L'AUTRE CABINET NOIR
Les processus de liquidation d’adversaires politiques peuvent prendre plusieurs formes. Comme celle qui a abouti en France à éloigner le candidat de la droite et du centre d’une victoire programmée à une élection jugée in-perdable
Les processus de liquidation d’adversaires politiques peuvent prendre plusieurs formes. Comme celle qui a abouti en France à éloigner le candidat de la droite et du centre d’une victoire programmée à une élection jugée in-perdable.
Les conneries diverses du conservateur François Fillon ont bien sûr largement facilité le travail du «cabinet noir» qui aurait siégé à l’Elysée durant le quinquennat de François Hollande, mais on a vu à quel point le film déroulé quasiment en live sous nos yeux portait en lui-même les signes d’une vraie réalité.
Des éléments accablants qui sortent de nulle part, formellement irréfutables pour l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, et qui tombent pile poil sous les pattes d’un organe aussi sérieux que le «Canard enchaîné», cela vous met en fâcheuse posture. Cela fait débat. Et cela finit par faire dégâts. Fillon est politiquement mort… Il lavera peut-être une partie de son honneur bafoué, mais il ne reviendra pas.
Chez nous à Ndoumbélane, des officines du pouvoir s’acharnent depuis cinq ans à liquider des adversaires politiques par des méthodes peu conventionnelles, souvent à l’ombre de la force que procure l’administration d’Etat dans une démocratie mutilée.
C’est un cabinet gris-marron ou noir tout court qui a comploté et radié l’inspecteur des impôts et domaines Ousmane Sonko, à l’aide du sceau exterminateur du président de la République. C’est ce même cabinet noir qui a accompagné et meublé les déboires maritaux du premier chef de gouvernement de la deuxième alternance, Abdoul Mbaye. Le même qui a aussi détruit, par cupidité, le noble programme de reddition nationale des comptes appelé «la traque des biens mal acquis» en décrédibilisant la cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Voilà…
Plus de cinq ans après son arrivée au pouvoir, Macky Sall se souvient brutalement qu’il avait sous le coude un dossier sulfureux dénommé «Fesman». Tout le monde en connaissait déjà les méandres et turpitudes, lui plus que tous les autres.
Il n’en a rien fait durant un quinquennat, croyant tenir en respect son prédécesseur et une partie de la famille de ce dernier dont l’énigmatique Syndiély Wade et certains de ses partenaires de pillage des deniers de la République. Aujourd’hui, pour punir Abdoulaye Wade d’avoir fédéré une opposition et des égos que tout poussait à la division, le chef de l’Etat semble vouloir réactiver l’affaire, tout en sachant qu’il n’ira pas plus loin…
Méthode de chantage aussi vieille que le monde. La lessiveuse présidentielle a également coulé bien des pontes de la République, sommés de choisir entre capitulation, résistance et retrait de la scène. Le dernier en date est le dernier premier ministre de Wade, obligé d’atterrir à Canossa après bien des contorsions.
Le cabinet noir a bien travaillé sur ce coup, comme sur d’autres. Mais il est antérieur au régime Sall. Auparavant, Abdoulaye Wade en avait huilé les ressorts et les boulons dans une entreprise industrielle de débauchages de grands responsables socialistes, avec une intensité jamais égalée dans l’histoire de ce pays. Certains y perdirent leur âme définitivement, d’autres attendront avant de s’y résoudre. Wade a été un promoteur «visionnaire» de la transhumance, Sall en aura été le continuateur brutal.
Le cabinet noir, présumée arme de destruction, traversera les régimes mais n’est en rien une garantie de survie pour un pouvoir. On l’a vu avec Abdoulaye Wade ; on voit avec Macky Sall à quelle impopularité s’expose un chasseur d’opposants dont il est clair qu’il se livre à de la guérilla politicienne.