L'ÉCOLE SÉNÉGALAISE EN DANGER
Il nous appartient nous citoyens libres, de crier fort notre colère et notre crainte. De crier haut, notre désaccord face à la capitulation devant les extrémistes rampants venus d’ailleurs
En voyant la « Une » de Pop et du Quotidien, je ne peux m’empêcher de m’insurger contre le recul des religieuses de Jeanne d’Arc qui, par manque de soutien de la part de l’Etat (laïc), des hautes Autorités de l’Eglise, ainsi que des citoyens attachés à la sanctuarisation de l’Ecole et du dialogue islamo-chrétien, au Sénégal .... , ont dû céder au forcing des « filles voilées qui refusent d’être en contact avec des hommes au sein même de l’école». Le Sénégal a toujours su se tenir à l’écart des oppositions et conflits religieux de toute nature, intra-communautaires et extra-communautaires ...voir internationales.
À travers cette affaire, c’est tout un symbole qui tombe. Un début de quelque chose que nous ne saurions maîtriser, si cela s’avérait être un premier pas vers une lente glissade vers un extrémisme incontrôlable. On le sait, une fois installé, il peut conduire le pays au désastre. Il y va de notre cohésion nationale et de l’assurance que : quelles que soient nos appartenances religieuses nous faisons partie de la même sève qui nourrit le baobab.
Le Sénégal ne peut se permettre le luxe d’une déchirure interreligieuse. En tant que citoyen, je suis un pur produit de cette école religieuse catholique. Cette école qui a si joliment éveillé ma foi musulmane. Cette école qui aida à éduquer de millions de jeunes enfants musulmans à travers le pays, afin d’en faire de parfaits citoyens au service d’un idéal commun : la citoyenneté... et, au-delà de toute considération ! Je dis que cette école là nous devons la protéger de toutes tentatives de déstabilisation. Qu’elles soient intérieures ou extérieures.
Nous sommes dans un pays ou les 5% de chrétiens valent autant que tout le reste. Car il n’y a jamais eu de différenciation dans leur amour du vivre ensemble, ni dans la solidarité entres citoyens.
Mieux, dans notre pays, les grands responsables religieux ont toujours fait preuve d’une grande sérénité et d’un grand attachement aux principes fondateurs de notre Nation : un peuple, un but, une foi. Oui une foi ! C’est dire que nous faisons tous partie de cette grande famille d’Abraham, et qu’à ce titre nous avons toujours su faire disparaître tout sentiment de différence entre les 5% de chrétiens et les autres.
Et d’entendre ou de lire les déclarations du Khalife des « Tidjanes », porter le sabre contre cette communauté si généreuse pour le pays, je le dis comme je le pense : j’en ai honte. Mon homonyme, le grand Mame Abdoul Aziz Sy dit Dabakh doit aujourd’hui avoir mal. De là où il est, il doit se retourner et souffrir que son héritage ait si peu d’écho dans sa propre famille. Il fût un temps ou quand le pays sombrait dans la violence urbaine et dans le doute, les « Tidjianes » étaient les premiers parmi ceux qui portaient la voix de la paix et de la fraternité au plus haut. Pour moi, il est encore difficile d’admettre que nous, en tant que « Tidjanes », soyons ceux qui soufflent sur la braise. Alors oui je crie ma colère et ma honte face à ce recul.
Lorsqu’il m’arrivait de vouloir taquiner et chahuter mes amis mourides, je les renvoyais à leur communautarisme exacerbé et aux risques de déconstruction de la cohésion nationale que cela comportait. Loin de moi l’idée que cela viendrait de chez nous. Nous les disciples de Nabi. Aussi, avec tout le respect que je lui adresse, le khalife général des « Tidjanes » a perdu, cette fois, une belle occasion de s’élever. Les hommes font l’histoire mais ignorent l’histoire qu’ils font. Cette fois-ci, l’histoire retiendra que le chef de la famille « Tidjania » aura raté une belle occasion de manifester son attachement au vivre ensemble, et son respect du dialogue islamo-chrétien, dans notre Djoloff.
Je me désolidarise totalement de cette prise de position. Mieux je la combattrai. Il nous appartient nous citoyens libres, de crier fort notre colère et notre crainte. De crier haut, notre désaccord face à la capitulation devant les extrémistes rampants venus d’ailleurs. Que celles et ceux qui veulent faire porter le voile, à leurs filles, les inscrivent dans d’autres écoles plus adaptées. Mais de grâce, qu’ils nous laissent en paix dans notre volonté de sanctuariser cet espace merveilleux qu’est l’école catholique Sénégalaise. C’est une école laïque qui a toujours su respecter ce qui fait la richesse de notre pays : sa diversité. C’est une marque déposée et respectée mondialement. Dorénavant, il nous appartient à nous, musulmans et Sénégalais de toutes origines, de la défendre contre les ennemis de notre cohésion : « ce vivre ensemble ». Car oui, c’est notre plus précieux trésor.