GAUCHE SÉNÉGALAISE, ENTRE CRÉATION, FUSION ET SCISSION (2/10)
EXCLUSIF SENEPLUS - Si le camarade Amath Dansokho, dans son testament, a souhaité être enterré à Saint-Louis, c’est pour rendre hommage à tous les combattants et célébrer la ville qui fut le point de départ des hautes luttes de la gauche
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A cette époque, le Sénégal se situait idéologiquement, carrément à gauche - précisément dans le Socialisme et dans le Nationalisme de Gauche, qui tous deux, renferment plusieurs courants de pensée en leurs seins. Et les leaders sénégalais de la Gauche de l'époque - qu’ils soient socialistes, marxistes-léninistes ou panafricanistes -, n’étaient d'accord que sur leur désaccord. A cette époque-là des années 40-50 et 60 et des emprises idéologiques, après des créations, scissions et fusions, trois formations dominaient l’échiquier politique : l'UPS (Union Progressiste Sénégalais) ; le PAI (Parti Africain de l'Indépendance) et le BMS (Bloc des Masses Sénégalaises).
Les socialistes-progressistes, s’étaient réunis entre autres, autour des leaders que furent Lamine Gueye (Mouvement Socialiste Africain, puis Parti Sénégalais d’Action Socialiste Sénégalais, 1935), Léopold Sédar Senghor, Ibrahima Seydou Ndao et Mamadou Dia (Bloc Démocratique Sénégalais, 1948), Abdoulaye Ly, Amadou Makhtar Mbow (Parti Africain du Rassemblement, 1958). Plus tard, en 1958, le BDS va fusionner avec l'Union Démocratique sénégalaise (UDS) d’Abdoulaye Gueye Cabri et Thierno Ba ; le Mouvement Autonome Casamançais (MAC) d’Assane Seck et de Ibou Diallo ; et une fraction du Mouvement Populaire Progressiste Sénégalais (MPPS) de Doudou Gueye, pour créer un nouveau parti, le Bloc Populaire Sénégalais (BPS) dont les couleurs respectives seront à l’origine du drapeau du Sénégal à l’indépendance (le vert du BDS, le jaune du MPPS et le rouge du PSAS). En 1959, dans le cadre des négociations pour l’accès à l’indépendance, le PSAS (Parti Socialiste d’Action Sénégalaise) de Me Lamine Gueye va fusionner avec le BPS de Senghor pour donner naissance à l’UPS (Union Progressiste Sénégalais) qui deviendra plus tard le PSS (Parti Socialiste Sénégalais) puis le PS (Parti Socialiste) tout court.
Les marxistes-léninistes sénégalais, étaient pourtant et avant tout, à l’époque, des militants de l'UDS (Union Démocratique Sénégalaise) qui vont entrer en dissidence pour créer le PAI (Parti Africain de l'Indépendance), parce qu'opposés à la fusion de l’UDS et du BDS (Bloc Démocratique Sénégalais) pour donner naissance à l'UPS (Union Progressiste Sénégalaise). Nous sommes en 1957 et le 15 septembre de la même année, à Thiès, sera créé le PAI (Parti Africain de l'Indépendance) des Majmouth Diop, Lamine Arfang Senghor,Tiémoko Garang Kouyaté, Khalilou Sall, Malick Camara, Abdou Moumini, Issa Basse, Seydou Cissokho ‘’le premier secrétaire du PAI’’, Tidiane Baïdy Ly, etc.
En 1959, lors des élections législatives, les militants du PAI, estimant que le scrutin est truqué, déclenchent une insurrection dans la ville de Saint-Louis pour s’emparer des urnes. Non seulement, l'insurrection sera durement réprimée et certains de ses meneurs arrêtés et emprisonnés, mais surtout le PAI sera dissout en 1960. C’est ainsi que le PAI connaîtra quatre phases : la phase légale (septembre 1957- août 1960), la phase clandestine initiale (août 1960-mai 1967), la phase de réorganisation dans le cadre d'une clandestinité moins radicale (mai 1967- mai 1972) et la phase de la ‘’démocratie autocratique’’ (1974-2000). Quand le camarade Amath Dansokho, dans son testament, a souhaité être enterré à Saint-Louis, c’est aussi en même temps et sous le même rapport, pour rendre hommage à tous les combattants et célébrer la ville de Saint-Louis qui fut le foyer ardent du PAI et le point de départ des hautes luttes de la gauche sénégalaise. Il y a eu au Sénégal chez les marxistes-léninistes, un mouvement dit ‘’Trotskistes’’ dont Lénine disait à propos d'eux, ceci : avec dans un parti, un (1) Trotskiste, vous avez un courant de pensée. Avec deux (2) Trotskistes, vous avez des fractionnistes. Et avec trois (3) Trotskistes, vous avez un parti politique. N’est-ce pas camarades Mamouth Saleh (ministre-conseiller), Abdou Aziz Sow (ancien ministre) et Doudou Sarr (président URD/FAL)...? (rires)
Les nationalistes-panafricanistes sénégalais, réunis autour de Cheikh Anta Diop et de Boubacar Gueye, étaient d’abord proches de l’UDS (Union Démocratique Sénégalais) et du RDA (Rassemblement Démocratique Africain), avant de prendre leurs distances après la volte-face de Félix Houphouët Boigny qui va nouer un compromis avec la France. D’ailleurs, dans les années 50, Cheikh Anta Diop, figure de proue des nationalistes-panafricanistes sénégalais, avait été déjà à Paris, le Secrétaire général des étudiants du RDA. Les nationalistes-panafricanistes prônent une idéologie afro-centriste qui comportait en elle-même, trois courants de pensée : les panafricanistes, les anti-impérialistes et les indépendantistes. Et d’un courant de pensée à l'autre, des angles d'approche différents mais l’idéologie fut commune et partagée, c’est-à-dire créer et incarner une nouvelle lutte pour les indépendances des territoires africains en dehors de l'influence et du contrôle des partis politiques français, soviétiques, chinois ou arabes. Sous la houlette de Cheikh Anta Diop, les nationalistes-panafricanistes sénégalais, vont fonder dès 1961, le Bloc des Masses Sénégalaises (BMS), parti d'opposition au régime Senghor-Dia. Le BMS est rebaptisé en 1964, Front National Sénégalais (FNS). Ce parti fut dissous le 13 octobre de la même année par l'État du Sénégal dans la foulée des fièvres politiques post-crise Dia-Senghor. Les nationalistes-panafricanistes sénégalais, toujours sous la houlette de Cheikh Anta Diop, vont créer dans la clandestinité en 1976, le Rassemblement National Démocratique (RND) qui sera finalement reconnu officiellement le 18 juin 1981. En 1983, que le RND, à l'instar des autres blocs, va connaître sa première scission avec la naissance sur ses flancs du Parti pour la Libération du Peuple (PLP) de l’avocat Me Babacar Niang ‘’PLP’’. N'est-ce pas camarade Abdou Fall, ancien ministre de la Santé et actuel PCA de l’APIX ?
A suivre...
GAUCHE SENEGALAISE, CARTOGRAPHIE ET CONTEXTE HISTORIQUE (1/10)
Siré Sy est fondateur du Think Tank www.africaworldwidegroup.org