IL FAUT SAUVER LES ÉTUDIANTS DE WUHAN
Comment oserait-on brandir l’argument du manque d’argent quand les rapports de la Cour des Comptes montrent que le pays est tellement riche que des gens peuvent voler des milliards sans qu’aucune sanction ne leur soit infligée ?
Aucun argument technique, politique ou diplomatique ne saurait justifier ou légitimer le refus du Président de la République d’organiser le rapatriement des jeunes sénégalais pris au piège du coronavirus à Wuhan. Dire que la logistique nécessaire pour effectuer un tel rapatriement est hors de portée du Sénégal est un aveu de faiblesse personnelle. Ce n’est pas un problème de moyen. C’est un manque de volonté, de compassion et de leadership.
Il suffit de réunir deux conditions pour rendre cette opération possible. La première c’est de disposer d’un avion équipé. Il y en a partout dans le monde. Le Maroc et l’Algérie sont allés chercher leurs citoyens. Ils en ont profité pour ramener, chose louable, des tunisiens, libyens et mauritaniens. Ils n’ont rien fait d’autre qu’affréter un avion doté des équipements médicaux appropriés et mobiliser du personnel médical. Si nous n’avons pas un tel avion dans la flotte d’air Sénégal, rien ne nous empêche de solliciter l’Algérie ou le Maroc et louer l’appareil qu’ils ont eux-mêmes utilisé. Nous pourrions même ramener des maliens, gambiens et d’autres voisins s’il y en a. Nul ne me ferait croire que le coût d’une telle location ne peut être supporté par les fonds politiques du Président de la République ou le budget du ministère de la santé dont le Ministre fanfaronne partout que le Sénégal a les moyens de faire face au Coronavirus.
Pour une fois, ces fonds pourraient servir à autre chose qu’à enrichir les proches, les clients et les courtisans. Comment oserait-on d’ailleurs brandir l’argument du manque d’argent pour justifier le refus du gouvernement d’agir, dans un contexte où les rapports de la Cour des Comptes montrent que le Sénégal est tellement riche que des agents publics peuvent voler des milliards, sans retenue et sans qu’aucune sanction ne leur soit infligée.
La seconde condition concerne l’équipe médicale capable d’organiser une telle évacuation. Les spécialistes du groupe SOS médecins, de l’institut Pasteur, les médecins militaires et d’autres spécialistes de l’université et des hôpitaux dakarois ont, j’en suis persuadé, l’expertise nécessaire pour effectuer une telle opération.
Une fois rapatriés, ces jeunes pourraient être gardés en confinement dans un espace aménagé à l’hôpital de Fann comme c’était le cas pour Ébola ou même à l’aéroport Léopold Sedar SENGHOR, devenu un espace militaire, où des aménagements pourraient être installés.
Si, comme je l’ai montré plus haut, le rapatriement des étudiants de Wuhan est parfaitement à la portée du Sénégal, contrairement aux allégations du Président Sall, qu’elle raison pourrait donc justifier son refus? Il y aurait-il d’autres raisons inavouables ?
Je n’ose pas croire que le President s’interdirait d’agir pour ne pas frustrer ou fâcher la Chine. On n’a pas besoin d’être un grand stratège des relations internationales pour comprendre que la Chine ne doit pas beaucoup aimer ce spectacle des pays qui viennent chercher leurs citoyens jusqu’à Wuhan. Car cela, d’après certains analystes chinois, tendrait à donner à l’épidémie une ampleur qu’elle n’a pas et renforcerait la psychose internationale tout en contribuant à ternir l’image de ce pays.
Je n’ai aucun doute sur le fait que la Chine est un grand pays qui viendra à bout de ce virus. Je suis persuadé qu’elle en sortira plus forte et se donnerait tous les moyens pour ne pas revivre pareille situation.
Rapatrier nos compatriotes est une obligation morale et constitutionnelle pour le Président de la République. Préserver la vie de chaque sénégalais est une de ses missions. L’Etat est encore vu dans notre pays, comme presque partout en Afrique , comme une entité extra-societale qui ne sert à rien d’autre qu’à enrichir une élite et à réprimer le peuple. Sa légitimité est contestée parce qu’il ne fournit pas le minimum de service aux citoyens. Si en plus de ces faiblesses, il ne peut même pas sauver ses enfants qui l’appellent au secours alors qu’il en a les moyens, ce serait à coup sûr une faute et une occasion manquée pour redorer son blason.
Les États comme les être humains, placés dans certaines circonstances, doivent savoir faire preuve de dignité et de grandeur. Tout notre peuple est devant un test grandeur nature. Si nous laissons nos enfants mourir à Wuhan, à Dieu ne plaise, ce serait le signe d’une grande abomination.