LE PRÉSIDENT MACKY SALL NOUS QUITTE !
Un bon président rend heureux son peuple et son continent. Un mauvais président vous transforme en philosophe. Vous n’avez pas fait de nous des philosophes et il nous manque un pas, un seul, de vous vers le pardon, pour être vraiment heureux
Je suis si triste de vous voir partir, monsieur le président ! Ceux qui seraient tentés de m’en vouloir de le dire, en sortant leur pistolet à cyanure comme de coutume, quand je parle de vous, doivent accepter que nous n’ayons pas le même cœur, les mêmes livres et ne partageons pas le même monde. Vous ne me devez rien, monsieur le Président. Quant à moi je vous dois de m’avoir un jour fait pleurer pour avoir dit des mots inattendus lors d’une réunion autour de vous au Palais présidentiel. Je découvrais un autre cœur en vous, même si le pouvoir vous recommande de mettre votre bouclier.
On part toujours, monsieur le président !
La vie est ainsi faite : elle est courte, faite de routes multiples mais qui mènent toujours et pour tous au même endroit : l’heure d’être enfin avec soi-même ! Sur terre ou dans une tombe. Vous n’avez pas à pâlir du chemin parcouru. Le seul fait d’avoir servi votre pays aux plus hautes fonctions de l’État par la volonté de votre peuple, est déjà une bénédiction. N’est pas Président qui veut ! Senghor qui a tant et tant souffert sous ses charges de chef d’État que le destin lui avait imposé, lui qui ne rêvait que d’être poète et prêtre, se confesse : « Je n’ai pas tout réussi. Dieu Seul peut tout réussir. »
Vous avez réussi le plus facile Monsieur le Président, là où l’on pense que c’était le plus difficile: partir ! Votre geste est conforme à la Constitution quoique annoncé tardif, couvert et porté par des pilonnages, battages et tam-tams qui ont duré, duré. Quel malin plaisir vous avez dû prendre en faisant attendre vos adversaires et votre propre camp ! Il reste que votre décision est unanimement saluée par votre peuple, un peuple de paix et de mesure. Le reste, tout le reste appartient à la passion, la fureur, la hâte, la démesure, à l’exercice risqué, isolé, complexe et douloureux du pouvoir. Au bout de la route, un président de la République se retrouve finalement toujours seul ! Veillez sur votre famille. Vous n’aurez qu’elle de vrai !
Mes promenades avec le Président Senghor me manquent. Il aimait marcher pieds nus dans le sable des plages. C’est le moment que je choisissais pour lui poser des questions politiques qui me taraudaient l’esprit. Il y a longtemps qu’il avait quitté le pouvoir. Chose étrange chez Senghor : il avait même oublié qu’il avait été un jour dans sa vie président de la République. Ce sont des passants qui le reconnaissaient ou des admirateurs qui le lui rappelaient. Il me dit : « Mon cher poète, on ne gouverne pas impunément. » J’étais très ému. J’avais évoqué la mort de Philippe Maguilen ! Je convoque ici ces moments intimes avec Senghor pour dire que si Dieu vous donne beaucoup, IL peut aussi vous enlever beaucoup ! Devant Dieu, Son prophète et ma mère, je témoigne ici que jamais je n’ai vu un homme prier, prier autant que Senghor ! la prière l’apaisait, le renouvelait. Sa foi l’a sauvé de la mort après l’accident de son fils Philippe.
Au-delà de ma toute petite personne, Monsieur le Président, c’est tout votre peuple et toute l’Afrique qui vous demandent d’aller encore plus loin et plus haut, en organisant les prochaines échéances présidentielles de février 2024, toutes portes ouvertes. Une seule porte fermée, vous enferme en même temps. N’en fermez aucune. Allez au-delà d’une page d’histoire pour deux pages d’histoire ! Votre destin n’est pas petit. Ne vous attardez pas sur vos adversaires que vous prenez pour vos pires ennemis. Refusez que le diable vous serve des fagots de bois en feu pour incendier et meurtrir votre cœur de croyant. Pardonnez. Avancez. Rassembler.
Dieu vous aime et IL vous l’a prouvé en vous élevant au pouvoir suprême. Vous le découvrirez mieux encore et pour bientôt, quand vous franchirez pour la dernière fois le portail du palais présidentiel sous l’œil ému et attendri de ceux qui vous ont aimé. Tous ne peuvent pas vous aimer ! Même Dieu a ses brassards rouges, mais IL en sourit ! Alors, surprenez-nous encore avant de nous quitter en amenant votre majorité et celle de l’opposition à voter une nouvelle Constitution qui s’inspirerait ou ferait sien le long travail, minutieux, responsable, exigent, profond, libérateur, que les « Assises nationales » nous ont légué. Laissez derrière vous une retentissante métamorphose d’un nouvel État moins soupçonné, juste, enfin équilibré, respecté par tous, aimé, protégé et arbitré par d’honnêtes, irréfutables et inoxydables contre-pouvoirs !
L’Afrique attend le Sénégal pour s’inspirer d’un homme d’État qui n’aura pas seulement quitté le pouvoir en se soumettant à la Constitution de son pays -décision toute naturelle mais encore non acquise en terre d’Afrique- mais qui aura rassemblé adversaires et ennemis autour de lui, dans le pardon et la grandeur d’âme, et qui, enfin, aura réussi l’inattendu en laissant à son peuple et à l’Afrique encore crispée, de nouvelles et révolutionnaires institutions qui ouvrent la voie du futur à une démocratie nouvelle, osée, conquérante, qui laisserait l’Occident ivre de libertés en traine derrière le Sénégal !
Si vous aidez tous comme le souhaite le peuple sénégalais à accéder au choix des urnes en février 2024, si vous changez en profondeur la Constitution en accord avec votre opposition, vous ne serez pas qu’un héros Monsieur le Président. Vous serez un pays. Vous serez une nation. Vous serez une religion. Vous serez un siècle !
Notre pays n’a pas mal ? Si, il a mal ! Mais s’il a mal, c’est parce qu’il se construit. Après Macky Sall, rien ne sera plus comme avant. Nous aurons une Constitution apaisée qui aura définitivement et complètement enterré toute velléité du moindre soupçon de ce que nous avons eu à vivre tous ensemble. Si le même Président Macky Sall nous surprend, nous dépasse et nous surpasse en faisant adopter avant de quitter le pouvoir une nouvelle Constitution qui prendrait en charge ce dont nous rêvons pour notre pays, la démocratie nous apparaitra sous des habits jamais imaginés, une femme totale d’une beauté totale. Séparé mais partenaire, lié l’un à l’autre, interactif et complémentaire, les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire seront trois chefs d’orchestre mais dansant la même musique, celle que le peuple sénégalais souverain et seul aura composé. C’est ce que l’on appelle d’un beau nom : l’idéal !
Monsieur le Président, sonnez la charge ! Faites-nous danser avant votre successeur pour que lui aussi danse et que plus jamais le Sénégal n’ait peur, ne pleure et n’enterre ses enfants !
Je rêve dites-vous comme un poète pauvre et ivre ? Rêver n’est rien d’autre que vouloir autre chose que le présent ! Aucun Sénégalais de quelque camp qu’il soit, ne veut plus voir ce visage tuméfié et effrayé d’un pays qui ne nous ressemble pas. Autre chose doit guider notre pays et ce ne sera rien d’autre que la paix, la mesure, la tolérance, l’amour, le pardon, la générosité, la sacralité de l’État et l’invincibilité de l’esprit !
Un bon Président rend heureux son peuple et son continent. Un mauvais Président vous transforme en philosophe. Vous n’avez pas fait de nous des philosophes et il nous manque un pas, un seul, de vous vers le pardon, pour être vraiment heureux ! Dans l’unité et le rassemblement, faites gagner le Sénégal !
Nous avons le droit de compter sur vous, Monsieur le Président ! [Juillet 2023]
Par Amadou Lamine SALL
Poète
Lauréats DES GRANDS PRIX DE l’académie française
Lauréat 2023 DU GRAND PRIX DE poésie AFRICAINE