ET SI Y’EN À MARRE S’ENGAGEAIT DANS UN COMBAT DE TROP
Lors de son intervention dans une émission de la place, Fadel Barro, coordonnateur de Y’en à marre, laissait entendre l’intention de son mouvement de se mobiliser contre un éventuel «wax waxet» du Président Macky Sall, au sujet de son engagement à réduire son mandat de 7 à 5 ans.
Si cette hypothèse de Fadel était avérée, je crains que nos amis de Y’en à marre ne se lancent dans un combat de trop, une vraie confusion des enjeux. Même si le non-respect d’un engagement politique est du point de vue éthique et moral condamnable et à sanctionner, je ne pense pas que l’enjeu d’un wax waxet de Macky Sall soit de la même catégorie ou envergure que celui de Maître Abdoulaye Wade.
D’ailleurs, la contestation d’un troisième mandat pour Wade a précédé sa fameuse déclaration (wax waxet) devant ses partisans. Les contextes ne sont pas les mêmes.
En effet, le grand facteur mobilisateur du Peuple sénégalais, entre 2011 à 2012, jusqu’à ce fameux 23 juin 2011, a été principalement la tentative de modification (changement) des règles en matière d’élection présidentielle.
Ce projet de ticket présidentiel a été l’élément mobilisateur de tout le Peuple sénégalais pour dire «Non». Avec ce slogan fort de symbolisme : «Touche pas à ma Constitution». C’est donc l’essentiel qui était en danger, et résister devenait un devoir pour tout un chacun.
Sommes-nous ou serions-nous dans le même cas de figure avec un éventuel renoncement de Macky Sall à son engagement sur le mandat ? Je crains que non. S’il venait à faire du «wax waxet», ce ne sera pas l’essentiel qui serait en danger. Cela ne mettra pas en péril les fondements de notre démocratie, mais la parole du Président (politicien) tout simplement. Et dans ce cas, le Peuple prendra acte du fait que le Président ait décidé de se dédire. En conséquence, il prendra ses responsabilités une fois dans l’isoloir.
Par ailleurs, je ne crois pas que cela puisse entraîner ou soit un motif pour faire un 23 juin bis. Sinon, il faudra le faire pour toutes les promesses non tenues de nos hommes politiques.
Nos chers amis de Y’en à marre et autres de la «société civile» ne doivent pas se tromper de combat encore moins perdre de vue que la «lutte» pour le respect de l’engagement politique n’est ni plus ni moins, et tout d’abord, qu’un combat de politiciens. Oui, tous ces hommes qui ont la volonté ou l’ambition d’occuper le fauteuil présidentiel devraient plutôt déployer leurs énergies à présenter un programme crédible et alternatif.
Nous notons que leur combat et leurs intérêts ne sont pas nécessairement les nôtres, nous Peuple sénégalais. Nous n’allons pas «brûler» le pays parce que le Président Sall aurait décidé de ne pas respecter une promesse électorale. Qu’on le veuille ou pas, «nanu wax té dé» le Président est élu pour un mandat de 7 ans, faut-il le rappeler.
Nous aurons donc le même comportement que lorsque la candidature de Wade a été validée par le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire, régler le contentieux dans les urnes. C’est d’ailleurs cette démarche responsable de notre Peuple qui a permis l’élection de Macky Sall le 25 mars 2012.
C’est pour toutes ces raisons invoquées précédemment que je considère que le mouvement Y’en à marre risque d’engager un combat, une lutte de trop, car il n’est point garanti que les Sénégalais veuillent bien se mobiliser pour faire face à un «wax waxet» présidentiel qui en réalité ne changerait pas grandchose dans leur recherche de dépense quotidienne.
Notre Président serait-il si impopulaire auprès de nos compatriotes au point que ces derniers trouveraient les 7 ans trop longs ?
Loin d’inciter à un «wax waxet», mais la promesse présidentielle sur la réduction du chômage des jeunes et du coût de la vie est à mon sens aussi, sinon plus important qu’une réduction de mandat.
Oui, je préfère qu’on engage nos ardeurs à la recherche de l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens vivant dans le Sénégal profond. Cette cause mériterait plusieurs 23 juin, quand on sait que certains font des dizaines de kilomètres pour avoir 1litre d’eau potable ou pour trouver un poste de santé, afin de se soigner.
Le Président François Hollande avait parmi ses promesses l’instauration du droit de vote aux élections locales pour les étrangers non communautaires. Cette promesse n’a pas été tenue, et ce n’est pas dans la rue que les électeurs règlent ce contentieux, mais dans les urnes.
Macky Sall sera jugé sur son bilan (promesses tenues et non tenues).
Il est donc nécessaire pour nos amis d’analyser très finement les sujets mobilisateurs de masse avant de se lancer dans une «résistance» sans lendemain. Ce serait très dommage pour l’avenir de ce mouvement et du rôle attendu de lui dans la marche démocratique de notre pays. Il faut surtout éviter le grand syndrome du «ya wara wax (jëf) ya nu saf...». Il y a un vrai risque de discrédit pour ce beau mouvement. Il faut tout simplement éviter d’être classés parmi les politiciens encagoulés qui se cachent derrière le générique de société civile.
Nous savons tous que l’affaire dite Lamine Diack n’a pas fini de jeter le trouble sur l’indépendance et la probité de Y’en à marre. Que les accusations soient vraies ou fausses, le doute subsiste déjà dans certaines têtes.
Alors mes chers amis, avant de vous lancer dans la défense du «Pacta sunt servanda», je vous invite à toujours analyser et comprendre les facteurs mobilisateurs, et savoir le pourquoi un Peuple se mobilise-t-il. C’est une question essentielle.
Une société civile se doit de toujours très bien cerner les enjeux d’une mobilisation avant de s’engager dans une confrontation (sociale). Si les enjeux ne sont pas essentiels pour celui qu’on est censé représenter, il est vain d’engager un rapport de force.