L’ARRIÈRE-CUISINE DE LA RÉPUBLIQUE SOUS MACKY
En quoi le comportement de Macky Sall s’apparente-t-il à deux maladies bien connues des psychiatres, un trouble obsessionnel compulsif et la paranoïa ?
Faire la cuisine est un art qui permet de se sustenter de façon agréable grâce à la saveur que la marmite dégage lorsque la cuisine est raffinée et que l’on inhale avant le festin «Tchin bounaré nekh boubakhé khêgne». Elle obéit à un ordre cependant, lorsque l’on ne respecte pas la recette et que l’on injecte une dose de mauvaise intention dans sa préparation, la cuisine peut être indigeste et créer une intoxication alimentaire. La cuisine nous procure la substance bénéfique pour bien vivre mais, elle peut aussi être un lieu de fabrique de tous les cocktails explosifs. Au lendemain de la contestation de l’élection présidentielle de 1988, Abdou Diouf président de la République disait comme rapporté par le quotidien Gouvernemental (le journal Le Soleil avril 1988) « ce n’est pas avec gaîté de cœur que j’ai fait arrêter Abdoulaye Wade».
Or, je reste convaincu que c’est avec gaité de cœur que Macky Sall a fait arrêter Karim Wade, Khalifa Sall, et révoquer Ousmane Sonko. En 2012, les électeurs ont voté contre le président Abdoulaye Wade. En 2019 ce sera l’occasion pour lui de redorer son blason, mais il a déjà esquivé la manière d’y parvenir. Son comportement dans l’exercice du pouvoir n’encourage pas la stabilité du pays. Ce qui m’amène à me poser une question toute simple.
En quoi le comportement de Macky Sall s’apparente-t-il à deux maladies bien connues des psychiatres, un trouble obsessionnel compulsif et la paranoïa ?
Sa jouissance exacerbée face à l’insécurité juridique manifeste qu’il pose chaque jour que Dieu fait pour conserver le pouvoir est de nature à inquiéter tout citoyen soucieux de la stabilité du pays.
La décence aurait pu l’amener à différer la révocation du maire de Dakar au lendemain de la confirmation de sa condamnation par la Cour d’Appel jusqu’à l’épuisement complet de toutes les voies de recours. En ce moment, mes pensées vont aux magistrats qui ont eu à connaitre ce dossier, car il n’y a pas pire que le trouble de conscience qui va hanter leurs nuits endiablées. Après tout, ils ne pourront s’en prendre qu’à eux même. Cette révocation prouve qu’il existe une porosité entre l’exécutif et le judiciaire dans la gestion de cette affaire par le service public de la justice. Eu égard au calendrier de la justice dans ce dossier et la juxtaposition de l’arrêt de la Cour d’Appel et la révocation du maire de Dakar.
L’agent judiciaire de l’Etat et les conseils de l’Etat affirment que, «Macky Sall avait les prérogatives de prendre une telle décision aussitôt après la réception du rapport de l’IGE qui a relevé des manquements dans la gestion de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Il s’agit d’une sanction administrative. Le texte le prévoit. La mesure administrative peut se prendre indépendamment des mesures judiciaires». Pourtant, il n’est fait nulle part allusion au rapport de l’IGE ni dans le projet de décret portant révocation du maire de Dakar, ni dans le décret et ni même dans le communiqué de presse. La justification de la révocation est basée exclusivement sur les décisions du Tribunal hors classe de Dakar et de la Cour d’Appel. Dans ces conditions, il aurait pu attendre l’arrêt de la Cour Suprême, qui ne lui fera pas défaut pour qui connait la Cour Suprême du Sénégal. Comme nous sommes dans le domaine des hypothèses : contre toute attente, si la Cour suprême venait à retoquer la décision de révocation du Maire de Dakar Khalifa Sall. L’acte annulé disparaitra rétroactivement de l’ordonnancement juridique et il sera réputé n’avoir jamais existé à compter de la lecture de la décision d’annulation. La décision d’annulation vaudra erga omnes. A ce sujet, je ne vais entrer en débat avec les conseils de l’Etat, notamment sur l’autorité de la chose jugée en citant l’arrêt obsolète du12 juin 1987 du conseil d’Etat, lors de la conférence de presse de l’agent judiciaire et les avocats de l’Etat.
«Dans un arrêt en date du 12 juin 1987, le Conseil d’Etat dit ceci : «considérant que l’arrêt du 29 novembre 1985 de la Cour d’appel de Nîmes condamnant Monsieur X, à la peine susmentionnée, bien qu’il ait fait l’objet d’un pourvoi en cassation, a l’autorité de la chose jugée. Qu’il pouvait dès lors légalement servir de fondement à la mesure de révocation prononcée le 6 mars 1986 à l’égard de Monsieur X » Or l’arrêt en question fait suite à une requête du Maire tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 6 mars 1986 par lequel le Président de la République (François Mitterrand) l’a révoqué de ses fonctions de maire. L’intéressé a été condamné pour attentat à la pudeur sur mineures de moins de 15 ans.
Je renvoie les conseils de l’Etat à l’arrêt N° 395371 du conseil d’Etat rendu le 16 février 2018. Publié au recueil Lebon (paragraphe 8 et 9 du corps de l’arrêt» pour actualiser leur connaissance.
Si la sanction administrative ne souffre pas d’illégalité sur le fondement du rapport de l’IGE, à en croire aux faits reprochés au maire de Dakar (qui reste confidentiel). En revanche, la motivation du décret et l’argumentaire qui entourent le projet de décret ainsi que le communiqué de presse n’ont aucune justification d’administrative.
Il est indéniable que Macky Sall et plusieurs membres de sa famille traînent des casseroles, depuis sa déclaration de patrimoine jusqu’à la gestion des contrats liés au pétrole. Si les élections se passent normalement, ces casseroles de ne resteront pas sans suite judiciaire après 2019,
Sur ce point, je ne suis pas rassuré car l’obsession dont il fait preuve pour conserver le pouvoir au mépris du droit, a entaché et entachera longtemps son mandat.
D’où l’importance d’ériger en principe l’éthique dans la gestion et la servitude volontaire de tout citoyen à son pays, c’est simplement un acte de civisme. A supposer que les sénégalais accordent un léger crédit à la justice dans cette affaire. Si par miracle, la Cour Suprême venait à annuler l’arrêt de la Cour d’Appel de Dakar (sans trop d’illusion).
Quelle serait alors la solution que Macky Sall proposera pour rétablir Khalifa Sall dans ses droits ?
Absolument rien !
Macky Sall est fasciné tantôt par la privation de liberté des futurs candidats qui pourraient le mettre en difficulté (Karim Wade, Khalifa Sall) tantôt par l’abus de pouvoir qui caractérise l’exercice de son pouvoir. La brutalité incommensurable dont l’inspecteur des impôts et des domaines (Ousmane Sonko) a été victime en le révoquant de ses fonctions. Son seul tort est d’être un homme qui inspire confiance du fait de la solidité de ses convictions et d’être un farouche opposant à la politique de Macky Sall. Les moyens de l’Etat sont mobilisés pour intimider les opposants. Rappelez-vous l’arrestation d’Ousmane N’gom à Kolda pendant qu’il faisait la campagne pour les élections législatives de 2012, au motif qu’il n’a pas déféré à la convocation du juge, alors que ce dernier pouvait attendre son retour sur Dakar, mais envoyer un hélicoptère pour aller le chercher à Kolda était inapproprié En raison de la faiblesse de son engagement politique, cette intimidation a tellement marqué Ousmane N’gom, qu’il s’est finalement rangé derrière Macky Sall, depuis lors il n’a plus de soucis avec la justice.
Par ailleurs, Me Amadou Sall avait accusé «le président Macky Sall de faire du fétichisme en choisissant sciemment d’auditionner Karim Wade les jeudis pour le libérer mystiquement dans la nuit du jeudi au vendredi. «C’est la sixième fois que l’on convoque un jeudi. On ne peut pas gérer un pays avec les fétiches, on ne peut pas gérer un pays dans le mystique». Macky Sall l’a fait arrêter pour offense au chef de l’Etat. La course obstinée et frénétique de Macky Sall pour obtenir un second mandat provoque en lui un trouble obsessionnel compulsif.
Toute velléité de briguer la fonction de président de la République d’où qu’elle vienne lui crée des tendances paranoïaques suffisantes pour qu’il appelle la justice à la rescousse.
Sa boulimie du pouvoir l’a amené à «thiompaler» ou à débaucher des politiciens professionnels comme Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Sérigne Mbacké N’diaye, Pape Samba MBoup et Souleymane Ndéné N’Diaye qui n’ont d’utilité que pour eux-mêmes.
A en croire Macky Sall, les jeux sont déjà faits, le vainqueur de l’élection présidentielle de 2019 ne serait autre que lui-même d’après un sondage qui lui attribue 54% au premier tour. Comme disait Winston CHURCHILL « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées »
C’est pourquoi, il est temps d’affirmer que les sondages sont des enquêtes d’opinion et non de l’opinion de celui qui voudrait coïncider son souhait aux intentions de vote des citoyens électeurs.
Là encore, c’est de la pire mythomanie, l’aversion qu’il suscite dans le pays à l’évocation de son nom ne peut coïncider avec aucun résultat de sondage qui le placerait à plus de 30%.
Son comportement s’apparente à celui d’un aventurier qui n’a ni foi ni loi et qui a façonné la constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat. Deux éminents professeurs de droit constitutionnel ont donné leurs analyses de l’article 27 de la constitution.
À y bien regarder de près, l’article 27 de la Constitution relatif au nombre de mandats du président, On mesure immédiatement à quel point « le diable est dans les détails » ! Et cela donne des frissons.
Le professeur Babacar Guèye tout comme le professeur incontestable Jacques Mariel Nzouankeu affirment que «nulle part, il n’est écrit que le mandat de 7 ans est, ou n’est pas compris dans le décompte des deux mandats consécutifs du nouvel article 27. Habituellement, ces questions sont traitées dans les dispositions transitoires ; mais dans la constitution ainsi révisée, les dispositions transitoires sont supprimées ……Le mandat conféré en 2019 constitue donc le 1er mandat de 5 ans au sens de l’article 27 de la Constitution. Macky Sall a droit à un second mandat de 5 ans, s’il sollicite en 2024». Ce qui lui permettra solliciter un troisième mandat
Macky Sall a assuré que la question des mandats était réglée depuis longtemps, «je reste dans la logique de ne pas dépasser les deux mandats si le peuple sénégalais me fait confiance».
Comment celui qui a tous les pouvoirs de faire et de défaire et qui n’a pas respecté son engagement de réduire son mandat en cours de 7 à 5 ans le respectera la prochaine fois ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il pourra toujours compter sur la complicité du Conseil Constitutionnel qui va brandir soit son incompétence habituelle ou confirmer la volonté du président. L’histoire récente du pays nous renseigne que la volonté du Président Abdoulaye Wade de faire un troisième mandat alors que lui-même avait déclaré « qu’il a verrouillé la constitution», à l’approche des élections de 2012, coup de théâtre il déclare sa candidature, là encore, le Conseil Constitutionnel n’avait pas d’autre choix que de suivre la volonté du président. Sous Macky, le Conseil Constitutionnel acquis à sa cause va plus loin, on lui demande un avis, il rend une décision. Rappelez-vous la réforme constitutionnelle notamment la réduction de la durée de son mandat en cours de 7 à 5 ans. Je me demande comment croire celui qui a crié sur tous les toits qu’il allait réduire son mandat en cours de 7 à 5 ans, pourquoi ne l’a-t-il pas respecté ?
Si le peuple sénégalais ne prend pas garde, parce Macky Sall n’a pas conscience de la brutalité des actes qu’il commet, il risque de faire plonger le pays dans le chaos. Je ne crois pouvoir affirmer que cet homme n’est pas républicain.
C’est pourquoi il n’est pas trop de proclamer le principe qu’en plus d’hommes vertueux, il faut des règles efficaces pour une bonne gouvernance. Faisons en sorte que la future alternance ne soit pas qu’un simple changement d’équipe.
L’alternance sans alternatif peut être aussi dangereuse que ce que nous vivons sous le régime de Macky.
La cuisine de la République sous Macky manque de raffinement et de finesse. Elle est incolore, inodore et sans saveur.
Abdourahmane Keita,
Sociologue