LES FILS DE LA DOMINATION
Les agences de notation chargées d’évaluer le risque de non-remboursement de la dette souveraine d’un pays sont un autre corset pour l’Afrique (mais pas seulement elle) dans la mesure où de leur appréciation dépendra le taux appliqué à un Etat emprunteur
Près de 60 ans après les indépendances, l’Afrique court toujours derrière un développement qui tarde à s’installer au moment où les autres parties qui étaient sur la ligne de départ avec elle l’ont réalisé ou fait des progrès importants. Pourquoi un continent qui a toutes les ressources naturelles nécessaires pour aller de l’avant est-il toujours à la traîne ? Des voix plus autorisées ont apporté des réponses à cette interrogation permanente. Au-delà des aspects économiques et politiques de ce retard, nous allons nous pencher sur d’autres qui, considérés ensemble, forment une sorte de toile d’araignée autour de l’Afrique. En premier lieu, il y a la dette du continent qui est de 350 milliards de dollars, la plus élevée de toutes les régions en développement. Toutefois, elle cache des réalités différentes selon les pays, certains étant lourdement endettés (Erythrée, Mozambique… avec un ratio de 100% du Pib) et d’autres de façon supportable (Mali, Botswana… pour 40% du Pib). On parle beaucoup ces temps-ci du ré-endettement des pays africains, une situation intervenue après les mesures de désendettement de 2005 et qui s’explique par une plus grande facilité des pays africains à emprunter sur le marché international, en dehors des bailleurs traditionnels. Mais le paiement du service de la dette entraîne des politiques d’austérité et bloque les investissements nécessaires pour le développement des pays.
L’absence d’un véritable contrôle sur la monnaie en cours dans un pays ou groupe de pays et par l’institution d’émission pour mener une politique économique efficace, constitue également un facteur de blocage du développement car, comme l’a dit un homme politique européen, le contrôle politique d’un pays n’est pas nécessaire, celui de sa monnaie suffit. En 1994, la dévaluation de 50% du FCfa n’a pas été décidée par les pays africains de la Zone franc, mais par la France. Malgré le débat sur le FCfa, pourquoi beaucoup d’hommes politiques dans les pays de la Zone franc ne veulent pas livrer leur opinion ?
Les agences de notation financière (Standard & Poor’s, Moody’s, Fitch…) chargées d’évaluer le risque de non-remboursement de la dette souveraine d’un pays sont un autre corset pour l’Afrique (mais pas seulement elle) dans la mesure où de leur appréciation dépendra le taux appliqué à un Etat emprunteur ou la décision des investisseurs de se lancer dans un pays. Et parfois, il leur est reproché de ne pas donner la note qui correspond réellement à la santé économique d’un pays.
Il en est de même des bourses des matières premières qui fixent à quels prix l’acheteur se verra céder le produit du cru par le vendeur. Ce qui concerne l’essentiel du commerce extérieur de l’Afrique.
Le terrorisme islamiste est aujourd’hui un autre prétexte pour rétablir une présence militaire de pays occidentaux ou autres sur le continent africain. Le besoin sécuritaire ainsi créé leur permet, sous couvert de la lutte anti-terroriste, de poursuivre des buts géopolitiques ou des intérêts économiques. C’est dans cette même veine que l’on peut ranger les bases militaires en Afrique car bien souvent, elles ne visent pas à assurer la sécurité du pays qui les accueille, mais à asseoir la domination sur celui-ci. Dans un monde troublé et changeant, un pays doit tendre ses efforts à assurer sa propre sécurité comme le montre l’exemple de la Corée du nord.
Déficit de critique théorique
La franc-maçonnerie est une autre astuce pour attirer les élites africaines dans les rets d’une autre loyauté que celle due à leur Etat. Ainsi, entre frères, on essaiera toujours de faire prévaloir les intérêts de la fraternité. Ce qui, à un certain niveau de responsabilité, peut causer de grands dommages dans nos pays.
Les services secrets de certains grands pays, par leurs capacités et leurs moyens financiers (pour corrompre les élites), ont souvent mené des opérations de déstabilisation en Afrique en organisant rébellions, assassinats et coups d’Etat. Par la présence d’agents d’influence surtout à cette époque de réseaux sociaux, ils peuvent répandre des rumeurs, des infox pour créer des tensions politiques, sociales… qui peuvent menacer l’équilibre encore fragile de nos Etats.
Une certaine manière d’interpréter et de vouloir également imposer les droits de l’Homme n’est rien d’autre que des tentatives de contrôle de nos pays par des puissances qui, sur ce plan, ont beaucoup de choses à se reprocher.
D’autres techniques pour « fidéliser » certains intellectuels africains, c’est le visa d’entrée. Beaucoup d’entre eux redoutant de se voir refuser ce sésame au cours de rencontres auxquelles ils sont invités en Europe ou en Amérique du Nord, hésitent sur certaines questions à se prononcer franchement dans un sens contraire à la position des pays occidentaux, au point de renoncer à nos principes moraux. Sur ce point, on peut citer le problème de l’homosexualité, entre autres.
L’éducation, elle aussi, comme le dit André Vtlchek, journaliste et analyste politique américain, peut être une arme à double tranchant : «l’éducation ne signifie pas toujours «savoir» positif – elle peut être quelque chose qui force brutalement une personne à accepter des concepts orthodoxes et banals qui ruinent toute créativité et font accepter aux gens un mode de pensée qui est injecté dans leur pays depuis l’étranger (l’Occident). Des quantités excessives de «culture» nihiliste et pop conçues pour conditionner négativement le cerveau, sont là pour affaiblir le pays dans son ensemble».
Nos pays sont par ailleurs très perméables à tous les concepts qui nous viennent de l’étranger, sans les analyser en profondeur. C’est pourquoi le Pr Théophile Obenga dénonce ce qu’il appelle «le déficit de critique théorique des Africains, un seuil intellectuel critique consistant à inventer ses propres paradigmes, sa propre vision du monde» et éviter de se faire payer de mots.
L’information par sa capacité à formater les opinions publiques et donc à définir les attitudes, constitue une arme essentielle pour contrôler les peuples. Elle est très souvent orientée à dessein pour atteindre des résultats et c’est la raison pour laquelle elle fait l’objet d’une bataille au niveau mondial.
Et pour terminer ce tour d’horizon des techniques de domination qui n’est pas exhaustif, on peut dire sans risquer une fatwa, que certains pays, surtout arabes, utilisent la religion pour exercer une influence politique, sociale et économique sur les Etats subsahariens.