KHALIFA-TANOR : LA GRANDE BATAILLE
Comment parler encore d'unité dans un parti socialiste dont le centre de gravité se déplace et balance entre OTD et Khalifa Sall ?

Combien de temps le Parti socialiste tiendra-t-il encore dans cet incroyable imbroglio ? Divisé en deux, voire trois ou quatre forces, terriblement antagoniques, Le PS entretient, déroule, et développe des querelles byzantines d'une rare virulence, qui se prolongent dans les locaux de la DIC et le prétoire. Plus de solution politique, les instances du parti fonctionnement dans la virtualité.
L'invective, la stigmatisation, la violence physique, la haine, s'entremêlent au siège de Colobane dans un indescriptible mélimélo politique. Comme si, militants et responsables se mesuraient dans une horrible entrée en matière en attendant le grand face à face entre les deux têtes de file, Ousmane Tanor Dieng secrétaire général très contesté du PS et Khalifa Sall secrétaire à la vie politique, très adulé par une frange du parti.
Autre tête de gondole du PS, Mme Aïssata Tall, très populaire dans l'opinion, subtilement écartée des instances pour avoir osé défier le grand manitou Tanor, lors du renouvellement du poste de SG. Député maire de Podor, grâce aux voix de l'opposition libérale et celles d'une coalition factuelle, pour compenser l'absence d'une onction tanorienne, elle compte les coups, marque sa distance en dépit d'une certaine proximité avec Khalifa Sall.
La brillante avocate tente, tant bien que mal de se frayer un chemin, dans cet épais brouillard. Mais, elle comprend que ce parcours du combattant en perso, pourrait ne pas la conduire très loin. Dans son fief, la concurrence politique est rude. Le Parti au pouvoir lui a opposé un adversaire coriace, Amadou Racine Sy le PCA de l'IPRES et patron du King Fahd Palace. Sa surface financière et son réseau de soutien sont des obstacles de taille pour Mme Sall laissée à elle-même, délestée du soutien de son parti.
Les Jeunesses pour la Démocratie et le Socialisme autre pan d'un PS assurément en lambeau, prennent des initiatives courageuses, pour contraindre Tanor à se réajuster politiquement. La vaste pétition lancée pour isoler le secrétaire général socialiste dans sa forcenée volonté de maintenir son ancrage majoritaire, ressemble bien à des coups à l'eau. Mais, elle décline dans de grandes largeurs, la profondeur des dissensions au sein de la "famille" socialiste. La JDS, reste tout de même une force dissidente, qui mobilise des jeunes en dehors de la sphère socialiste.
Comment dans de telles conditions parler encore d'unité dans un parti socialiste dont le centre de gravité se déplace et balance entre OTD et Khalifa Sall, dans un tel climat d'animosité… À vrai dire, OTD vient de marquer un point important en accédant au poste de Président du HCCT. Il confirme indirectement la qualité et la force de son positionnement dans la majorité. Jusqu'où ira son ascension dans l'appareil étatique pour espérer susciter un brin d'espoir dans son camp. Difficile d'imaginer que le patron des socialistes devenus probable quatrième personnalité de l'état ne tire pas tous les fruits de cette position, pour renforcer sa posture dans le PS. Il bénéficiera sans doute de plus de moyens pour alimenter son parti et ses militants.
Au même moment où Khalifa Sall gêné aux entournures dans ses projets par l'administration, peine à doper ses militants déroutés. En renforçant ses alliances avec l'opposition au grand dam de son patron au PS, Khalifa met aussi la pression sur Tanor, calme comme un boa, toujours à broyer sa proie. Il cherche visiblement à l'isoler au sein de son parti, à mesure que l'on se rapproche des législatives de juin 2017. D'ici là, Khalifa Sall qui a déjà annoncé les couleurs de l'inéluctable participation de sa coalition Takku ligguey Ndakaru, devrait faire un choix décisif pour prendre son destin en main. Ses atermoiements et ses valses-hésitations insupportent tout le monde, en commençant par ses propres partisans.
Le processus amorcé du procès de son principal poulain Barthélémy Dias, les pressions judiciaires sur son allié Bamba Fall, maire de Médina et une dizaine de jeunes socialistes pris dans les tenailles de lourds chefs d'accusation de violence armée, réduisent la marge de manœuvre de Khalifa Sall. Il ne pourra plus longtemps tenir dans cette posture ambivalente et la stratégie de pourrissement, destinée au bout du compte à désarmer Tanor en le délégitimant par des accusations de dilapidation des bijoux de famille.
Il s'y ajoute que sa base affective à Dakar s'effrite, et qu'il a du mal à assurer un maillage national. Pour n'avoir même osé prendre part à une rencontre de ses souteneurs venus semble-t-il des 45 départements du Sénégal, Khalifa Sall fait douter ses partisans et sympathisants. Quand prendra t-il son destin en main, au moment où son "adversaire intime" Tanor, se prélasse dans les lambris dorés du pouvoir ? Quand le PS sortira-t-il de cette quadrature du cercle ?
À force de se poser cette question lancinante, les observateurs et les militants eux-mêmes en finissent par en perdre leur langue. Il n'est pas fréquent de voir dans l'histoire de notre pays, un scénario aussi bizarroïde, sans doute aussi mortifère que celui que le Parti socialiste est en train de dérouler. À bien vouloir comprendre et expliquer ce capharnaüm, on se résoudrait à chercher à lire dans un marc de café. Situation loufoque, ubuesque, burlesque, absurde, cette batterie de qualificatifs ne suffit même pas à décrire une situation surréaliste. Simplement parce que les causes autant que les conséquences et les multiples ramifications dépassent tout entendement. On aura beau interroger la science politique que les annales de cette discipline, pourrait difficilement contenir un tel exemple de confusion installée. Et pis l'insouciance avec laquelle, les principaux acteurs entretiennent cette innommable cacophonie, reste tout de même aussi désopilante, que le sombre dessein qui pointe à l'horizon d'un PS, en égarement.