LE PARRAINAGE, CE « MACHIN »… NÉCESSAIRE
Même nous, hommes des médias, avions du mal à identifier certaines personnes dont les représentants se sont bousculés au portillon de la Direction générale des élections (DGE) pour récupérer les fiches de parrainage
87candidats à la Présidentielle 2019 au Sénégal. Vous ne rêvez pas. Vous avez bien lu. Fort heureusement que s’autoproclamer candidat à l’élection présidentielle est une chose, s’aligner au départ en est une autre. Mieux encore, en plus d’une caution de 30 millions, facilement trouvable par nos politiciens dont on ignore les sources de financements (légaux ou occultes), il existe désormais dans notre code électoral ce fameux filtre dont le but est d’éliminer les candidatures fantaisistes : le parrainage. Quelle belle trouvaille !
Même nous, hommes des médias, avions du mal à identifier certaines personnes dont les représentants se sont bousculés au portillon de la Direction générale des élections (DGE) pour récupérer les fiches de parrainage. Et dire que cette liste de 87 candidats est loin d’être exhaustive. Convenons-en alors ! Le parrainage est plus que nécessaire pour notre démocratie. A l’instar des grandes nations, il était temps que ce filtre soit instauré pour mettre fin ou éviter tout désordre électoral comme ce fut le cas lors des Législatives du 30 juillet 2017. D’aucuns nous répondront que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et ils auront raison. Surtout quand certains candidats de parti ou de coalitions de parti avouent d’une manière ostensible ou occulte qu’ils ont été parrainés par le régime en place. Le même régime qui brandit l’argument des 47 listes pour justifier la nécessité du parrainage.
Mais qui est dupe ? On aura compris qu’il fallait une pléthore de listes aux Législatives dont le mode scrutin se veut majoritaire au niveau départemental (Raw Gaddu) et proportionnel, au niveau national, pour permettre une razzia à la Coalition Bennoo Bokk Yaakar qui n’a finalement laissé que des miettes à l’opposition. C’est encore pire avec les élections locales qui gardent toujours un mode de scrutin archaïque, incongru voire corruptogène : le suffrage universel indirect à un seul tour, qui expose, les conseillers municipaux et départementaux, appelés à désigner l’édile de leur localité, à une corruption passive voire active. A quand un mode de scrutin à deux tours ? C’est la démocratie sénégalaise qui en retrouverait gagnante et l’autorité décentralisée plus légitime. Un acte consolidant attendu du régime mackyste.
Bref, restons avec ce machin, qu’est le parrainage. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’option sénégalaise (parrainage citoyen) est meilleure que celle de la France (parrainage par les élus). Un mimétisme allait être catastrophique pour l’opposition qui aurait du mal à avoir les signatures nécessaires. Rappelons qu’un tel scénario a failli de produire en France.
En effet, arrivé au second tour des élections présidentielles de 2002, Jean-Marie Le Pen avait évoqué sa difficulté à récolter 500 parrainages d'élus, et la possibilité qu'il ne soit donc pas présent aux élections présidentielles. Certains politiques français, notamment José Bové et autres membres influents de la société civile avaient alors émis l’idée de parrainage citoyen. D’où l’excellente option prise par le Sénégal. Toutefois, le quota de 0,8 % au minimum (52.000 signatures) et 1 % des électeurs inscrits (65.000 signatures), mais surtout l’exigence de trouver 2000 parrains, dans au moins, sept régions, risqueraient de masquer l’importance de ce filtre tant attendu et de donner du grain à moudre aux détracteurs du parrainage qui suspectent le candidat Macky Sall, à tort ou à raison, de vouloir éliminer certains candidats pour éviter l’émiettement de l’électorat, synonyme d’un probable second tour. Mieux, quand on procède à une étude comparative des pays où le parrainage citoyen est en vigueur, on devrait en conclure que le Sénégal a mis la barre assez haute.
En Autriche, pour 8 millions d’habitants, il faut 6000 signatures ; la Finlande 20.000 signatures pour 5 millions ; la Lituanie (20.000 signatures pour 3 millions) ; la Pologne 10.000 signatures pour 38 millions d’habitants ; la Roumanie (20.000 signatures pour plus de 19 millions d’habitants) ; le Portugal (7500 signatures pour plus de 10 millions) et la Slovaquie (15.000 pour plus de 5 millions d’habitants). Par conséquent, la bonne question n’est pas de dire que celui qui est incapable de réunir 0,8 % des électeurs inscrits ne devrait pas candidater à la magistrature suprême. D’autant plus que la coalition présidentielle ne va pas seulement se contenter de fournir 65.000 signatures au candidat Macky Sall. Dans sa collecte, elle empêchera aussi à d’autres candidats d’obtenir des signatures nécessaires surtout avec cette épée de Damoclès désormais suspendue sur la tête des électeurs. «Un électeur qui parraine plusieurs candidats encourt une peine d’emprisonnement et une amende allant de 10.000 à 100.000 F CFA», a déjà averti Bernard Casimir Cissé de la DGE. Pendant ce temps, la loi reste muette sur la volonté manifeste des responsables politiques, surtout, de la coalition présidentielle de garder certaines signatures au frigo dans le seul but d’empêcher d’autres candidats d’en disposer. Ce qui fausse notre jeu démocratique, sans occulter la corruption que la collecte des signatures pourrait engendrer.