MULTIPLE PHOTOSIL EST TEMPS QUE LA GAUCHE SORTE DE SA PARALYSIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Sans décolonisation de notre mode de production, de notre système d’éducation et de notre cadre institutionnel, comment peut-on prétendre à la souveraineté économique et au développement ?
Au nom du Parti Socialiste du Sénégal, je présente à nos camarades du PIT nos condoléances attristées et salue la mémoire du grand combattant que fut Ahmad Dansokho.
Ayant vécu longtemps à l’étranger, j’ai eu peu d’occasions de le rencontrer mais je garde en mémoire le panel que nous avons animé ensemble a la fête de l’Humanité en 2001 à Paris après la conférence mondiale des Nations Unies sur le racisme et la Xénophobie tenue à Durban en Afrique du sud. Je lui portais déjà une grande admiration.
Ahmad Dansokho était en effet le modèle accompli de l’homme politique auquel les Sénégalais et Africains aspiraient : Homme de principes, incorruptible, patriote, allergique au dogmatisme et a l’autoritarisme, déterminé et rassembleur, il continuera à inspirer les générations de politiciens et activistes à venir. J’ose espérer que nos historiens s’attèleront rapidement à la rédaction de sa biographie.
Lorsque notre regretté Secrétaire Général Ousmane Tanor Dieng lançait il y a 6 mois son appel public aux retrouvailles socialistes et au rassemblement de la gauche il est clair qu’Ahmad Dansokho et le PIT figuraient parmi les destinataires centraux de cet appel. Apporter une réponse déterminée à cet appel serait la meilleure façon d’honorer leurs mémoires et de faire fructifier leurs legs respectifs.
Camarades, ne nous y trompons pas, le Sénégal est un pays fragile-très fragile- dans un environnement sécuritaire régional très inquiétant. Par ailleurs, notre société exhibe tous les jours des symptômes alarmants d’une dépression généralisée.
Oui, les Sénégalais sont déprimés. Et il y a de quoi !
Soixante ans après l’indépendance accordée, nous n’avons toujours pas achevé notre travail de décolonisation de l’État, un État toujours embourbé dans un jacobinisme d’un autre âge. Encore moins réussi à décoloniser les esprits. Sans décolonisation de notre mode de production, de notre système d’éducation et de notre cadre institutionnel, comment peut-on prétendre à la souveraineté économique et au développement ?
Résultat, 56% des Sénégalais vivent dans la pauvreté et dans un dénuement indigne. Leurs droits économiques et sociaux sont bafoués bien que garantis dans les conventions internationales auxquelles le Sénégal a adhéré librement.
Soixante ans après l’indépendance, 50% des Sénégalais sont analphabètes. Ils ne savent ni lire, ni écrire et je cite les chiffres de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Banque mondiale. L’éducation est un droit de l’homme. Sans éducation, il n’y a pas de citoyens et sans citoyens, il ne saurait y avoir de démocratie.
C’est une escroquerie intellectuelle que de prétendre que nous vivons en démocratie quand des milliers d’apprenants pataugent dans des abris dits provisoires depuis leur plus tendre enfance. La démocratie ne saurait se résoudre au code électoral.
Soixante ans après l’indépendance, l’égalité Hommes-Femmes continue d’être un leurre avec des discriminations qui persistent et une violence au quotidien. D’après une étude de l’Université Gaston Berger, 40% des ménages sénégalais sont le site de violences conjugales. Et ce encore une fois malgré nos engagements internationaux de respecter la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole de Maputo de l’Union Africaine.
Voilà les urgences.
En effet, la priorité absolue doit être le bien-être de nos populations plutôt que la satisfaction des exigences des investisseurs étrangers et autres bailleurs de fonds dont la seule ambition sera toujours de créer les conditions de maximisation et rapatriement des profits. Qu’on me cite un seul pays qui se soit développé suite à l’attrait exercé sur les investissements étrangers et l’aide au développement.
Camarades, seule une gauche résolument panafricaniste rassemblée autour d’un projet de société cohérent, d’un projet socialiste et démocratique peut accompagner, amplifier ou contenir les transformations sociales en cours vers plus de prospérité, d’égalité de liberté et de solidarité.
N’est-il pas temps que la Gauche sénégalaise, y compris mon propre parti, sorte de son brouillard politique, de sa paralysie idéologique et des combinaisons électoralistes récurrentes pour s’unir autour d’un véritable projet de transformation sociale et économique ? Le défi n’est pas la conquête du pouvoir. La vraie question est : Le pouvoir pour faire quoi ?
Ce serait chers camarades le meilleur hommage que nous puissions rendre à Ahmad Dansokho et à Ousmane Tanor Dieng.
Pierre Sané est Secrétaire National du Parti Socialiste, chargé des relations avec la Gauche et les mouvements progressistes