LA RÉPUBLIQUE DES CROQUE-MORTS
L’équipe maffieuse au pouvoir, misant sur les manipulations du processus électoral par un ministre de l’Intérieur partisan, n’envisage, pas le moins du monde, une défaite pourtant très probable, aux prochaines présidentielles
Jeunes garçons égorgés, fillettes violées puis assassinées, enfants pris en otage, attaques au Sud du pays, insécurité généralisée, incendies dévastateurs, recrudescence des accidents de la route, crashs aériens, persécution de nos compatriotes émigrés…, tel est le tableau lugubre du Sénégal, qui semble être devenu le pays des deuils et des obsèques. Il serait instructif de voir le nombre d’heures de travail que les plus hautes autorités de notre pays consacrent aux onéreuses cérémonies funéraires, qui sont de fait entrées, comme par effraction, dans l’agenda de la République, même s’il est légitime de rendre un hommage ultime aux fils reconnus comme méritants de la Nation. Pour les autres, les condoléances du citoyen Macky Sall ou du chef de la Coalition gouvernementale devraient relever de la sphère privée et ne devraient, en aucune manière, être instrumentalisées à des fins politiciennes. C’est ainsi que les pratiques de débauchage d’adversaires politiques lors de cérémonies de condoléances heurtent, de plein fouet, nos croyances et traditions, qui considèrent qu’une personne décédée a des droits, qui doivent être respectés, au risque pour le défunt, de perdre sa crédibilité et le respect de sa communauté.
À la veille du sixième anniversaire de la deuxième alternance survenue en 2012 et à un an du deuxième tour de la prochaine élection présidentielle prévu le 17 mars 2019, l’équipe maffieuse au pouvoir, misant sur les manipulations du processus électoral par un ministre de l’Intérieur partisan, n’envisage, pas le moins du monde, une défaite pourtant très probable, aux prochaines présidentielles.
On note, en effet, un état de délabrement avancé des Institutions de notre République devenue plus bananière que jamais, avec une Justice ligotée, un Parlement croupion et une presse sinon bâillonnée, tout au moins domestiquée.
S’y ajoute la fronde sociale provenant essentiellement des secteurs de l’Education et de la Santé déçus par les promesses gouvernementales non tenues.
Les rapports de Transparency International et ceux de l’ARMP ont mis à nu le dévoiement du processus de reddition des comptes, qui s’est révélé être une épée de Damoclès sur la tête de potentiels rivaux politiques doublée d’une impunité de fait pour les amis politiques incriminés par les corps de contrôle.
Les régressions graves en matière de libertés démocratiques, soulignées par Amnesty International, n’ont eu pour réponse que les propos discourtois et excessifs d’un Premier Ministre, qui paraissait jusque-là réfléchi, mais semble maintenant de plus en plus enclin à plonger dans la fange politicienne. L’interdiction arbitraire des marches de l’Opposition et la remise au goût du jour de l’arrêté scélérat de l’ancien ministre de l’Intérieur du président Wade renseignent sur le déni du droit constitutionnel de marche (n’hésitant pas à mettre en danger la vie d’élèves innocents, asphyxiés par des gaz lacrymogènes) et la restauration de la gouvernance calamiteuse du précédent régime libéral.
Pire, on a le sentiment d’assister à l’instauration d’un régime fort, qui projette d’enchaîner notre peuple et de le livrer aux multinationales et aux compagnies pétrolières. C’est dans ce contexte délétère que se déroulent des opérations de marketing politique à grande échelle. Tout est prétexte pour des parrainages et sponsorings tapageurs voire assourdissants avec une surutilisation de l’image de la première Dame et un culte de la personnalité, qui ne dit pas son nom, autour du premier magistrat de la Nation.
Obsédé par l’obtention d’un second mandat, le pouvoir apériste ne recule devant rien et semble plus que jamais pris dans l’étau de la désinformation, du populisme et de la perte de valeurs.
Pris par un mal-être profond, les citoyens sénégalais victimes de la déliquescence des Institutions, de la pauvreté et du chômage, vivent dans une peur du lendemain, qui ne devrait cependant pas les pousser à adopter des solutions de désespoir.
Ils doivent plutôt exiger des différents acteurs issus de la classe politique et de la société civile de faire front contre la fraude électorale et la restriction des libertés démocratiques et pour l’adoption d’une plateforme commune de refondation institutionnelle.