ET SI LE SOSIE D'ABC AVAIT VU JUSTE !
EXCLUSIF SENEPLUS - L’inacceptable dans une République normale serait plutôt de voir un parti politique et de surcroit celui qui est au pouvoir s’en prendre à une institution de cette réalité symbolique, le Médiateur
Il a fallu une simple sortie de «rappel» prêtée à Alioune Badara Cissé (ABC), Médiateur de la République, pour que les instances du parti au pouvoir s’émeuvent jusqu’à pondre un communiqué qui appelle, à défaut «d’un recadrage», à «une sanction» pure et simple.
Il y a des alertes tragiquement prémonitoires. En prenant le soin d’attirer l’attention de ses différents camarades de parti, au soir de leur victoire, à l’élection présidentielle de 2012, Alioune Badara Cissé (ABC) ne croyait pas être si bon prophète. Il ne pouvait pas imaginer combien le temps allait, par la suite, lui donner raison. Il n’a fallu que six petites années pour que l’histoire bégaie rende légitimes les appréhensions des «oiseaux de mauvais augure». Pour que les masques tombent. Le propos était suffisamment explicite et assez préoccupant pour dévisager les adeptes «des coups bas». Ils nous ont dévoilé leur rapport pernicieux avec le pouvoir assujetti à «des proportions démoniaques de la gouvernance».
A vrai dire, cette question n’est pas d’ordre politique. Le Médiateur de la République est une institution et incarne, pour cela, une réalité pourvoyeuse de sens qui va au-delà des contingences purement politiciennes. Il est l’intermédiaire entre les populations et les institutions mais surtout la voix de la sagesse. Dans sa mission, le Médiateur est départi de tout soupçon et loin des chapelles et accointances politiques, fut-il choisi par le président de la République. En réalité, ce choix ne lui impose aucune redevabilité envers ce dernier encore moins à l’égard d’une quelconque autorité politique, coutumière ou religieuse. Sa posture doit être équidistante. A la vérité des choses, M. Cissé, pour l’amer plaisir des répondeurs empressés et fougueux, a cessé d’être un militant de l’APR à partir du jour où il a accepté de devenir le Médiateur de la République. Et cela, nous avons tous intérêt à non seulement le comprendre mais à l’accepter et l’assimiler comme une évidence républicaine. Ceux qui se sont targués d’un communiqué pour dénoncer les « sorties d’un militant » ont, sous l’emprise de la panique ou excités par l’envie flagorneuse de se signaler à sa majesté, vite fait d’oublier que M. Cissé était désormais l’incarnation de la promotion, par excellence, des ententes sociales, non tenu, tant qu’il sera à la tête de la Médiature, de ne point privilégier une partie au détriment d’une autre.
Dans ce texte mis en cause et source d’incompréhensions, au plus haut sommet de l’appareil politique du parti au pouvoir, celui qui se serait fait passer pour ABC rappelle qu’au soir du 25 mars 2012, alors que le pays tout entier se laissait étourdir par une euphorie générale, avait quand même pris le soin d’envoyer un sms, notamment à certains de ses amis, qui s’étaient beaucoup illustrés pour une deuxième alternance au Sénégal. Il leur disait ceci : « Que Dieu nous préserve de nouvelles désillusions et de lendemains qui déchantent ! Nous avions caressé tellement d’espoirs en 2000 ».
Malheureusement, regrette l’auteur du texte, comme frappés d’amnésie, la plupart d’entre ses amis d’alors et non des moindres, aux egos surdimensionnés, agissent, aujourd’hui, avec une totale absence de discernement. Cela est d’autant plus dramatique qu’ils ont la responsabilité de prendre, dans divers domaines, des décisions majeures qui auront un impact non négligeable sur le devenir du pays que nous laisserons demain à nos enfants. Ces mises en garde attribuées, dans un premier temps, à ABC puis démenties par le chargé de la communication de la médiature de la République, ont eu l’effet de faire sortir de ses gongs, le secrétariat exécutif de l’Alliance pour la République (SEN-APR). Des propos que le «camarade» Seydou Gueye, porte-parole de cette instance, déplore non sans manquer d’inviter celui qui est supposé les tenir de cesser ses sorties, car soumis « au devoir de réserve ».
Le SEN est même allé jusqu’à inviter le président de la République à prendre ses responsabilités en cas de persistance de Me Cissé dans ses attaques contre le régime. Les sorties d’Alioune Badara Cissé ont fini de jeter la suspicion sur lui et d’attirer des soupçons «de positionnement politique militant incompatible avec son statut». Rien que cela !
D’autre part, faudrait t-il le rappeler, afin de parer à tout éventuel malentendu ou mauvaise interprétation, «le Médiateur de la République est une personnalité indépendante. Il est irrévocable. Il ne reçoit d’instruction de personne et est complètement indépendant de l’administration et du gouvernement ». Morale de l’histoire, c’est de bonne foi que le Sen de l’APR a péniblement pondu un communiqué pour fustiger des propos conférés au Médiateur. Sous l’emprise d’un contexte préélectoral et embrumé, ces membres en sont sciemment arrivés à oublier qu’il était au dessus de toute contingence et garde sa liberté de ton, d’initiatives et de sortie vis-à vis de toutes les institutions de la République. L’inacceptable dans une République normale serait plutôt de voir un parti politique et de surcroit celui qui est au pouvoir s’en prendre à une institution de cette réalité symbolique, le Médiateur. Une sortie du Médiateur dans le souci de rétablir une verité ou de procéder à un rappel ne devrait guère émouvoir. C’est cela aussi l’incongruité de toute cette histoire. Les rôles sont désastreusement inversés !
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