LETTRE À HAMIDOU
Il n’y a pas lieu d’être tellement hargneux à l’égard de Sonko au point que les gens finissent par faire de toi maître El Hadji Diouf sans les grimaces, insultes et conférences de presse
Hamidou,
Il n’y a pas lieu d’être tellement hargneux à l’égard de Sonko au point que les gens finissent par faire de toi Maître El Hadji Diouf sans les grimaces, insultes et conférences de presse. Tes articles frisent une certaine obsession de dénonciation de Sonko.
Tu subis des critiques qui peuvent équivaloir à des menaces. Mais quel est ton poids intellectuel d’influence ? Si tu en as, tu ferais alors un contrepoids politique à lui. Cites-nous les passages où tu attaques Macky Sall sur le fait d’encercler la maison de Sonko, de refuser le droit de manifestation, de brader les points de notre économie aux multinationales. .
Tu es, toi aussi, dans le jeu de dénonciation de Sonko pour avoir des prébendes ou quoi ? Je ne le crois pas. Tu en es sachant tout ce que des dirigeants de Gauche ont engrangé comme fonds de commerce pour ouvrir de sombres et tristes boutiques afin de capturer des prébendes de Macky.
Tu as peur peut-être d’une répétition de l’histoire en farce. La question est pertinente alors, parce que la vraie réflexion devrait porter sur la reconnaissance du boom d’entrée en politique des jeunes, de ce qui se configure comme enjeux, argile à pétrir dans le bon sens du peuple.
Tu t’es demandé pourquoi ces milliers de jeunes sont des sujets de la politique par le biais d’une filiation presque messianique à Sonko. Qu’est-ce que le régime a fait pour que ces jeunes se fidélisent à l’appel et l’image de Sonko ?
Macky Sall et sa politique y sont pour beaucoup. As-tu fait une analyse socioéconomico-anthropologique de ces jeunes fatigués des défaillances des élites politiques, particulièrement d’une certaine Gauche historique ayant vendu son âme au libéralisme ?
Et puis, tu ne dois pas te prendre au piège de croire que des jeunes ne savent même pas lire pour t’attaquer. Descends de ton piédestal et écoute-les. Ils parlent de leur vécu économique sans avoir lu si tu veux. Moi, je crois que l’école de la vie les a formés à être des militants d’un changement réel. Et ils argumentent, construisent des discours sur leur vie sans avenir, sur la politique rendue à fabriquer des opinions de mensonges et d’insultes, de complots. Ils veulent un autre système. .
Posons alors le débat sur la catégorie de système. Je crois que le contrat de confiance qu’ils instruisent, avec Sonko ou n’importe qui, est lourd. Ils pensent et savent, contrairement à ce que je crois que tu penses d’eux. Et ils signifient à Sonko qu’ils ne lui pardonneront rien en cas de défaillance. Ce n’est pas dans l’aveuglement conditionnel qu’ils se situent.
Leur enthousiasme est lu comme une simple connerie de jeunes pour des gens du pouvoir et certains autres conquis par leur confort individuel. C’est une insulte à leur endroit, un refus de voir dans cet enthousiasme, le levain de construction, demain, de ce pays, de l’Afrique et du monde des exploités. Il y a là évènement au sens de qui arrive de nouveau dans ce qui arrive. Ces jeunes veulent un changement réel. Sonko est l’espoir que Macky Sall leur a donné par sa radiation, la fouille nulle de son enrichissement, les complots, etc. Moi j’aurais aimé que ce soit un autre plus instruit de ce que le capitalisme est comme mode au point de faire de tous les gouvernements des fondés de pouvoir du capital. J’aurais aimé quelqu’un d’instruit des échecs de construction du socialisme pour s’en inspirer et innover une autre façon de vivre en commun de façon égalitaire.
Mais la réalité est autre et appelle que j’en prenne compte pour garder le cap car il y a Sonko et les jeunes. Mais cela n’empêche de faire quelque chose. Les jeunes des réseaux sociaux sont peut-être même aussi politiques que Sonko et toi et moi. Leurs analyses sont dotées de fondements réels. Le vrai débat, ce n’est pas d’aligner des références politiques intellectualistes, mais d’ouvrir des débats avec les jeunes (à l’intérieur de Pastef ou en dehors, contre Pastef ou sympathisants) sur les types de pouvoirs populaires, en dehors de l’Assemblée nationale, à constituer par les jeunes pour contrôler, vérifier les actions gouvernementales, choisir et démettre quand c’est nécessaire.
Le débat est : comment orienter avec les jeunes, la dynamique de vouloir plus d’égalité, de Justice pour que leur victoire ne soit pas volée comme elle l’a été avec Wade et Macky ? Sonko et qui que ce soit d’autre ne doivent pas voler cet élan d’en-commun en train de se construire. Tes taxations de fascisme, de populisme, d’intégrisme ont la même saveur de contre-productivisme (sans se faire de la même façon) que celle des influenceurs des réseaux qui insultent le père et la mère de Sonko. La bataille des idées a cédé la place à la caractérisation.
Et puis moi qui ne suis pas de Pastef, j’ose croire que Sonko ne peut être seul dans Pastef. Ils partagent avec des jeunes, des vieux, des femmes, intellectuels sincères de par leur engagement, leur parcours. Il est l’incarnation de l’UN d’un MULTIPLE. Comme toi, tu échanges, je suppose, avec ceux que tu nommes une opposition, la vraie contre Macky.
Cette incarnation du peuple par UN Sonko ou Thierno Alassane Sall ou Guy Marius ou Barthélemy, ne doit pas être vaine ou détournée par le pouvoir qui corrompt la raison. C’est pourquoi il faut questionner avec les jeunes dès maintenant, la nature de ce pouvoir et ce qu’il faut lui substituer. Et ce débat-là n’est pas public ou n’existe pas. La réalité est que des milliers de jeunes sont entrés à nouveau en politique. Un cycle est là, ouvert.
L’enjeu est d’organiser des débats sur les organes populaires nouveaux, à discuter comme autant de moyens pour ne plus élire Sonko ou un autre et en faire un monarque, un gourou, un saltimbanque, un prédateur financier. Nous sommes tous des intellectuels de la politique dès lors que nous déclarons sur le réel du pays.
Intellectuels bardés de diplômes français, arabes et autres, l’ère des intellectuels dirigeants charismatiques menant seuls la barque est révolue. Macky ne peut le comprendre.
Que Sonko le sache. Il faut des dirigeants vivant dans le peuple et de ce avec quoi le peuple vit, menant avec le peuple les luttes de transformations sociales et politiques dans l’intérêt de tous.
Que Sonko et autres l’entendent. Macky ne l’a jamais entendu. Il faut poser aussi le débat avec les jeunes, du recyclage politique des vieilles figures qui n’ont pas été bénies par le prince et se sont enthousiasmées dans la coalition Yewwi à l’idée d’une nouvelle cure de jouvence politique.
Nous devons discuter dès maintenant de la taille des gouvernements, du contrôle populaire des budgets ministériels, de la définition d’une autre assemblée et de son mode d’élection, dans le but de rompre avec la figure de fonctionnaire de la politique. Je crois que ces débats et tant d’autres s’instituent en pensées des enjeux de faire la politique de l’en-commun, de restituer le pouvoir aux masses.
Mame Atta GUEYE
kheuchks@yahoo.fr