L'HONNEUR D'UN HOMME ET LA GLOIRE D'UN PAYS
Envoyer Ousmane Sonko en prison aujourd'hui, quel qu'en soit le schéma, reviendrait à brûler la gloire et le prestige du Sénégal sur les «buchers de nos vanités» personnelles
Evidemment Mamour Diallo a subi un préjudice. Naturellement Mamour Diallo peut porter plainte contre Sonko. Naturellement la majorité à l’Assemblée nationale piaffe d’impatience de lever l’immunité parlementaire du Savonarole sénégalais pour l’envoyer vers l’échafaud. Aujourd’hui envoyer Ousmane Sonko en prison, quel que soit le schéma, reviendrait à brûler la gloire et le prestige du Sénégal sur les «buchers de nos vanités» personnelles. Le problème de l’affaire des 94 milliards se résume aujourd’hui à une équation fort simple : le choix entre l’honneur d’un homme et la gloire du Sénégal. Et le choix doit être vite fait. Si Sonko va en prison, notre pays va avoir la sinistre réputation de la seule grande démocratie qui judiciarise ses conflits politiques pour envoyer les opposants en prison (Mamadou Dia, Abdoulaye Wade, Idrissa Seck, Karim Wade et Khalifa Sall).
Dans l’affaire des 94 milliards, le droit va être sacrifié à l’autel de la politique (sauvegarder la réputation de notre pays). C’est cette donnée, plus que son immunité, qui va faire de Ousmane Sonko une zone de non-droit d’ici 2024. Si Sonko va en prison, l’opinion internationale qui n’est pas au fait de nos «sénégalaiseries» va en déduire fatalement que le Sénégal a décidé de criminaliser la transparence, car quoi de plus naturel pour un député que d’exiger que la lumière soit faite sur la gestion de l’argent public. Ce problème, au-delà de la politique, est moral à cause du conflit d’intérêts flagrant entre le consultant Sonko et le député Sonko, mais quoi qu’il advienne, ce que la majorité prépare pour Sonko, si elle le réussit, va rider l’âme de notre démocratie. En droit administratif, on ne peut pas poursuivre un fonctionnaire aussi longtemps qu’on ne démontre pas que l’acte qu’il a posé est détachable de sa fonction.
En démocratie, on doit donc aussi s’interdire de poursuivre un député dans l’exercice de ses fonctions et contrôler le gouvernement, et demander des comptes est ontologique à la fonction de député. D’ici la Présidentielle de 2024, Sonko va être une zone de non-droit, car même en cas de flagrant délit, l’opinion en conclurait à la liquidation politique d’un adversaire. Le pouvoir devrait prendre en compte cette donnée et ramener la guerre devant le plus grand et le plus redoutable Tribunal dans une démocratie : l’opinion qui, sauf si Sonko apporte la preuve de son accusation (le virement et la banque), s’est fait une religion sur la question.
C’est pourquoi entre l’honneur de Mamour Diallo et la gloire et la réputation de notre cher pays, Macky Sall doit faire rapidement le choix : arrêter les procureurs de Savonarole car, comme dit Charles Maurice de Talleyrand, «tout ce qui est excessif est insignifiant». Autant les accusations de Sonko contre Mamour Diallo ont été excessives, autant la réaction du pouvoir est en train de l’être. Ne brûlons pas la réputation, le prestige et la gloire de notre pays, «au bucher de nos vanités» !