LA LAÏCITE LA PLUS BETE DU MONDE !
En France la laïcité ne pointe souvent son nez que pour stigmatiser des signes qui pour la plupart sont plus culturels que religieux et quelquefois préislamiques
Les Etats-Unis et l’Angleterre, considérés pourtant comme étant au top de l’expression démocratique dans le monde, seraient-ils en revanche des Etats peu respectueux des principes qui fondent la laïcité ? Oui sans réserve, du moins si l’on se réfère à la laïcité telle qu’elle est (re)définie en France…
Depuis une loi votée en 1956, les Etats-Unis ont pour devise nationale « In God we trust », devise inscrite sur leurs billets et pièces, et leur président prête serment sur la Bible. En Angleterre, l’Eglise anglicane est l’Eglise d’Etat et la monarchie anglaise a une devise en français qui remonte à des siècles mais reste toujours d’actualité : «Dieu et mon droit».
LA LAÏCITE CE N’EST PAS L’ATHEISME !
Le directeur de la Banque Mondiale, Ajaypal Singh Banga, est un citoyen américain d’origine indienne, mais c’est aussi un pratiquant de la religion sikhe et il porte un Dastar, le turban sikh, pour tenir ses cheveux qu’il ne coupe jamais. Il le porte dans l’exercice de ses fonctions, y compris lorsqu’il est en tournée à l’étranger. S’il était français, il ne serait probablement pas admis dans la fonction publique et, malgré son statut de plus haut fonctionnaire international du monde, il a peu de chances d’être autorisé à franchir les portes d’un collège ou d’un lycée français, de peur qu’il n’y propage un prosélytisme religieux sikh. Le Procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim Khan, est citoyen britannique, il est de père d’origine pakistanaise et musulmane et il n’est pas rare de le voir, y compris quand il est en déplacement officiel comme ce fut le cas lors de sa visite au Sénégal, porter une « tenue islamique », puisque c’est le nom qu’on donne en France à tout habit inspiré par les costumes traditionnels du Maghreb ou du Moyen Orient. S’il était français sa tenue aurait, pour le moins, soulevé l’ire de beaucoup d’hommes et femmes politiques français, telle Nadine Morano qui ne pouvait pas supporter les robes fleuries et les tresses de Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement français…
La laïcité n’est pourtant pas l’athéisme, Il y a, nous rappelle un observateur avisé, une autre façon de rassembler les citoyens d’un Etat que de manifester son indifférence aux croyances, c’est de créer entre eux un point commun qui est le fait de croire. On peut donc se demander, en observant comment elle est interprétée, si on ne pouvait pas dire de la laïcité à la française ce que Guy Mollet disait de la droite française : à savoir qu’elle est la plus bête du monde. Le cadre de cet article, destiné principalement à poser des questions plutôt qu’à répondre à toutes, ne nous permet pas d’en donner la preuve mais il est incontestable que la conception que l’on se fait de la laïcité, dans la France aujourd’hui, est l’une des plus radicales parmi celles de tous les autres pays européens et qu’elle comporte des incohérences et des paradoxes.
C’est une conception qui va au-delà des objectifs que s’étaient fixés les initiateurs de la loi du 9 décembre 1905 et qui étaient la séparation de l’Eglise et de l’Etat, celles des institutions publiques et des organisations religieuses, et se faisant, la reconnaissance de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes. C’est une conception qui va même quelquefois à l’encontre de l’esprit de cette loi puisque l’état français s’est arrogé le droit d’intervenir dans l’organisation du culte musulman, et lui seul, en lieu et place du cadre associatif.
UN CATALOGUE LA REDOUTE DES TENUES !
En France la laïcité ne pointe souvent son nez que pour stigmatiser des signes qui pour la plupart sont plus culturels que cultuels et quelquefois préislamiques. Il y eut le voile dit « islamique », la burqa, le burkini, le bandana (ce qui est un comble car il s’agit là d’un artifice d’origine indienne ou américaine) et il y a maintenant l’abaya. Qu’importe que des autorités musulmanes, françaises, compétentes, aient affirmé avec force que cette dernière était une tenue qui relevait davantage d’un effet de mode propagée par les réseaux sociaux que de l’Islam, et que de toute façon, « dans la tradition musulmane, aucun vêtement, quel qu’il soit, n’est un signe religieux en soi », l’abaya reste une tenue musulmane aux yeux de la majorité des Français et la preuve, disent-ils, c’est qu’on a vu des femmes voilées la porter ! Qu’importe que la loi de 2004 sur le port des signes religieux à l‘école (et sa circulaire d’accompagnement) ne fasse pas état de l’abaya et que le ministre n’a ni la compétence de l’amender ni celle de prendre une mesure de portée générale, qu’importe que la loi précise qu’il s’agit de juger l’intention et non le signe lui-même et qu’elle autorise le port de signes « discrets », qu’importe que la mode de l’abaya n’ait fait son apparition que dans 150 établissements sur 10.000, qu’importe qu’aucun critère n’ait été défini pour distinguer un abaya d’une robe longue, que les abayas portés par les élèves françaises n’aient rien à voir avec les tenues sombres et tristes des afghanes et que certaines soient même griffés, qu’importe tout cela : une robe , longue, portée tous les jours et qu’on refuse d’ôter est forcément un abaya résume un pourfendeur de la tenue! Au fond, une jeune fille qui prendrait la précaution de porter un abaya, un vrai, un jour sur deux et qui accepterait de l’enlever pour certains cours, devrait, automatiquement, échapper à la menace d’une exclusion ! Barack Obama avait jugé qu’il n’appartenait pas à son gouvernement de définir les tenues que devaient porter les Américains, Pap Ndiaye s’était refusé à dresser un « catalogue La Redoute » pour les élèves musulmanes, son successeur, Gabriel Attal, a décidé de consacrer ses efforts à mesurer la longueur des robes des collégiennes et des lycéennes de France. Mais, malgré ses promesses, sa circulaire ne réglera rien et les chefs d’établissements devront affronter, seuls, la guerre contre l’abaya. Il leur faudra faire du cas par cas, dialoguer avec les élèves et leurs parents, disposer d’assez de personnel pour faire la police, lutter contre la déperdition scolaire puisque cette mesure est finalement sexiste, et surtout , puisque la circulaire précise que ce sont les motivations qu’il faut prendre en compte, juger de la volonté des « coupables » et prendre le temps d’apprécier les motivations de chacune d’entre elles afin de savoir si elles sont animées par la simple envie de suivre la mode ou par le besoin d’exprimer une revendication religieuse. C’est peut-être un signe des temps : des dizaines de personnes ont manifesté en France pour soutenir une femme interpellée parce qu’elle s’était promenée les seins nus, dans la rue et en plein jour, mais il ne s’en est trouvé aucune pour défiler en signe de protestation contre le renvoi d’une collégienne qui portait une robe dont la longueur dépassait le genou !