LES ENNUIS DU PRÉSIDENT SALL
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est une séquence judiciaire difficile qui attend Macky - Dans un contexte marqué par un climat politique chargé, l’érosion de l’image présidentielle est perceptible à vue d’oeil
Alors qu’il est ces derniers jours plongé dans l’ivresse de la Coupe du monde, le Président Macky Sall, sentira comme une douche froide la démission de son ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Même si officiellement le tonitruant dirigeant apériste, a quitté ses fonctions pour « convenance personnelle », on ne peut s’empêcher de faire le lien entre son départ précipité et les récentes révélations de la presse sur la rocambolesque affaire du Prodac.
Le rapport de l’IGE dont de larges extraits sont pas parus dans des organes de presse, mettrait directement en cause Mame Mbaye Niang, alors ministère de la jeunesse, entre autres, dans l’attribution de marché pour la réalisation de quatre domaines agricoles, pour l’emploi de 300 000 jeunes ruraux. Le détail des informations laissent penser à une opération ténébreuse dans laquelle se mêlent de la concussion, et aussi des violations indescriptibles du code des marchés publics. Le montant du marché est estimé 29 milliards de nos francs et met en interaction la société israélienne Green 2000 et des entreprises locales, de garantie financière. La ligne de défense du ministre était devenue intenable. Elle se limitait simplement à qualifier de «provisoire» le rapport de l’IGE, qui serait d’une redoutable rigueur. Cette posture inconfortable, isolait de plus en plus le ministre, le poids des charges étant tellement lourd qu’il avait fini par perdre son crédit auprès du Président Sall.
Selon nos informations, depuis qu’il a reçu ce rapport de l’IGE, le Président Sall serait entré dans une colère noire et déclinerait les incessantes demandes d’audience de son ministre-commando, par ailleurs, homme de confiance de la Première Dame. La thèse d’une démission librement consentie volerait donc en éclat. Les révélations de la presse, dont un quotidien proche du pouvoir, auraient donné un coup d’accélérateur à l’éjection de Mame Mbaye Niang. Il aurait ainsi l’occasion de mettre à exécution ses menaces d’attraire devant la justice les journalistes à ses yeux indélicats.
Cependant, l’effet de boomerang, telle une onde de choc pourrait aller bien au-delà de l’ancien ministre de la jeunesse et de son entourage. Certaines structures du ministère de l’économie et des finances, un organe de presse audiovisuel, ainsi que des gérants de sociétés auraient également à s’expliquer devant la justice sur leurs agissements présumés délictueux dans un dossier assurément carabiné.
C’est une séquence judiciaire difficile qui attend le Président Macky Sall. Il paierait sans doute paierait tout l’or du monde pour s’en passer. Il semble désormais pris dans un dilemme cornélien : donner un signal fort en laissant se poursuivre d’éventuelles informations judiciaires réclamées par l’IGE, avec le risque de provoquer un éboulement dans ses rangs, ou « mettre sous le coude » sur ce dossier brûlant, au risque de confirmer les accusations de justice à deux vitesses, ciblant les adversaires, épargnant les proches. Les dossiers judiciaires de Khalifa Sall et Karim Wade sont encore trop présents dans les esprits, pour que le Président prenne le risque de chercher à protéger des partisans véreux. La reddition des comptes est proclamé urbi et orbi pour justifier le procès de ses deux coriaces adversaires à la présidentielle.
Dans un contexte marqué par un climat politique chargé, l’érosion de l’image présidentielle est perceptible à vue d’oeil. Attendu sur la bonne gouvernance et l’éthique dans la gestion des affaires publiques, le Président Sall n’avait pas déterré la CREI et créé l’OFNAC, pour traquer des adversaires et mettre son aile protectrice des partisans mauvais gestionnaires. Le parapluie ouvert aux transhumants, vrais prédateurs de deniers publics sous l’ancien régime, la mansuétude accordée aux directeurs de société nationale et aux ministres flambeurs avaient fini par créer un réel nuage sur le bilan immatériel du Président Sall fait essentiellement de délitement éthique, notable sur la violation des droits de manifestations politiques et l’impunité accordée à ses partisans épinglés par les organes de contrôle.
La démission et probablement l’implication du désormais ancien ministre de la jeunesse arrivent au mauvais moment pour le Président Sall. Le dialogue politique prévu mardi sur l’utilisation des ressources issues des industries extractives, boycotté par une partie de l’opposition, risque de prendre du plomb dans l’aile.
On voit mal comment le Président Sall pourrait convaincre de sa sincérité, si dans le même temps, ses partisans se signalent dans d’obscures occurrences. Le cas de Mame Mbaye Niang est typique d’un féroce adversaire de l’opposition, notamment Khalifa Sall et Karim Wade, qu’il n’a cessé d’accabler par des grivoiseries d’une rare violence au nom de la reddition des comptes.
Le ressentiment du Président Macky Sall risquerait d’être plus dur pour lui, si les recommandations de l’IGE étaient respectées à la lettre. A peine a-t-il fini de déminer le climat social marqué des graves invalidantes, voilà le Président Sall pris dans les limbes d’un scandale rampant. La sortie de Mamadou Lamine Loum, malgré les assurances mitigées d’Amadou Bâ (MEFP) n’a pas fini de jeter du trouble sur l’état de nos comptes, voilà la majorité rattrapée par une affaire lourde de conséquences.
Depuis ces dernières semaines, le Président Sall multiplie des gestes de bonne volonté pour calmer une situation chaude, comme une patate incandescente. L’édulcoration probable de la loi sur le parrainage dans le code électoral entre ce même état d’esprit. Mais cette bonne disposition risque d’être chahutée par une opposition qui se frotte les mains devant les ennuis du Président Sall. Mais surtout par ses propres partisans, insouciants du danger qui menace leur Président, dans une élection jamais aussi incertaine.