IRAN NDAO, JUSQU'OÙ ?
Il est malin le gars. Sa pédagogie de la simplification aux relents sexuels n’est qu’un prétexte pour assouvir un désir de jouissance par la parole médiatique. Décidément, la télé peut rendre fou
Il s’en est fallu de peu que cette chronique porta le titre «Iran Ndao est-il un prédicateur fou ?» parce que cette question est sérieusement discutée entre gens qui s’y connaissent en choses islamiques. De mémoire d’islamologue, ils n’ont jamais vu un phénomène aussi risible que formidable. Il y en a qui répondent par l’affirmative, d’autres pensent qu’il y a un déficit d’éducation morale chez le bonhomme.
Est-il besoin de rappeler qu’il y a une Ethique de la prédication (Adab ad dawa), une morale de la prédication religieuse comme il existe une Ethique de la divergence (Adab al ikhtilaf fil islam) ?
Disciplines à part entière dispensées dans les facultés de Shari’a et d’éducation et même dans les Majaa’lis ou daaras qui enseignent la jurisprudence supérieure. Le bonhomme est peut-être bien intentionné. Mais le problème est que Iran Ndao est salace, vulgaire et même concupiscent dans ses actes et propos. On dirait qu’il a un sexe à la place du cerveau. Même si le sujet ne s’y prête pas, il se démerde toujours pour aborder les points de Fiq islamique en dessous de la ceinture.
Tout a commencé par un prétendu «dire les choses comme elles sont», avec toute la crudité qui sied afin que le téléspectateur jugé ignorant et même imbécile comprenne le propos. On l’entend souvent dire : «Je ne m’adresse pas aux savants. Mes cours sont destinés au commun des mortels.»
Et alors ? Soit. Mais de là à décrire «la chose» avec une telle insolence que la chaîne de télé se voit dans l’obligation de s’excuser auprès du public, c’est vraiment la meilleure ! Il faut vraiment être à la lisière de la pornographie pour choquer une télé comme la Sen Tv. C’est la première fois que l’on voit une émission religieuse télévisée déconseillée aux petits.
Iran Ndao nous prend-il pour des demeurés ? Ah non ! Il est malin le gars. Sa pédagogie de la simplification aux relents sexuels n’est qu’un prétexte pour assouvir un désir de jouissance par la parole médiatique. Décidément, la télé peut rendre fou.
Dire, «je ne m’adresse pas aux savants» est une brillante manière de s’abriter contre les critiques des religieux avertis. L’ignorance est devenue un bouclier, une parade utilisée par bien des hommes publics. Dans ce pays on ne sait pas dire halte, surtout quand il s’agit des questions religieuses. On confond le Religieux, dimension humaine de l’interprétation religieuse qui obéit à la raison et aux faiblesses du genre humain, à la Religion en tant que dogme sacré et immuable.
L’histoire de la religion est même confondue à la religion en tant que telle, essence qui échappe à l’historicité. A force de silence coupable, on en est venu aujourd’hui à voir Iran Ndao se dénuder à la télé, simuler l’épuration du membre viril de l’homme en utilisant un bâton en fer, tenir des propos scatologiques soi-disant pour enseigner le Grand lavage rituel de l’islam. Quand est-ce qu’on dira «Iran arrête !» ? Certainement le jour où il fera ce que je ne veux pas nommer.
Alors, ceux qui le prennent pour fou auront tristement raison. A-t-on besoin de toutes ces contorsions pour se faire comprendre ? Il est connu de tous que l’imam Ali Ibn Abi Talib ne posait jamais au Prophète Mouhamed (Psl) des questions de droit musulman à connotation sexuelle parce qu’il était son gendre. Aucun des érudits de Tivaouane auprès de qui Iran Ndao a fait ses humanités ne s’aviserait à enseigner les questions de Fiq avec une telle vulgarité.
Pourtant, ils sont connus pour l’immensité de leur savoir et leur grande aptitude à transmettre. Serigne Ndiaye «Teeré» qu’il se plaît à citer était un homme d’une érudition phénoménale qui enseignait avec un éclectisme étonnant la jurisprudence, l’exégèse coranique, la métrique, la mystique, la grammaire et la littérature. Tellement plongé dans les livres qu’on l’appelait Ndiaye «Teeré», mais il se distinguait surtout par une pudeur à faire pâlir de jalousie les plus distingués des soufis. Personne n’a jamais vu les feux Oustaz Ousseynou Diène et Oustaz Diop, deux maîtres connus de tous à Tivaouane, enseigner le Fiq avec cette crudité qui heurte plus d’un.
Mais par quel extraordinaire on en est venu à fabriquer le type de prédicateurs que l’on voit à longueur de jours hennir des histoires à dormir debout, soi-disant prophétiques, histoire d’entuber un public de femmes en majorité avides de sensations fortes, fussent-elles du show religieux ?
Des histoires qu’on ne trouve ni chez Ibn Hicham ou Ibn Moubarak ni dans Le «Khilaas Zahab» de El Hadji Malick. Ces attitudes étaient inimaginables à l’époque de El Hadji Cheikh Gassama «Manar al islam».
Quant à El Hadji Moustapha Guèye, il voit d’un œil colérique ces saltimbanques religieux dont les modèles actuels sont les chanteurs en mal de créativité qui arpentent les marches dangereuses du Grand Théâtre. Tout compte fait, cette compréhension littérale de la pédagogie du «dire tout sans cachoteries» est venue dans une ère de grande vulgarité, une époque où les boutiques de la trivialité médiatique sont bien achalandées.
Mais le jour viendra où tous ces entrepreneurs moraux, pratiquant l’islam-business, disparaîtront, balayés par le souffle odorant de la Vérité.