ENTRE PUB ET INFO, UNE FRONTIÈRE PAS TRÈS VISIBLE
L’avènement de la formule de téléphonie Free et le déploiement de bien d’autres stratégies commerciales prenant la presse pour espace, donnent la preuve qu’il est complexe de démêler une information enrobée dans une communication
Où se trouve la frontière entre l’information et la communication commerciale ? Comment donner la première sans tomber dans la stratégie de la seconde ?
L’avènement, au Sénégal, de la formule de téléphonie Free – pour ne citer qu’un cas récent – et le déploiement de bien d’autres stratégies commerciales prenant la presse pour espace, donnent la preuve qu’il est complexe et difficile de démêler l’embrouillamini d’une information enrobée dans un message de communication.
Et, croyons-nous, cette perplexité est commune à tous les journalistes professionnels de tous les pays du monde et mus par le scrupule déontologique et éthique.
Il y a de l’information quand, par exemple, une entreprise, voulant désarçonner ses concurrentes, décide d’une réduction de ses tarifs, publie un communiqué de presse pour l’annoncer et invite les journalistes en conférence de presse pour expliquer cette baisse de prix de son ou ses produits. Oui, une baisse de prix intéresse le public et le journaliste qui, lui, annoncera la bonne nouvelle. Mais le commanditaire du message voudra souvent engager le journaliste dans des développements où l’information ne serait plus qu’un prétexte et que le journaliste imprudent devient, de manière consciente ou involontaire, vecteur d’une publicité gratuite, voire clandestine.
Invité au ‘’Journal télévisé’’ de 20 h sur la Rts1 du 21 octobre 2019, le directeur général de Free Sénégal y est allé de ses slogans et a présenté la stratégie commerciale du nouvel opérateur et son déploiement technologique.
Le traitement de ce type d’information exige la sagacité du journaliste et son professionnalisme, son sens de l’information qui lui éviteraient de tomber dans le travers – à moins qu’il ne faille parler de piège – de la pub déguisée ou pub clandestine, ou pub gratuite. Dans tous les cas, insidieuse.
Des entreprises – qui auraient dû être des annonceurs – usent de toutes sortes d’astuces pour que leur activité puisse passer dans la rubrique des informations pour profiter du principe que l’information diffusée par un média après traitement par un journaliste est crédible et n’est pas de la propagande.
Allez savoir pourquoi les randonnées pédestres sont en vogue depuis quelques années. Médiatisées par la presse sollicitée pour les relater, ces manifestations sportives d’entreprises – qui procèdent de la communication interne, mais aussi externe – sont une occasion pour faire passer des informations trop élaborées pour en être vraiment. Et c’est ainsi que la stratégie et la réclame publicitaires profitent de l’influence de l’information.
Dans une réflexion sur ‘’Peut-on encore faire la différence entre publicité et information ?’’, Philippe Moati épingle ‘’certains dérapages susceptibles de brouiller les frontières entre l’information et la publicité’’.
Un patron de presse dakarois invitait ses journalistes à avoir une compréhension ‘’plus réaliste, plus dynamique’’ de leur profession en se faisant, à l’occasion de leur collecte de l’information sur le terrain, des démarcheurs de publicité ; attirer la pub tout en faisant leur travail de manière honnête et professionnelle. Une vraie gageure