LES PIÈGES DE LA MACRONNERIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Assurément, Emmanuel Macron est un président atypique - Sa mauvaise foi est manifeste - Il frise la pitrerie avec ce désastreux risque de déclasser la fonction présidentielle
Assurément, Emmanuel Macron est un président atypique. Son ADN transgressif se transforme presque en règle de conduite et en busines modèle comportemental, qu’on pourrait allègrement appeler macronisme. Le jeune chef d’état français excelle dans l’art de renverser les codes classiques de la gouvernance politique en général et surtout du protocole.
Le discours est tranché, sans détour et souvent explosif. Cette forte propension à la vérité assénée, devient quasi obsessionnelle comme une réjouissance solitaire chez Macron. L’ardeur qu’il met à tracer vaille que vaille son propre « territoire de communication », à tisser sa toile d’originalité imprègnent tous ses faits et gestes au risque de dérouter ses hôtes et ses proches. Sacré Macron !
On perçoit nettement les effets de cette volonté de sortir des sentiers battus dans les éléments de langage qui alimentent ses apparitions médiatiques. A ses yeux, les Français sont des fainéants, paresseux, envieux et jaloux. Il pointe leur détestation de la réussite et leur peu de porosité au libéralisme, entichés que seraient ses compatriotes dans leurs indécrotables réflexes conservateurs.
Puisque la construction de l’Europe, ne va pas vite, de son point de vue, pourquoi, ne pas créer alors une communauté à deux vitesses, dit-il tout haut, sans fard. Ses relations avec la presse française sont émaillées d’incongruités et de souvent de méprisants ressentiments.
Ses bourdes en Algérie, (suivies de rétropédalage,) sur les méfaits de la colonisation française a fait sortir de leurs gongs les pieds noirs et les harkis ainsi que des segments entiers de la classe politique. Un vrai psychodrame collectif ! La stigmatisation de certaines catégories de salariés reconnaissables avec leurs «costumes d’ouvriers», a aussi choqué que les « sans-dents » de Hollande
Un tantinet autoritariste, il impose son style d’interview, choisit son timing, sélectionne les questions auxquelles il daigne répondre. Son séjour au Burkina restera gravé dans les mémoires. Humour « noir » sur le président Kaboré, traité presque comme un vulgaire plombier polonais, commis aux tâches de réparateur de climatiseur, des étudiants frustrés par un style paternaliste et donneur de leçon.
Décidément, le registre de cette « macronnite » n’en finit de s’étoffer. Et d’agacer même parmi ses plus fervents admirateurs !
Sa très controversée visite au Sénégal a eu sa part de dérapage. La séquence de l’école de Hann est le prototype des macroneries qui virent subrepticement à la pathologie. Alors que ses services l’avaient bel et bien renseigné sur le protocole de toues les facettes de la visite de l’école et du projet en cours, il a fait beaucoup de misères aux organisateurs en changeant constamment l’ordonnancement de ses sorties.
A Hann, il savait bien, même avant les explications de l’enseignant chargé de lui présenter le programme scolaire en cours de déroulement, que cette classe contenait en situation normale 46 élèves. Et que pour des raisons de mobilité et probablement de sécurité, l’effectif de la classe allait être réduit. Pourquoi alors cette pernicieuse question, « depuis combien, de temps êtes-vous 28 ? ». La jeune élève n’eut qu’à dire la vérité, ayant constaté que depuis trois jours, 14 tables-bancs, à raison de deux élèves par siège, avaient été à dessein installés.
La question en elle-même comportait tous les ingrédients vicieux d’une volonté de confondre l’apprenante ou faire mentir le personnel de l’école. Quelques minutes avant, l’enseignant avait pourtant précisé les conditions de cette réduction volontaire d’effectifs, entièrement mue par des raisons de commodités et de sécurité. Malgré cette précaution, la circulation dans la salle était difficile, reconnaît en privé, un des organisateurs. Certains membres de premier plan de l’organisation n’ayant même pas pu accéder à la salle.
La mauvaise foi du Président Macron est manifeste, comme l’est partout, son obsession a être à suffisance, différent, atypique, hors norme, disons-le hors-sol. Manifestement, il cherche à se forger un cortex d’innovateur dans un monde englué dans ses classicismes comportementaux. Ce fond de commerce moralisateur passe mal et génère gêne et malaise.
Des indiscrétions informent que même durant la préparation de visites à l’Elysée, Macron a pu passé à la loupe des détails logistiques, imposant son style et ses choix au grand dam de ses services de protocole. La plupart des composants de sa nouvelle équipe seraient des novices, plus enclins à contempler les caprices du chef, à subir les gâteries du patron qu’à le remettre sur la primauté de normatifs.
A force de vouloir changer les codes, Macron ne fait que multiplier les sorties de route. A force de vouloir passer pour un président singulier, il frise la pitrerie avec ce désastreux risque de déclasser la fonction présidentielle. Grisé par son succès électoral et aiguillonné par la surprenante réussite de sa stratégie déconstructive de l’écosystème politique français de la 5ème république, il pourrait en perdre la tête en se prenant pour la grenouille qui voulait être plus grosse que le bœuf.
Etre jeune c’est certes un atout, cependant le jeunisme et l’obsession de l’anormalité peut le plonger dans les pièges de la certitude absolue. Que Macron sache que l’Afrique, et le Sénégal en l’occurrence, n’est pas cette République du Gondwana déclinée tous les jours avec une morbide délectation dans une radio internationale.
mndiaye@seneplus.com