «dompteur ».Devant un tel idéal, on conçoit le non-sens des méthodes d’éducation dont font usage certains pères de famille et qui s’apparentent à celles d’un dompteur dans une cage de fauves : ceux qui « forcent » l’enfant, par la menace, à se soumettre sans réplique, aux ordres qu’ils donnent et ceux qui « achètent » , si j’ose dire, la bonne volonté et les bonnes grâces de l’enfant par des remerciements, des félicitations, des récompenses. Que demande-t-on à l’enfant qu’on éduque ?
Tout simplement de revenir, à travers de multiples expériences, à sa véritable nature. Il n’y a donc pas lieu de lui faire violence, ni de faire intervenir de bas intérêts. Il faut l’aider patiemment, avec fermeté et douceur, à ranimer la nature parfaite que le créateur a consentie pour lui. Voilà pourquoi il est non seulement inefficace et cruel, mais aussi anti pédagogique de chercher à « dompter », à « dresser » un enfant.
L’éducation véritable consiste à le mettre en contact avec la puissance divine, à disposer son cœur, par le précepte et par l’exemple, à recevoir des leçons que Dieu lui donne. Un père de famille ne doit pas être un dompteur. Et la mère dans tout ça ? Sa présence au foyer est une nécessité. Cependant la femme d’aujourd’hui tend de plus en plus à s’en détacher. Elle ne voit pas pourquoi elle vivrait dans l’ombre alors que son mari sort, rencontre du monde et joue un rôle infiniment moins effacé. « Tota mulier in utero » disent volontiers les savants, c’est-à-dire tout ce que fait la femme et tout ce qu’elle est, résulte de sa possibilité d’avoir des enfants.
Cette formule parait étroite ; en réalité, elle est aussi vaste que peut le souhaiter un être humain conscient de sa valeur et de sa dignité. Elle devrait donc regarder plus loin que les tâches immédiates. Lorsque, grâce à son action sage et patiente, une maman aura pu « mettre en circulation », si j’ose dire, un fils de vingt ans bien préparé à sa tâche de fonder un vrai foyer, elle pourra contempler le résultat de son travail. Ce travail consiste, il est vrai, en un nombre incalculable de « petits riens » accomplis avec patience et régularité. L’exemple de l’ordre et de la propreté, de l’activité toute simple, de la bonne humeur devant les contretemps aura contribué, souvent bien mieux que les longs et solennels discours paternels, à la formation d’une âme et d’une conscience.
L’influence de la femme au foyer est surtout d’ordre moral. On a fini par comprendre que les hommes de demain seront ce que les font les femmes d’aujourd’hui, que demain la situation sera prospère ou inquiétante selon que les mères de famille auront bien ou mal préparé le corps, le cœur et l’esprit de leurs enfants –« LIGUE YOU NDEYE, AGNOUB DOME », a-t-on l’habitude d’entendre. Telle est la véritable mission de la femme et de la mère. C’est ce que Pierre – Henri Simon a exprimé dans « la femme et sa mission » en ces termes : « on peut supposer tous les progrès sociaux, toutes les révolutions, tous les ordres de civilisation qu’on voudra, il restera deux faits contre lesquels aucune théorie de l’esprit, aucune contrainte de l’Etat ne pourront jamais rien : cet instinct qui pousse l’homme et la femme à chercher dans l’amour partagé la plus intense joie terrestre, et cette loi qui fait que le drame de l’humanité de demain se décide aujourd’hui, sur les genoux des mères. »
Lourde responsabilité ! En ont-elles conscience ? En tout cas, si ce travail qui incombe tant à la femme, comme le décrit si bien notre auteur, est mené de la façon la plus habile, on ne devrait pas observer, dans la vie de tous les jours, des comportements déplorables, de la part de certains jeunes, tels : Lever la main sur un professeur est un acte qui frise l’infamie. Il est condamnable à plus d’un titre .Un élève qui se livre à de tels actes n’a plus sa place dans le milieu scolaire. Il en est de même pour l’étudiant qui pousse l’outrecuidance jusqu’à l’audace d’arracher le micro de son professeur en plein cours.
L’humiliation ainsi faite à un universitaire, dépositaire d’un savoir si respectable, ne doit pas rester impunie. Que ceux-là qui procèdent ainsi comprennent qu’ils sont en train de se sacrifier eux-mêmes, car on ne récolte que ce qu’on a semé. On ne peut pas maltraiter ainsi, en tant que « talibé », son« serigne » et espérer connaitre plus tard la « baraka ».
On le leur rendra, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre. Stoetzel écrivait, dans son commentaire d’une enquête sur les valeurs qui doivent être les fondements de comportement citoyen des jeunes dans le monde actuel : « les certitudes morales sont en train de s’effondrer, chez les jeunes, les normes sont désacralisées ».Déjà les différences d’opinions entre générations étaient hautement perceptibles : elles n’ont fait que s’approfondir au point que beaucoup de sociologues ou d’experts parlent aujourd’hui de « fracture ». Il faut agir pendant qu’il est temps.