LA PRESSE DANS LA STRATÉGIE DE COM D'UN ASSASSIN
Clédor Sène ! Son nom est, de nouveau, à la une des médias (radios, télés, journaux écrits comme ceux en-ligne). Le principal nom de l'assassinat, le 15 mai 1993, du juge constitutionnel, Babacar Sèye s'est remis en vedette après une interview à la chaîne
Clédor Sène ! Son nom est, de nouveau, à la une des médias (radios, télés, journaux écrits comme ceux en-ligne). Le principal nom de l'assassinat, le 15 mai 1993, du juge constitutionnel, Babacar Sèye s'est remis en vedette après une interview à la chaîne de télévision dakaroise, Sen Tv. Tout d'abord reconnaissons le mérite à cette chaîne d'avoir dégoté un scoop que tout organe du paysage médiatique sénégalais (et même en dehors) aurait voulu avoir. Que le questionneur ait pu, par son propre entregent, décrocher cet entretien ou que Clédor Sène ait choisi Sen Tv pour une stratégie de communication inscrite dans son agenda, reviennent au même : c'est une exclusivité qui a alimenté le débat, rouvert des plaies, réveillé les passions forcées au silence par la scélérate "loi Ezzan" amnistiant les faits liés à ce meurtre politique dont les auteurs condamnés en cour d'assises seront amnistiés par le président Wade sur qui, alors qu'il était opposant, avaient porté les accusations d'être commanditaire de l'opération. Sen Tv a donc du mérite, disons-nous ; qu'elle ait été initiatrice de l'interview ou qu'elle se l'ait vu offrir sur un plateau d'argent. Dans la collecte de l'information, il arrive souvent que la source (et le scoop) viennent au journaliste au moment où ce dernier s'y attendait le moins. C'est ce que, en d'autres circonstances, on appelle la baraka.
Mais, le comportement de l'intervieweur devant l'interviewé aura prouvé, encore une fois, que certaines interviews (et interviewés) nécessitent que leurs conducteurs se documentent s'ils veulent éviter que l'interlocuteur raconte des histoires. Quand Clédor Sène soutient que des sommités de l'Etat socialiste de l'époque l'avaient dissuadé de faire appel, il fait des gamberges au-dessus de la vérité. Et un journaliste qui a eu à couvrir le procès en cour d'assises de Clédor et Cie de rectifier sur un style indigné. Le journaliste témoin des faits n'est personne d'autres qu'Abdou Demba Tall, ancien journaliste de Radio-Sénégal, aujourd'hui établi à New-York, qui s'exclame sur sa page Facebook : "Quel culot (…) de la part de ce criminel, de clamer (…) que des "gens" (de l'Etat ou non) le supplièrent, de ne pas faire appel du jugement de la Cour d'assise qui l'envoya au bagne pour vingt ans ! "La naturelle mémoire circonstancielle de Clédor Sène, encore une fois, faiblirait-elle au point d'oublier que son principal avocat Madické Niang, lui-même, s'écria, la voix haute et intelligible, pour nous tous qui étions juste deux mètres plus loin : "Nous ne ferons pas appel ! Nous ne ferons pas appel…".
C'était juste quelques secondes après la proclamation de l'incroyable verdict, dans une salle du tribunal encore incontrôlable par l'explosion de surprise, de compréhensible fureur de certains et d'incompressible bruyant soulagement des familles des trois meurtriers. Son avocat croyait-il même au miraculeux verdict pour se donner ainsi en spectacle ? Ce qui révéla, en tout cas, que tout son camp s'attendait visiblement ; que le tribunal prononçât la peine de mort contre eux, et les placer devant un peloton d'exécution pour l'odieux crime. Dès cet instant donc, la messe n'était-elle donc pas clairement dite, d'un ferme et absolu choix de son avocat de ne pas faire appel ? Mieux, poursuit Abdou Demba Tall, "Clédor Sène, aurait-il fait l'oubli de cette incontrôlable onde de joie qui le submergea, lorsqu'il entendit le verdict de complaisance, au point qu'il ne pouvait même plus se tenir droit assis sur son banc dans le box des accusés ?"
Conclusion : "Personne, contrairement aux prétentieux aveux de Clédor Sène, personne, ni publiquement ni en secret, ne le supplia jamais pour qu'il ne fasse pas appel. Jamais son avocat ne contredira qu'il ne fut jamais question d'appel du verdict. Cet avocat, qui aurait sûrement couru les quelques rédactions du Sénégal d'alors, s'il y avait même l'ombre d'une velléité qu'il allait faire appel. Ainsi donc, si ce criminel de Clédor Sène ment aussi froidement, et avec autant d'aplomb sur un aussi important aspect de ce procès; sur quel autre point ne raconte-t-il pas aussi des histoires ? Combien de fois d'ailleurs ce tueur de sang-froid, ne changea-t-il pas sa propre version des faits ? Cinq fois; il changea l'identité des commanditaires entre autres…Autre malhonnête falsification de ce maitre-manipulateur; quel individu de simple bon sens croirait une seule seconde; qu'Abdou Diouf voulut l'amnistier, juste deux ans seulement après sa condamnation ? Même si Abdou Diouf avait perdu la raison, jamais Clédor n'aurait vu la lumière par son amnistie, sous quelque forme que ce soit."
Oui, la citation a été longue, fort longue, mais il faut bien la faire pour donner une idée du contexte de l'époque, des polémiques de jadis, similaires à celles d'aujourd'hui.
Clédor, que l'on (re)découvre vieillissant ne semble toujours pas visité par le remords d'avoir tué. Au contraire, il se donne le beau rôle et le sentiment spécieux d'avoir fait faire des avancées extraordinaires à la démocratie sénégalaise. Fortiche ! La démocratie sénégalaise n'aura jamais besoin du sang pour faire des progrès. Il faut ramener cette affaire Me Sèye à ce qu'elle est et Clédor à un assassin. Sans plus. Il ne devrait, on ne devrait l'habiller plus grand qu'il n'est. Un haut magistrat a été assassiné et ses meurtriers ont été identifiés et envoyés en prison, jugés, renvoyés au bagne, puis amnistiés. Il reste à savoir pour le compte de qui ils ont fait cette ignominie. Beaucoup a été dit, la vérité vraie n'en a pas plus éclaté.
Tant que cette vérité n'aura pas été découverte, Clédor sera un sujet de choix pour les médias. Et on ne devrait pas en valoir à la presse de rebondir sur les palinodies d'un assassin sur qui les Sénégalais poseront toujours un œil accusateur et indigné.