LE SÉNÉGAL ENTRE ÉLECTORALISME OU APPROCHE PROTESTATAIRE
Il n’est pas question de voter pour des candidats accusés d’avoir trempé dans des scandales, mais de défendre le droit du citoyen à des procédures judiciaires irréprochables et à se présenter à tous types d’élections, tant qu’il remplit les critères
Après deux alternances démocratiques dans notre pays, les limites d’une démocratie strictement électorale apparaissent clairement de même que la nécessité de promouvoir les initiatives populaires de protestation publique contre les politiques menées au nom du peuple, souvent à son détriment.
La lutte pour les droits économiques et sociaux doit prendre toute sa place au sein du système politique et cesser d’être marginalisée par une classe politique obnubilée par les questions électorales.
Devant l’incapacité de la représentation parlementaire et du pouvoir judiciaire à défendre aussi bien les normes démocratiques que les intérêts populaires, il se pose de plus en plus la question de la place de la démarche protestataire citoyenne dans notre système démocratique.
Dans cette perspective, le mouvement des « gilets jaunes » en France résonne particulièrement dans le cœur des citoyens sénégalais confrontés à des conditions de vie encore plus désastreuses que celles de leurs congénères français.
Malgré les timides efforts du gouvernement actuel, exagérément montés en épingles, à travers des programmes à forte connotation électoraliste (PUDC, PUMA, PRACAS, PROMOVILLES…), l’accès aux services sociaux de base reste encore très insuffisant. Cela peut être confirmé par les récriminations quotidiennes des populations sur l’absence d’infrastructures scolaires, sanitaires, de sécurité dans leurs terroirs, à travers les ondes des différentes radios et chaînes de télévision de notre pays.
Ces services publics (surtout ceux de santé, d’éducation, de justice), en plus d’être insuffisants sont particulièrement inefficaces, entraînant un faible niveau de satisfaction des usagers et un mécontentement des travailleurs, qui observent des grèves incessantes.
Mais le défi le plus sérieux rencontré par les pouvoirs publics se trouve être les difficultés inouïes rencontrées par les couches jeunes de notre pays, qui constituent l’écrasante majorité de la population, dans le domaine de l’Éducation et de l’insertion professionnelle.
Cela conduit certains d’entre eux gagnés par l’oisiveté à tomber dans le vice (addiction aux drogues, agressions et autres activités criminelles), ou à adopter des solutions de facilité comme l’émigration clandestine.
La dernière période a pu édifier les Sénégalais sur l’incompétence flagrante du gouvernement dans la gestion de l’Enseignement Supérieur, que révèlent entre autres l’expulsion des étudiants des établissements supérieurs privés ou la fermeture des restaurants universitaires, suite au non-paiement des prestataires, au moment où les ressources nationales sont gaspillées dans des dépenses somptuaires (TER, Illa Touba, building administratif, CICAD...)
Si on ajoute à cette morosité économique doublée d’un malaise social, une crise politique en gestation, à cause de l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire et de la rupture unilatérale par le pouvoir, du consensus sur le processus électoral, on doit reconnaître que tous les ingrédients d’une explosion sociale sont réunis.
À moins de prôner la politique de l’autruche, il est clair que le rejet précipité du recours de l’ancien maire de Dakar à la Cour suprême et le retour annoncé du candidat du PDS risquent de constituer les facteurs déclenchants d’une surchauffe du climat sociopolitique, dont on dit qu’elle commencerait à préoccuper les puissances occidentales.
Le cas échéant, nous courons le risque d’assister à un processus insurrectionnel sans leadership dominant, en raison de l’état de division dans lequel se trouve l’opposition politique et de la mise en avant d’intérêts particuliers au détriment de plateformes programmatiques.
En outre, en cherchant désespérément le soutien de certaines forces religieuses, le pouvoir pourrait compromettre la fonction de médiation sociale, qui leur est habituellement dévolue.
Enfin, en tordant le cou aux normes juridiques internationalement admises et que les institutions spécialisées de l’UA et de l’ONU n’ont eu cesse de lui rappeler, depuis quelques années, le pouvoir de Macky Sall a mis au cœur de la contestation la nécessité de revoir des procédures judiciaires frappées du sceau de l’illégalité. Il n’est donc pas question ici et maintenant de voter pour des candidats accusés d’avoir trempé dans des scandales financiers, mais bien de défendre le droit de tout citoyen sénégalais à des procédures judiciaires irréprochables et à se présenter à tous types d’élections, tant qu’il remplit les conditions juridiques pour le faire.
Cela dit, il ne fait aucun doute que la responsabilité d’éventuels troubles pré-, per- et post-électoraux incombera entièrement au pouvoir actuel, qui a usé et abusé de tripatouillages constitutionnels et de tours de passe-passe électoraux.
Notre pays pourrait traverser une phase délicate, où il s’agira de défendre l’État de droit et d’empêcher l’installation d’un régime fort.
C’est parce que la responsabilité de la Jeunesse est particulièrement engagée sur ce plan, que le pouvoir essaie de l’amadouer et de contrecarrer le processus de prise de conscience par des financements clientélistes ou des recrutements politiciens…
Heureusement que beaucoup de jeunes commencent à prendre conscience des méfaits du système néocolonial, en vigueur dans notre pays depuis 1960 et à s’identifier à de nouvelles forces politiques émergentes et de rupture.