ILS NE SE LIMITERONT PAS AUX JOURNALISTES
La nouveauté avec ce qui s’est passé dans le saccage des locaux du journal Les Echos, c’est de voir quasiment une revendication du crime. On semble vouloir nous ramener aux heures sombres de la décennie 2000-2010
Depuis des années, la presse au Sénégal donne le sentiment, pour ceux qui en sont membres, de faire du surplace. Si les années de Wade s’étaient caractérisées par des dérives et des menaces à l’encontre des médias, dont les moindres et les plus banals furent les emprisonnements de journalistes selon la volonté des tenants du pouvoir, au moins on n’hésitait pas à les dénoncer. Mais l’arrivée de Macky Sall, loin d’apporter le changement profond et véritable que tous espéraient, semble vouloir nous ramener aux heures sombres de la décennie 2000-2010. Sans nous offrir le paravent de la justice.
La nouveauté avec ce qui s’est passé dans le saccage des locaux du journal Les Echos, c’est de voir quasiment une revendication du crime. En effet, quand un parti politique légalement constitué se permet, de manière concomitante à la commission des actes de barbarie à l’encontre d’un journal, de publier un communiquer pour «avertir» la Rédaction dudit journal sur les conséquences de ses écrits, ne peut-on parler de revendication ? Le fait que cet acte ne soit suivi d’aucune conséquence légale ne peut-il être assimilé à une marque d’impunité et à un appel à casser du journaliste ?
Le Cdeps a rappelé que ce saccage n’est que le dernier acte d’une suite d’agressions que subissent les journalistes dans ce pays, sans que leurs auteurs ne soient inquiétés. La presse dans ce pays n’a jamais demandé de traitement de faveur, preuve que les journalistes ne se considèrent pas comme des citoyens à part. Pour autant, ils n’estiment pas jouir des mêmes droits que le citoyen moyen. Rien ne leur est pardonné dans la pratique de leur métier.
Le Sénégal aime à se vanter d’être une grande démocratie qui se caractérise par sa large liberté de presse. De plus en plus, cette affirmation devrait être nuancée au regard de la pratique. Nous en sommes arrivés au point où nous nous demandons s’il y a une différence entre vivre sous le régime de Yahya Jammeh et être journaliste dans le Sénégal de Macky Sall. Au moins, sous Jammeh, les gens étaient conscients de ce qu’ils risquaient en écrivant. Sous Macky Sall, ne sont réprimées que des infractions que les personnes bien pensantes jugent contraires à leur morale. Des disciples de certains dirigeants religieux peuvent se permettre de menacer les journalistes sans que personne ne songe à les interpeller.
Pense-t-on que ces hordes que l’on laisse agir ainsi ne se limiteront-elles qu’aux journalistes ? Que fera-t-on quand les journalistes commenceront à brider leur plume et n’oseront plus dénoncer certaines dérives, comme le souhaitent tous ces délinquants ? Qui se posera alors en recours ?