LES VÉRITÉS INDÉNIABLES DE BARTH
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est un secret de Polichinelle de dire qu'à maintes occurrences, les marabouts ont pesé sur des décisions de justice - Il faut cesser de donner aux propos de Dias une tonalité identitaire
Lors de l’émission le Jury du dimanche du 23 février dernier, Barthélémy Dias a déclaré avec amertume que « Guy Marius Sagna (GMS) est en prison parce qu’il est catholique et que s’il était Mbacké, s’il appartenait à la Famille Sy ou Laye, il serait libéré depuis longtemps ». Une telle déclaration a eu l’heur de soulever les indignations les plus sélectives et les vitupérations les plus hypocrites des sentinelles de notre royaume moral. A entendre les jérémiades des pontifes moralisateurs suscitées par les propos soi-disant clivants de Barth, certains dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une dérive discursive identitaire de la part du maire de Mermoz-Sacré Cœur au point de réclamer des excuses publiques. Une telle posture témoigne d’une malhonnêteté intellectuelle et d’une démagogie effarante de pseudo-intellectuels moralisateurs qui veulent alchimiser le discours barthien.
Il paraîtra, sans doute étrange, à certains indignés, à la suite du vif débat soulevé par Barthélémy Dias sur le cas Guy Marius Sagna, que nous épousions la même position sur les raisons de la détention illégale, prolongée du leader de Frapp France Dégage. Si GMS reste encore en prison, c’est parce que le clergé est resté aphone et atone dans ce qui parait comme l’une des pires injustices de l’année 2019 et qui se perpétue en 2020. Ainsi, ces propos du maire de Mermoz ne sont pas à lire au premier degré, c’est-à-dire le prendre au pied de la lettre. Il ne sert à rien de verser dans des polémiques terminologiques pour détourner le véritable sens des propos de Barth mais de voir ce que le métalangage nous offre comme sens.
On est tous conscients du poids sociologique et symbolique des hommes religieux dans notre pays. Si Barth a déclaré, le cœur meurtri, que son coreligionnaire croupit, depuis le 29 novembre 2019, en prison dans des conditions draconiennes, ce n’est point pour dire que les catholiques sont discriminés au Sénégal et qu’ils ne sont pas traités au même pied que les adeptes des autres religions, mais c’est surtout pour dénoncer l’inertie, le mutisme et le manque d’assistance du clergé catholique à l’endroit du pauvre GMS. Par conséquent, l’édile de Mermoz-Sacré Cœur critique plus l’inaction de l’Eglise catholique à l’endroit de GMS que la justice du Prince Macky Sall qui maintient en taule le héros de Nio Lank Nio Bagn.
Si la justice au Sénégal transcendait toujours les appartenances partisanes pour prendre ses décisions en toute indépendance, jamais Barth n’aurait émis ces vérités irréfragables que certains pseudo-gardiens de la stabilité et de la cohésion socio-religieuse veulent détourner à des fins immorales. Mais quand dans un pays, la plupart des décisions de justice sont dictées par des logiques confrériques, on arrive à avoir le sentiment que le pouvoir maraboutique a une véritable prégnance et un réel pouvoir d’influence sur l’autorité judiciaire. Dans l’histoire politique du Sénégal, des chefs religieux équidistants ont eu à dénoncer des injustices exercées des personnalités dont le seul tort est d’être en conflit avec le chef de l’exécutif. Feu le journaliste écrivain Chérif Elvalide Sèye rappelle, dans son ouvrage « Mgr Hyacinthe Thiandoum : à force de foi », le rôle primordial qu’avait joué le cardinal Thiandoum dans la crise de 1962 entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Une position qui lui vaudra le courroux de Thierno Seydou Nourou Tall, ardent partisan de Senghor, qui n’avait pas hésité à vouloir s’en référer au souverain pontife d’alors, Jean XXIII alias Il Papa Buono. Nonobstant ces menaces du khalife omarien de l’époque, le chef de l’Eglise catholique sénégalaise n’avait jamais démordu de sa position et de sa conviction sur l’innocence de Mamadou Dia. Aujourd’hui, dans le même registre, Barth interpelle Monseigneur Benjamin Ndiaye à user de toute sa diplomatie et de toute son aura pour faire fléchir le pouvoir dans l’affaire GMS. C’est un secret de Polichinelle de dire, en maintes occurrences, que les marabouts ont pesé sur des décisions de justice.
Quand, en 2016, Karim Wade bénéficiait d’une grâce qui le libérait de la prison, feu le khalife général des mourides Serigne Sidy Mokhtar y avait un rôle prépondérant. D’ailleurs, le jour de sa sortie, son fils était présent à la résidence de Madické Niang, Karim s’était rendu pour le voir avant de quitter Dakar pour Doha. Tout le monde reconnait que Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine a beaucoup usé de son entregent pour faire libérer le talibé Cheikh Khalifa Sall. Et il a fallu que l’actuel guide spirituel des mourides, Serigne Mountakha, dans l’ambiance réconciliatrice de Massalikoul Jinane, intercédât auprès du président du Conseil supérieur de la magistrature pour faire élargir l’ex-maire de Dakar et son talibé Mbaye Touré, ex-directeur administratif et financier de la Ville de Dakar. Il faut rappeler que Serigne Mountakha Mbacké, alors deuxième personnalité mouride après le Khalife Serigne Sidy Mokhtar, était parti rendre visite à son talibé Mbaye Touré dans la nuit du 4 au 5 août 2017. Et cette visite très symbolique était une forme de pression exercée sur l’autorité exécutive ou judiciaire.
Si le tristement célèbre marabout de Louga Cheikhouna Guèye dit Serigne Khadim qui avait ignominieusement enchainé de tout petits talibés a bénéficié d’un sursis de deux ans, c’est grâce à l’intervention comminatoire du khalife des mourides qui déclarait aux maitres coraniques venus chercher secours à quelques jours du délibéré ceci : «J’attends juste la décision de la justice par rapport à ce cas précis et je saurai quoi faire. Soyez rassurés, ils vont faire ce que nous voulons ou on change de position parce que trop c’est trop. Pour le cas du maître coranique, si la décision de la justice est clémente temps mieux au cas contraire, nous allons prendre nos responsabilités.» Suffisant pour que le juge ne s’aventurât pas à suivre le réquisitoire du procureur qui demandait deux ans ferme. A cette décision judiciaire influencée par la déclaration du saint homme, il faut ajouter la prégnance du saccage du tribunal de Grande instance de Louga par les partisans furibards du maitre coranique tortionnaire.
Si Macky Sall a échappé à la prison après sa défenestration de l’Assemblée nationale en 2008, c’est grâce au défunt khalife Serigne Bara Mbacké qui a pesé de toute sa puissance pour faire reculer l’alors président de la République, Abdoulaye Wade. Et on connait le degré d’implication de Mourtala et de Galass Kaltom, fils de Serigne Bara dans cette intercession qui allait sauver, de la prison, celui qui dirige aujourd’hui le pays.
Alors, il est temps de cesser cette tartufferie qui consiste à vouloir donner aux propos de Dias une tonalité identitaire ou à verser dans une sémantique de discours stérile. Cette déclaration bien réfléchie du maire de Mermoz et à laquelle nous souscrivons entièrement ne doit pas être utilisée comme une machine de guerre pour oblitérer le vrai débat sur la libération du leader de Frapp France dégage.