HOMMAGE AU COLONEL LAMINE DIEDHIOU
Il fut un militaire diplomate, partisan du dialogue, de l’entente et de la réconciliation nationale
Le Colonel Lamine Diedhiou, ancien Dirmat (Directeur du Matériel), et ancien Amna (Attaché militaire et naval) est décédé mercredi 20 octobre 2021 à Dakar. Il a été inhumé le vendredi 22 Octobre dans son village de Kagnobon, en Casamance. La cérémonie religieuse a lieu le vendredi 22 octobre 2021 à Gibraltar, près de la caserne Samba Diéry Diallo.
Le colonel Lamine Diedhiou était un grand ancien magnifique, gentil, courtois, généreux, nationaliste, honnête, bon camarade et paternaliste envers tous les hommes de troupe. Il a toujours apporté un soutien incontestable aux forces engagées dans un contexte difficile de moyens limités et de situation sociale délicate pour le patriarche de communauté qu’il était. Il était l’interlocuteur crédible et le représentant respecté des forces armées pour négocier, toujours avec succès, l’approvisionnement en carburant auprès des « majors » que sont les sociétés Mobil, BP, Shell et Total. Et ce malgré souvent de lourdes ardoises de l’Etat sénégalais envers ce cartel pétrolier. Combien de militaires, en panne sèche sur l’autoroute, étaient ressortis de son bureau de la DSM la mine réjouie après avoir bénéficié d’un « dépannage » substantiel en gasoil ou en essence et parfois même en cash !
Aux heures de repas de midi et du soir sa maison ne désemplissait pas de Sénégalais de toutes conditions. Son domicile de fonction était devenu le refuge de beaucoup de Sénégalais durement frappés par l’exode rural et souvent à la recherche d’opportunités de travail. Du travail qu’il s’évertuait à trouver pour eux, y compris parfois sous la forme d’un recrutement sous les drapeaux. Ce qui donnait un sens du patriotisme très élevé du grand officier qui vient de nous quitter. En ce qui me concerne, je n’ai jamais hésité, en guise de reconnaissance, à offrir des places de stage à ses enfants à la direction du Commissariat de la sécurité alimentaire et au Commissariat aux personnes déplacées et aux réfugiés où j’étais en position de détachement de 1999 à 2002.
Le Colonel Lamine Diédhiou était également, avec le comzone 1, l’animateur des séances matinales hebdomadaires (de 06h 00 à 07h00) de tirs au pistolet instaurées par le général 2MSECK « Number one », alors Cemga, au profit des officiers du quartier général Dial Diop. Après chaque séance de tirs au pistolet, le chef de corps du bataillon de l’artillerie offrait un petit déjeuner à tous les participants. Sa loyauté envers la République n’a jamais été prise à défaut.
Et la République, en retour, l’a honoré en le nommant, par décret présidentiel, à plusieurs emplois comme ceux de DIRMAT et d’AMNA en Arabie saoudite, au Koweït et au Qatar comme les généraux Gabar Diop et Kandji, l’intendant colonel Kane, le colonel Mbaye Faye, le colonel Abdoul Aziz Guèye et moi-même. À Riyad où il séjourna comme brillant et utile AMNA, les Saoudiens gardent du Colonel Lamine Diedhiou le souvenir vivace d’un officier supérieur du matériel ingénieux, inventif et surtout débrouillard. Car les Saoudiens avaient appris, avec admiration, que c’est lui qui avait « diésélisé » les véhicules blindés sénégalais. Cette ingénierie technique accomplie avec succès par le colonel Lamine Diedhiou a accompagné de manière efficace la création des BRA (Bataillons de reconnaissance et d’appui), leur engagement optimal, la montée en puissance des forces armées sénégalaises. Cette « diésélisation » s’est d’ailleurs avérée décisive dans le succès des armes du Sénégal sur tous les théâtres d’opérations.
A l’occasion du décès de son père, survenue durant un des pics de la lutte sans merci contre les irrédentistes, beaucoup d’officiers, de sous-officiers et d’hommes de troupe des forces armées s’étaient joints au cortège funèbre pour aller enterrer le père du colonel Diedhiou, un vieux notable à Kagnobon, apôtre infatigable de la paix en Casamance et entre tous les Sénégalais, sous escorte des militaires.
Et en tête de ce cortège un des amis du Colonel, son vaillant compagnon d’armes, le Cemat colonel Ousmane Ndoye. Et ce jour-là, il y eut une trêve tacite à Kagnobon et sur l’étendue de la Casamance ! Ce qui prouve, à suffisance, que tous les Sénégalais du Nord au Sud, d’Est à l’Ouest, savent faire un sursaut national dans les grandes occasions et s’unir autour de l’essentiel. La dynamique de paix qui prévaut depuis 2012en est un excellent présage, et elle autorise un optimisme pour un dialogue, une entente et enfin une réconciliation nationale. Cette paix dont le Colonel Diedhiou avait rêvé —il me faisait part de ce rêve— et qu’il espérait voir se réaliser avant de rejoindre le paradis de Firdawsi et pour laquelle il a tant œuvré, avant et pendant ses 28 ans passés en tant que colonel à la retraite. Une retraite active pendant laquelle il a déployé d’importants efforts pour édifier une grande mosquée à Kagnobon, lieu de recueillement et de prières pour tous.
Intendant Colonel Alioune Seck
Ancien Amna en Arabie saoudite