LES DANGERS DU JOURNALISME IMPOSTEUR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il y a une réelle sensibilité due au fait que le terrain de la presse en ligne n’est pas souvent occupé par des professionnels - C’est une menace colossale à la survie de la transparence, de la vraie information
Les canaux de l’information métamorphosés
L’information en ligne constitue une nouvelle tendance grâce à l’apparition du média internet qui a occasionné la profusion de sites d’information en ligne, le tout convergeant dans l’information du public de manière particulière. Il s’agit de mettre en place un site web avec tout son langage, ses valeurs et représentations à travers lequel on va communiquer des informations d’ordres générales ou stratégiques dépendant de l’orientation de l’éditeur.
L’internet regroupe un public vaste et hétérogène présentant ainsi des techniques assez nouvelles pour toucher les cibles. Ici il n’y a plus de distributeur, ni de point de vente pour diffuser son produit mais l’usage de liens et la recherche de présence et de position sur les réseaux sociaux, et sur internet en général, afin de pouvoir être indexé par les moteurs de recherche et d’attirer des lecteurs à travers des contenus diffusés.
Un site web d’information n’est pas un journal
Au Sénégal on retrouve plusieurs sites d’information en ligne parmi lesquels « SenePlus », « Seneweb.com », « Leral.net », « Rewmi.com », « Nettali.net », « PressAfrik », « Ferloo », « L’observateur », « Walfadjri », « Le Soleil » entre autres. Ces sites peuvent être considérés comme des journaux en ligne car traitant de l’information d’opinion publique générale et présentent des rubriques concernant tous les domaines allant de la politique aux divers, en passant par la santé, l’économie, l’actualité, l’agriculture, l’élevage, la pêche, la société etc. Parmi ces sites d’information en ligne, on en retrouve ceux qui sont fortement investis dans l’information régionale, même si cela ne les empêche pas de traiter l’actualité quelque fois. Autrement dit, il y a des sites d’information en ligne qui se constituent en outil de promotion de l’information locale et régionale afin de promouvoir le territoire et d’offrir à ses originaires, éparpillés dans les différents coins du monde, la possibilité d’être informés sur ce qui se passe en temps réel : le cas de Ndarinfo pour la région de Saint-Louis, Thiès-info pour la région de Thiès etc.
Cependant, il y a un problème inquiétant au niveau des processus de mise en place de ces sites qui doit attirer notre attention. Il semblerait que la plupart des sites d’information en ligne sont animés par des gens qui ne sont pas des journalistes de métier et qui donc, ne possèdent pas les compétences requises pour traiter et diffuser une information. Ce sont des informaticiens pour la plupart du temps, des techniciens sans oublier les bloggeurs et les « journalistes citoyens » à côté.
Une légitime inquiétude
Ils sont rares les journalistes de formation qui animent des sites web d’information du fait qu’ils n’ont pas encore rattrapé la révolution technologique. Ceci s’explique par le manque de formation appropriée pour la préparation des véritables journalistes à la transition numérique qui les doterait de compétences nécessaires à l’utilisation, au maniement des nouveaux outils d’information et de communication. En effet, cet état de fait est très inquiétant dans la mesure où ce sont maintenant, des individus hors du métier, ayant une familiarité avec le nouveau média (internet), qui remplissent naturellement ce vide.
Cependant, le risque d’une recrudescence de la désinformation, de la manipulation et de la médiocrité atteint la barre rouge. Car même les journalistes qui connaissent la déontologie du journalisme et maitrisent les rouages de l’information restent vulnérables face à la manipulation et la propagande des institutions politiques et publiques. Alors, ce serait une hérésie que d’imaginer de pouvoir disposer d’une information juste et impartiale, dans le cas où ce sont des personnes qui n’ont aucune connaissance sur l’éthique et la déontologie journalistiques qui sont aux commandes des sites d’information en ligne.
Une médiocrité et une pusillanimité journalistiques sans précédent
L’expression écrite sur les blogs et certains journaux en ligne est tellement médiocre, dépourvue de punch et ne respecte aucunement les règles d’écriture ainsi que les bases du Quintilien (QUI ? QUOI ? QUAND ? OU ? POURQUOI ?). Il y a une réelle sensibilité, à mon sens, due au fait que le terrain de la presse en ligne n’est pas occupé par des professionnels en la matière. Ceci une menace colossale à la survie de la transparence, de la vraie information, de la conscience professionnelle et de l’impartialité dans le métier du journalisme.
Il faut rappeler qu’« on ne s’improvise pas journaliste en 3 minutes, le journalisme est un vrai métier, une vrai profession », pour reprendre les propos de Laurence Mazurel, ancienne chef de rédaction à Paris Match et Chroniqueuse politique à la radio Notre Dame. Cependant, un journaliste n’est pas un « faiseur » d’informations mais plutôt un « couloir de transmission » d’informations qui doit simplement se contenter de jouer le rôle d’intermédiaire entre l’information et le public.
Mais il devient de plus en plus commode de constater que, pour la plupart du temps, toute la presse se focalise sur un seul fait (phénomène) qu’elle cherche à amplifier, à amplifier et à amplifier jusqu’à en faire une actualité. Ce qui dénote d’un traitement déséquilibré et démontre une certaine logique de programmation de l’information. Il faudrait, à cet effet, lire les travaux des chercheurs américains Maxwell McCombs et Donald Shaw qui ont « décrit initialement la fonction des médias de masse qui exercent un effet important sur la formation de l'opinion publique, en imposant le calendrier de certains événements et la hiérarchie de sujets », pour comprendre la profondeur de ce mécanisme.
Un journalisme complice de la manipulation des masses à travers la manipulation des opinions
Quel manipulateur ne profite pas de la réalité très bien décrite par le spécialiste des médias Harold Laswell quand il dit qu’« à défaut d’avoir recours à la force pour contrôler les populations, on peut parfaitement la contrôler par l’opinion » ? La presse étant, ainsi, le meilleur outil d’accès aux publics et à leurs consciences ; et dont tout gouvernement, homme politique ou lobby aimerait avoir une mainmise sur elle. En effet, des journalistes recevraient des mails depuis la présidence de la République ou d’autres institutions publiques et privées, qui leur indiqueraient, voire leur imposeraient de publier des contenus sans modification ni vérification. Aujourd’hui, des journalistes d’investigation de haut niveau et des patrons de presse ont trouvé refuge dans la générosité gouvernementale pour en taire les dérives évidentes.
Ne fut-il pas ce genre de constat déplorable et moralement condamnable qui poussa le Docteur en Sociologie Monsieur Mor Faye de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis à mener une enquête dans trois pays d’Afrique à savoir le Bénin, le Sénégal et le Togo afin de décliner et expliquer les mécanismes de corruption du secteur ? Il désigna ainsi sous le vocable d’« activisme médiatique » le fait que bon nombre de journalistes se sont fait de véritables instruments de pression et de lobbying au profit d’intérêts occultes par la couverture d’actes de détournement de deniers publics, de défense d’hommes politiques douteux etc.
En fin de compte, le devoir du journaliste, son éthique et sa conscience professionnelle en deviennent tout bonnement bafoués. Mais de toute évidence, les dégâts auraient été moindres si c’étaient des journalistes de profession imbus des valeurs déontologiques, soucieux de la transparence, de la liberté de la presse et fervents défenseurs du droit des publics à disposer de bonnes et justes informations.
Mais avec des imposteurs aux commandes, l’information qui devait servir d’oxygène à la démocratie devient le gaz carbonique qui étouffe les peuples et ralentit le moteur du véritable développement social et économique du pays.