LE PDS PRÉPARE LE BOYCOTT DE 2019
Le discours du PDS est sans ambiguïté et crée toutes les conditions ou tous les prétextes pour ne pas aligner un candidat à la prochaine Présidentielle - Karim Wade commettrait une grave faute politique s’il retournait au Sénégal comme un enfant apeuré
Le Parti démocratique sénégalais (PDS) a été la première formation politique à avoir désigné son candidat pour la Présidentielle de l’année prochaine. Cet empressement s’expliquait par une stratégie de donner l’impression que les poursuites pénales, ouvertes alors contre Karim Wade, tenaient lieu de procédés pour museler un challenger politique. La formation politique du Président Wade n’a envisagé l’avenir qu’en confiant son destin au père Abdoulaye ou au fils Karim. Ainsi, dès qu’il avait été établi que Karim Wade ne pouvait pas diriger la liste de la coalition mise sur pied par le Pds aux élections législatives de l’année dernière, du fait de sa condamnation pénale, le Pds avait appelé l’ancien Président Wade à la rescousse. Il était ainsi la tête de liste de la coalition. Les mêmes raisons qui avaient disqualifié Karim Wade pour être candidat-député sont encore de mise pour la prochaine élection présidentielle. Seulement, la solution de rechange que constituait le Président Abdoulaye Wade ne va pas pouvoir être opérationnelle. La Constitution qui limite à 75 ans l’âge maximum des candidats à l’élection présidentielle le disqualifie aussi. Il ne resterait plus alors au Pds qu’à envisager le choix d’un candidat qui ne serait ni Karim Wade ni son père Abdoulaye. La famille Wade ne voudrait, elle, envisager une telle perspective.
Personne d’autre ne semble, à leurs yeux, digne de porter les couleurs du parti fondé en 1974. Déjà, du temps où il était au pouvoir, Abdoulaye Wade n’avait de cesse de vanter les mérites de son fils et de dire aux Sénégalais que Karim Wade était le meilleur de tous et qu’il était le seul à pouvoir le remplacer un jour. Cette insulte avait fait «rugir» bien des fils et filles de ce pays. Mais cela semble demeurer une conviction forte et définitive chez Abdoulaye Wade. Il disait à ses collaborateurs qu’il avait un faible pour Karim. Comme si nos pères et mères, à nous autres, n’avaient pas les mêmes sentiments pour leur progéniture. Il ne reste alors plus à la famille Wade, en direction de l’élection de 2019, que de mettre en place la stratégie du boycott. On constatera que le PDS fait tout pour ne pas prendre part à la prochaine élection présidentielle. Déjà, au lendemain des élections législatives l’année dernière, le Président Wade avait annoncé la couleur quand il prévenait que le PDS ne participerait plus à des élections organisées par le régime du Président Macky Sall. D’autres formations politiques de l’opposition s’étaient, elles aussi, empressées de faire la même annonce. Bokk gis-gis de Pape Diop cherchera néanmoins à nuancer sa position, soulignant notamment son manque de confiance au système électoral et exigea la nomination d’un ministre en charge exclusivement de l’organisation des élections.
«Si jamais il devait y avoir une élection sans Karim, il y aura bel et bien élection»
Le discours du Pds est sans ambiguïté et crée toutes les conditions ou tous les prétextes pour ne pas aligner un candidat à la prochaine Présidentielle. Le PDS refuse d’envisager une autre candidature que celle de Karim Wade. C’est le parti même qui prend l’initiative de poser déjà le débat, parce qu’il est parfaitement conscient qu’une telle candidature ne sera pas recevable. Tout a commencé avec l’initiative de Karim Wade de chercher à se faire inscrire sur les listes électorales, en se présentant devant une commission de révision des listes électorales installée à l’ambassade du Sénégal au Koweït. L’initiative, à grands coups de médiatisation, avait un peu fait sourire, car le public a pu découvrir à l’occasion que le nom de Karim Wade ne figurait pas sur les listes électorales lors des élections législatives de 2017. Personne ne se doutait, lors de celles-ci, que Karim Wade n’était pas réinscrit sur les listes électorales alors que le PDS en faisait tout un tas avec une candidature de Karim Wade à la députation. Sa nouvelle inscription sur les listes électorales a été annulée par les services compétents, au même titre que celle de quelque 5 000 autres citoyens sénégalais pour des raisons liées à des situations juridiques, déterminées par la loi. Le Pds a toute la latitude de saisir la justice pour contester la décision administrative.
Au cas où la réinscription sur les listes électorales de Karim Wade aurait même été ordonnée par la justice ainsi saisie, la recevabilité de sa candidature à l’élection présidentielle de 2019 serait traitée dans d’autres formes et procédures et cette fois, par le Conseil constitutionnel. Cette haute juridiction rendra un arrêt proclamant la liste définitive des candidatures. Au cas où Karim Wade ne figurerait pas sur cette fameuse liste que publiera la Conseil constitutionnel, il ne lui resterait aucune voie de recours. Le PDS est bien conscient de cette perspective et se prépare à une insurrection. Les menaces proférées sont claires. Il appartiendra donc aux autorités de l’Etat du Sénégal de se montrer à la hauteur pour juguler toutes velléités de saper l’ordre public. Il faut dire que Abdoulaye Wade et ses partisans devraient savoir à quoi s’en tenir, car plus d’une fois ils ont eu à faire des bravades et des menaces contre l’Etat et l’ordre républicain ; et à chaque fois, le régime du Président Macky Sall leur avait démontré sa capacité à faire face à toutes les tentatives de déstabilisation et de provocation de troubles politiques ou sociaux.
En 2019, il devrait en être de même. Les autorités publiques sont déjà bien averties et n’auront pas l’excuse d’avoir été prises par surprise. Il ne saurait, en effet, être acceptable que Abdoulaye Wade et son camp brûlent ce pays pour faire plaisir à Karim Wade. Le PDS affirme «qu’il n’y aura pas d’élection en 2019 sans Karim». Si jamais il devait y avoir une élection sans Karim, on peut croire qu’il y aura bel et bien élection ! En 2012, quand Abdoulaye Wade était au pouvoir, d’autres candidatures à la présidence de la République, de citoyens sénégalais, avaient été refusées par les institutions compétentes sur la base des mêmes lois. Personne parmi les candidats recalés n’avait menacé d’empêcher la tenue de l’élection. Mieux, l’opposition s’était faite une raison pour accepter la décision du Conseil constitutionnel, qualifiant Abdoulaye Wade pour être candidat à un troisième mandat de suite. Personne n’avait menacé d’empêcher la tenue de l’élection présidentielle. La question est de savoir si Abdoulaye Wade et son fils Karim ont plus de droits et de privilèges que les autres citoyens sénégalais.
Le boycott, la carte maîtresse des Wade
On devra s’attendre à ce que le pouvoir reste inflexible et ne manque pas de leur appliquer toute la rigueur de la loi. Tout porte déjà à le croire. Il ressort dans les publications des médias que les autorités de l’Etat du Sénégal ont pris toutes les dispositions nécessaires pour signifier à Karim Wade l’exécution de la contrainte par corps, en exécution de l’arrêt rendu par la justice et le condamnant, entre autres peines, à de fortes amendes. Libération, généralement bien «sourcé» quant aux activités des Wade, a annoncé que l’ancien Président compterait prochainement revenir au Sénégal et cette fois-ci, accompagné de son fils Karim Wade. Ce dernier, dans une lettre publique aux Sénégalais, avait dit qu’il était en route pour revenir au Sénégal et «faire face à son devoir».
Franchement, d’aucuns avaient commencé à se dire qu’en fin de compte, Karim Wade s’assume et compte faire front. Son père Abdoulaye Wade avait habitué son monde, il faut bien le lui reconnaître, à faire montre de grand courage dans des moments d’épreuves. Mais on va refuser de croire que Karim Wade, qui se propose de diriger ses compatriotes, n’ose se présenter devant eux que soutenu et poussé dans le dos par son vieux père. Karim Wade commettrait une grave faute politique s’il retournait au Sénégal comme un enfant apeuré, qui se cache dans les jupes de sa maman. Il serait aussi naïf s’il croyait que la présence à ses côtés de l’ancien Président Wade empêcherait les Forces de l’ordre de procéder à l’exécution des décisions de justice. De toute façon, la perspective du retour de Karim Wade à Dakar ne serait juste qu’un épouvantail. Karim Wade ne se risquera plus de retourner en prison. Au moment de son emprisonnement dans le cadre de la procédure devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), il avait, plus d’une fois, eu des moments de faiblesse au cours desquels il révélait en vouloir à son père ainsi qu’à son avocat, Me Rasseck Bourgi, qui lui avaient fortement conseillé de revenir au Sénégal pour répondre à la convocation des enquêteurs. Il ne s’imaginait pas qu’à l’issue des auditions, les portes de la prison de Rebeuss se refermeraient derrière lui. On peut donc dire que, même accompagné de son père, Karim Wade ne reviendra pas à Dakar, sans l’assurance d’avoir fait plier le régime de Macky Sall. Il ne manquerait pas de clairvoyance au point de ne pas savoir que le rapport de forces ne lui est pas favorable et qu’aucune figure de proue de l’opposition ne sacrifierait son propre destin pour lui faire de la place. Il reste écrit «qu’après un ouragan, les cocotiers ne donnent pas des noix l’année suivante». La débâcle du Pds à la Présidentielle de 2012 a eu aussi pour conséquence de disperser ses forces.
Ainsi, a-t-on pu observer que d’une élection à une autre, la base électorale de ce parti s’est beaucoup érodée. Le retour annoncé reste donc un spectre afin de justifier une présence médiatique, une volonté de se poser en chef du PDS. Mais ce manège ne pourra pas continuer éternellement et il arrivera un moment où le constat sera fait par tous que la candidature de Karim Wade ne sera plus de mise. Ainsi, le Pds se résignera-t-il à annoncer le boycott de la Présidentielle de 2019. On ne le dira jamais assez, un boycott du Pds n’empêchera nullement la tenue de l’élection présidentielle. L’histoire politique du Sénégal est riche d’exemples de scrutins boycottés par tout ou partie de l’opposition. Il faudra s’attendre à ce que, le cas échéant, certaines personnalités du Pds franchissent le Rubicon pour «oser» leur candidature. La situation aura pour conséquence d’accentuer l’éparpillement de la famille politique de Abdoulaye Wade. Il n’en demeure pas moins qu’un boycott ou abstention du PDS donnerait à Abdoulaye Wade la possibilité de négocier une nouvelle situation politique pour son fils. Il aurait l’argument qu’il n’aurait rien fait pour empêcher la réélection de Macky Sall. Au cas où un autre candidat serait élu, on pourra compter sur la perspicacité légendaire de Abdoulaye Wade pour théoriser que c’est le boycott du Pds qui aurait été le catalyseur de la nouvelle alternance.