IDY, 3ÈME HOMME DE LA PRÉSIDENTIELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les duels politiques à l’horizon 2019 sont tous, oui tous, animés par la rancœur - Si le principal leader de l’opposition, Idrissa Seck, ne change pas sur la forme et le fond, 2019 sera la réplique de 2007 et 2012
Depuis la nuit des temps, il y a une constante universelle : le désir pour l’homme d’acquérir le pouvoir, et de le conserver, même si d’aucuns font la promesse sentencieuse d’un mandat de transition, comme Pierre Goudiaby Atepa ! Le “wax waxeet” de Macky Sall sur sa parole de réduire son premier mandat à 5 ans, s’inscrit dans cette lignée. Macky Sall est facilement arrivé au pouvoir, nouvelle tendance socio-politique des démocraties modernes, consommatrices pantagruéliques d’alternances. Le revers de la médaille, c’est qu’il est plus difficile de s’y maintenir. Sur les traces du rusé Prince de Machiavel, Macky Sall a utilisé les armes offertes par le pouvoir pour ne pas perdre le sien à l’issue de son premier mandat. Ce n’est pas sans conséquence. Le Sénégal est depuis quelques années plongé dans une compétition continuelle de chacun contre chacun, et de guerre de tous contre tous, si chère à la doctrine politique hobbesienne.
Dans ce contexte de conservation syndromique du pouvoir, le système politique sénégalais se transforme en une machine infernale de fabrique d’Edmond Dantès. Les opposants de Macky Sall se plaignent d’être victimes de machinations politiciennes et judiciaires. Les deux allant souvent de pair ! Les propos de feu Procureur général Ousmane Camara pourraient les réconforter dans ce sentiment-là de règlement de compte ancré dans l’histoire et la culture politique sénégalaise : « La participation des magistrats (la Haute Cour de Justice c/ Mamadou Dia) ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée ».
N’est-il pas reproché à Macky Sall de s’être nourri d’un ressentiment après son éjection du perchoir de l’Assemblée nationale par les Wade ? Idrissa Seck ne rappelle-t-il pas à l’envi le complot dont il aurait été victime en 2004, fomenté par son successeur Macky Sall ?
Les duels politiques à l’horizon 2019 sont tous, oui tous, animés par la rancœur : Ousmane Sonko contre le décret présidentiel de radiation de l’Inspection des Impôts et des Domaines, Hadjibou Soumaré contre le soutien timide du Président sénégalais à son renouvellement à la présidence de la commission de l’UEMOA, Thierno Alassane Sall contre son limogeage du ministère de l’Energie, Abdoul Mbaye contre son congédiement de la primature. Et que dire de Khalifa Sall et de Karim Wade forts de leurs droits-de-l’hommisme ? Cet agrégat de frustrations partagées peut générer des alliances entre les plus faibles contre le plus fort, à l’exemple du Front National de Résistance.
Au vu de la manifestation du 13 juillet et des motivations désunies de ses participants, cette profusion de duels politiques s’analyse davantage comme un piège pour l’opposition. Éclatement et éparpillement de celle-ci, et encagement et isolement dans des débats personnels et techniques. Le contentieux autour de l’art. L 31 du Code électoral ravit les spécialistes. Peut-on en dire autant pour la ménagère sénégalaise ? L’arrêt de la CEDEAO devient une nouvelle source d’espérance jurisprudentielle dans un État de droit à géométrie variable. Fait-elle couler l’eau dans les robinets des familles banlieusardes de Dakar ?
Bien sûr, ces débats relatifs à l’exigence démocratique ont leur utilité, au premier chef pour les candidats embastillés et exilés, et leurs partisans ainsi que les générations futures. Mais l’opposition est sur la défensive, elle subit. Elle va là où le Président Macky Sall souhaite qu’elle soit. Elle n’a jamais le choix du champ de bataille. Les deux principales formations de l’opposition, en dehors de Rewmi, se donnent beaucoup de peine pour sauver la tête de leurs leaders. Pendant ce temps-là, l’électorat sénégalais s’efforce de chercher une opposition.
Idrissa Seck n’échappe pas à cette critique. Jusqu’alors prêt à un corps à corps, digne des plus grands lutteurs sénégalais, son duel avec le pouvoir le renvoie parfois à ses dualités, ses antagonismes, révélateurs d’une personnalité forte et complexe. Le président Macky Sall se gargarise de ce duel. Il se remémore 2012, et se veut être plus aimé par le peuple sénégalais. La caste des intellectuels polémistes pour Idrissa Seck le brillant esprit, et le peuple pour le géologue le terre-à-terre. La sortie médiatique d’Idrissa Seck sur le lieu de pèlerinage de l’Islam a déclenché une discussion savante et exégète, mais l’éloigne des inquiétudes profondes des Sénégalais.
Rien n’est encore perdu ! Idrissa Seck peut prendre la balle au bond. A la condition sine qua non de ne pas se confiner dans un duel vaniteux et creux ! Il serait préférable d’endosser l’habit du 3ème homme, celui qui est au-dessus des duels en cours entre les opposants et le pouvoir. Celui qui incarne la rupture, celui qui donne une image apaisante et sereine de lui-même. Celui qui a entendu le désamour entre les Sénégalais et les partis politiques. Ces derniers temps, Idrissa Seck affiche une personnalité plus humble comme lors de sa dernière visite à Touba.
L’émergence de ce 3ème homme est d’autant capitale que le landerneau politique dakarois est dans tous ses états ! Il y a quelques mois, le théorème de Thalès appliqué à la science politique sénégalaise, nous avait permis de mettre en évidence un parallélisme entre l’élection de 2019 et celle de 2007, et de prédire la réélection de Macky Sall dès le 1er tour avec 57% des voix. Aujourd’hui, même si cette première théorie n’est pas à rejeter d’un revers de main, c’est plutôt le modèle mathématique du chaos qui semble prendre le dessus. Une multiplicité de facteurs, structurels et conjoncturels, difficilement mesurables et prévisibles, s’amoncelle. L’effet papillon de l’arrêt de la CEDEAO dans l’affaire Khalifa Sall en est un exemple ! Le corps électoral sénégalais, hormis les militants portés par leurs certitudes naturelles, est assez déstabilisé. Les menaces du PDS sur l’organisation de l’élection présidentielle de 2019 pèsent aussi lourdes. Ce 3ème homme est invité à calmer le jeu politique. Il faut en avoir les qualités, celles de pacificateur ! Si ce n’est pas naturel, il faut aller les chercher !
Par ailleurs, le Sénégal est à la croisée des chemins. Il s’y passe quelque chose, encore difficilement perceptible par le commun des mortels. Une sorte de défi existentiel, un choix décisif lié au chemin de développement que le Sénégal empruntera dans les décennies à venir. Idrissa Seck peut s’inspirer de Mamadou Dia. Ce dernier ne blâmait pas son geôlier, mais pestait contre le temps perdu concernant les voies de développement privilégiées par les pouvoirs successifs depuis Senghor. Idrissa Seck a donné l’impression d’un changement de cap avec ses lettres adressées aux Etats-Unis d’Amérique et à la France à l’occasion de leurs fêtes nationales respectives. Seulement, il reste encore à travailler sur le fond pour offrir une nouvelle alternative viable aux Sénégalais.
Le partenariat gagnant-gagnant est un concept ancien, presque désuet qu’il convient d’inscrire dans une politique plus globale et dynamique, comme le changement d’hymne national pouvant servir une nouvelle ambition nationale ! C’est un nouveau contrat social qui est en question, avec l’obligation de faire un diagnostic sans concession sur la société sénégalaise à l’issue duquel chaque citoyen aura de nouveaux droits et devoirs.
Jamais deux sans trois ! Si le principal leader de l’opposition, Idrissa Seck, ne change pas sur la forme et le fond, 2019 sera la réplique de 2007 et 2012. Peut-être le destin ne lui a-t-il jamais été aussi favorable. A lui d’en être à la hauteur !