L'OPPOSITION EN QUESTIONS
EXCLUSIF SENEPLUS - Cinq défaites électorales successives, une faible représentation parlementaire, querelles byzantines - Pénible traversée du désert que celle que vit l’opposition sénégalaise !
Pénible traversée du désert que celle que vit l’opposition sénégalaise ! À moins d’un an de la cruciale élection présidentielle, les adversaires de Benno Bokk Yaakaar semblent désemparés et débordés par la succession de déconvenues politiques. Cinq défaites électorales successives, une faible représentation parlementaire, querelles byzantines à répétition, incapacité à créer une forte unité organique pour donner le change au pouvoir, elle se contente de multiplier les cadres d’actions sans lendemain et sans effet direct sur la marche des évènements politiques.
À ce désert organisationnel s’ajoute une grande sécheresse d’idées. L’absence au moins d’une plateforme de gouvernement pour servir d’alternative au Plan Sénégal Emergent du pouvoir, ne donne pas aux opposants la crédibilité nécessaire et un contrepoids au projet gouvernemental. Et de la sorte, aguicher les électeurs de plus en plus critiques à l’égard du régime. Le Grand Parti de Malick Gabou fait exception, lui qui a tout de même, esquissé un projet de société généreux en propositions. Le volet social y trouve une grande place, notamment en direction des mères de famille, des étudiants, des enfants. L’emploi des jeunes s’y situe au cœur des préoccupations.
Globalement, ce projet remet en cause les fondements du PSE en tant que référentiel de politiques publiques contemporaines. Sans doute, cette esquisse recèle-t-il de sens et de valeur. Il faudra attendre de voir la version définitive du PASS, son chiffrage et la justification de son financement. Ce qui est loin d’être bouclé. Le PASS a au moins le mérite d’exister, comme projet alternatif au PSE. Cependant, il devrait à terme, démontrer une bonne acceptabilité sociale et une faisabilité technico-financière crédible et porteuse d’espoir populaire. On en est encore loin ! Le parti Rewmi du Président Idrissa Seck a tenu les assises de ses cadres, transformées en congrès extraordinaire pour désigner sans surprise son candidat. Les grandes lignes de mire électorales présentées par Idrissa Seck (Conseil supérieur de l’éducation, réforme judiciaire, revalorisation des pensions des anciens combattants, mesures hardies pour l’emploi des jeunes) ne suffisent à boucler le programme.
Quant au PDS, force de frappe de la coalition Manko Wattu Sénégal, il continue aveuglément de miser sur le retour improbable de Karim Wade, pour battre campagne en 2019. Il ne présente aucun programme, aucune stratégie alternative et s’enfonce dans une nuée d’illusions sur un candidat fantôme. Les autres candidats potentiels sont en apprentissage électoral. Les piètres résultats obtenus aux législatives et avant, au référendum de mars 2016, les a quelque peu douchés et surtout conduits à la prudence pour s’engager dans une bataille électorale dont l’issue est incertaine pour eux.
C’est dans ce contexte morose, que la loi sur le parrainage vient ajouter à leurs angoisses existentielles. Les dirigeants de l’opposition sentent bien que ce filtre n’augure rien de rassurant pour eux et se préparent, en dépit des difficultés d’image du gouvernement, au pire, une nouvelle défaite au premier tour. Les tentatives de mobilisation, sont infructueuses, ou réprimées par les forces de sécurité particulièrement dures sur l’homme. Inadmissible dans une démocratie présentée comme exemplaire dans notre continent.
Dans l’impossibilité d’élargir l’indignation et la canaliser, l’opposition espère internationaliser son combat par la saisine d’organisations internationales et la CEDEAO. Faute de mieux ! Incapable de surfer sur le malaise social, les difficultés du monde rural, pour récupérer politiquement les mouvements de protestation en cascade, l’opposition se limite à l’indignation en boucle dans les médias. Il est vrai que la large palette de l’offre médiatique se présente à elle comme du pain béni. Fini le temps du monopole des médias publics au profit exclusif du pouvoir. Une bonne partie de la presse privée abondante et régulière assure à merveille, le pluralisme médiatique et des occasions d’expression libre à profusion.
Pour autant l’opposition n’en donne pas plus des signes de vitalité sur le terrain politique. Les dirigeants des deux principales coalitions Benno Wattu Sénégal et Benno Taxawu Sénégal peinent à mettre en place un cadre unitaire solide et combatif. Et surtout à mobiliser de grandes masses d’indignés, pour ne serait-ce que, mettre la pression un pouvoir en roue libre. Les non-alignés, véritable appendice de cette opposition hirsute, se radicalisent certes, mais ne pèsent pas assez lourd pour élargir le bassin de l’opposition traditionnelle.
Comment retrouver de la vigueur politique, pour conter une majorité boulimique ? Comment faire face à la nouvelle réalité du parrainage ? Comment tisser de nouvelles formes d’alliances, pour décrocher un second tour salutaire, pour un retour aux affaires. Autour de qui ? Alors que l’ombre d’Abdoulaye Wade plane encore comme un ange noir de mauvais augure. Comment régler l’épineuse équation qui surgit de l’emprisonnement de Khalifa Sall et l’exil doré de Karim Wade ? Qui sera l’heureux bénéficiaire de l’appui des Karim et Khalifa ? Déjà Idrissa Seck et Malick Gakou rivalisent d’ardeur pour obtenir l’imprimatur des deux têtes de gondoles de l’opposition aujourd’hui en bannissement.
Malick Gakou met en avant ses affinités socialistes avec le maire de Dakar et Idrissa Seck annonce, à grands renforts de pub, sa réconciliation avec Karim Wade. Il espère bien en tirer tout l’usufruit pour son embellie médiatique et consolider son statut de leader de l’opposition. Mais voilà que Wade père, le plus grand commun diviseur de l’opposition vient gripper la machine électorale du Président Seck, en annonçant son refus de soutenir un autre candidat que son fils. Mais le président du Rewmi a plus d’un tour dans son sac pour poursuivre son ascension.
L’opposition sort affectée et presque groggy de ces dures éprouves et se demande bien comment elle retrouverait, une énergie conquérante. Et pourtant, la majorité montre des signes à de faiblesse à l’image du départ de Thierno Alassane Sall, du mutisme des alliés et de la jacquerie de Moustapha Cissé Lô et Alioune Badara Cissé, entre autres. Mais l’opposition sénégalaise semble aujourd’hui bien incapable d’occuper le terrain politique, dans un contexte social et politique très favorable.