GAMBIE : UN NOUVEAU DEPART
Samedi dernier, la détermination de la Cedeao qui a massé ses troupes aux portes de la Gambie et le doigté des médiateurs-amis ont réussi à convaincre Yaya Jammeh à quitter le pouvoir sans grabuge et sans effusion de sang
Une belle victoire ! comment autrement qualifier la belle prouesse du Président Macky Sall et de la Cedeao qui, avec l’heureux coup de pouce des présidents mauritanien et guinéen, ont fait plier le désormais ex-homme fort de Banjul. L’onction de l’Onu, la première sous l'ère gouttières en Afrique a, il faut le dire, largement facilité les choses.
Samedi dernier, la détermination de la Cedeao qui a massé ses troupes aux portes de la Gambie et le doigté des médiateurs-amis ont réussi à convaincre Yaya Jammeh à quitter le pouvoir sans grabuge et sans effusion de sang. Zéro mort, zéro dégât ! Un fait inédit dans l'histoire des interventions militaires de la Cedeao, voire même dans les annales du monde militaire. Une symphonie particulièrement maîtrisée dans l'ombre par la diplomatie sénégalaise depuis le 2 décembre, au lendemain de la défaite du fantasque dictateur de Banjul face à l'inattendu Adama Barrow.
La reconnaissance de la victoire de Barrow et sa rétractation quelques jours après ne feront qu'accélérer la marche de l'histoire et révéler l’aspiration irrépressible
et inextinguible du peuple gambien à la liberté. Un peuple qui, en vingt-deux ans, aura bu le calice jusqu'à la lie. Privation de liberté, assassinats, trucage d'élections, etc. Le soudard Cheikh Professor Alhadji Doctor Yahya Abdoul-Aziz Jemus Junkung Jammeh Nasirul Babili Mansa de Banjul n'y est presque jamais allé de main morte. Le mélange de genres alliant le Coran au chapelet et à la sorcellerie, érigé en style de gestion, n'aura pas pu le prémunir de cette sourde poussée pour le changement incarnée par son tombeur grâce à un engagement sans faille du peuple gambien. Vox populi, vox Dei. Malgré ses fanfaronnades et diatribes, Jammeh devra se trouver un avenir loin de son palais douillet de Kanilai. Roi sans sujet, professeur sans étudiant, imam sans fidèle et guérisseur sans malade, il devra, pour une fois, faire montre d’une science certaine pour ne pas être poursuivi par les démons de son passé. Ce qui s’est passé ce week-end en Gambie est une auréole de feu plantée dans le jardin des derniers dictateurs d’Afrique. Plus rien ne sera comme avant. L’aspiration profonde et globale de l’Afrique à la démocratie est une puissante lame qui pourchasse les échappées solitaires et les destins préfabriqués.
Après vingt-neuf années d'une présidence tranquille de Dawda Kaïraba Diawara et vingt-deux années et demie de dictature entamées par le coup d'Etat du 22 juillet 1994, la Gambie pourra, à l'instar du Sénégal, du Ghana, du Cap Vert ou du Nigeria, signer un long bail avec l'alternance démocratique au pouvoir. Il lui faut, cependant, réformer son armée et la professionnaliser, assurer un mieux-être à son peuple, afin qu'il n'ait pas, sous une forte poussée d’amnésie comme c'est souvent le cas, à regretter le bourreau de Kanilai.
Triste sort d’un homme qui ne s’imaginait aucune limite dans sa quête de grandeur et qui a dû se résoudre à accepter comme refuge la Guinée Équatoriale, un des derniers avatars d'une Afrique qui refuse de bouger et de s'installer dans le temps de la liberté. Mais l'Afrique centrale bougera fatalement. Congo, Cameroun, RDC, aucun de ces pays ne pourra échapper à ce souffle de liberté voire cette vague libératrice qui irradie notre continent. Il reste que le Président Macky Sall doit faire preuve de beaucoup de tact pour tirer le meilleur parti de ce changement d’homme fort à Banjul. La Gambie a toujours été une grosse arête dans la bouche du Sénégal, encourageant et armant le Mfdc, entravant la liberté de circulation de ses citoyens et attaquant, en toutes occasions, ses leaders.
Avec Barrow qu’il semble avoir pris sous son aile protectrice, le président Sall devra aussi privilégier les intérêts de son pays. Vivement donc le pont sur le fleuve Gambie pour assurer la continuité territoriale du Sénégal et soulager la peine des voyageurs sénégalais sur le bac de Farafégné. Et vivement une coopération franche et fraternelle entre deux pays que tout réunit mais que l’histoire coloniale a séparés au nom d’intérêts commerciaux primaires.