MONSIEUR LE PRÉSIDENT, ON VEUT BIEN VOUS CROIRE
Des émeutes qui ont fait 13 morts, 13 jeunes Sénégalais comme des martyrs par de larges franges de la population. Le deuil national du 11 mars décrété par le président de la République allait dans le bon sens
Macky Sall se savait attendu au moins sur deux questions fondamentales. Celle de la restauration de l’image des institutions, mais surtout celle de la prise en charge de la problématique de l’emploi des jeunes. Le discours du 3 avril s’inscrivant souvent dans le registre d’une tradition de monologue pour couvrir de lauriers l’Armée et flatter la jeunesse dans le sens du poil avec au passage quelques mots de compassion ou de réconfort pour les anciens combattants, cette fois-ci, émeutes du 03 au 05 mars obligent, il fallait offrir du concret à cette jeunesse qui a été à l’avant-garde des violentes manifestations du début du mois dernier. Surtout que, depuis que le président Macky Sall a accédé au pouvoir en 2012, jamais un discours de 03-Avril au soir n’avait été aussi attendu, épié, guetté. Le président de la République n’avait donc pas droit à un mauvais casting. Il avait déjà prononcé un excellent discours d’apaisement le 08 mars, au lendemain des émeutes, et tout le monde se demandait s’il transformerait positivement l’essai. Surtout que, encore une fois, la fête de l’Indépendance survient presque un mois après les plus grandes émeutes que le pays ait connues depuis 1960. Des émeutes qui ont fait 13 morts, 13 jeunes Sénégalais comme des martyrs par de larges franges de la population. Le deuil national du 11 mars décrété par le président de la République allait dans le bon sens.
Macky Sall semble prendre la mesure de la situation
Depuis lors, le président de la République Macky Sall semble avoir pris la mesure de la situation. Le premier acte, on l’a dit, a été son discours du 08 mars. Un discours dont on disait au début de notre article qu’il avait reçu des totalités positives au sein des populations. Le chef de l’Etat avait adopté contrairement à ses ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, une posture et un ton d’humilité. Surtout, il avait prononcé un discours de paix, d’unité, d’invite à un retour à l’essentiel, c’est-à-dire la sauvegarde de notre « commun vouloir de vivre en commun ». Il avait fait la promesse ferme de prendre en charge la problématique de l’emploi des jeunes et annoncé le redéploiement de crédits budgétaires dans le but de mobiliser 350 milliards de francs destinés à financer des projets pour les jeunes. Pendant tous les Conseils des ministres qui ont suivi le discours du 08 mars, Macky Sall a encore annoncé de nouvelles mesures pour peaufiner davantage son dispositif de création d’emplois pour les jeunes.
S’inscrivant dans la continuité des annonces faites depuis le 08 mars, le discours du 03 avril était comme l’aboutissement d’une première séquence puisque le chef de l’Etat a annoncé son intention de passer aux actes. « Je veux qu’elle soit le point de départ de nouvelles réponses à vos besoins en éducation, formation, emplois, financement de projets et soutien à l’entreprenariat. Ces dernières années, en investissant massivement dans la réalisation d’infrastructures lourdes, l’Etat a aussi consacré beaucoup d’efforts et de ressources à la création d’emplois et au soutien à la formation, à l’entreprenariat et aux activités génératrices de revenus pour les jeunes. Mais la lutte contre le chômage des jeunes nécessite aujourd’hui un nouvel élan, en raison de la crise économique sans précédent qui affecte tous les pays, développés et en développement. C’est pourquoi, chers jeunes, comme je vous l’avais annoncé dans mon message du 8 mars, j’ai décidé d’une réorientation des allocations budgétaires à hauteur de 450 milliards de FCFA au moins, sur trois ans, dont 150 milliards pour cette année. Ces ressources serviront à financer le Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique des jeunes qui sera issu du Conseil Présidentiel que je présiderai le jeudi 22 avril. J’ai voulu que les travaux de ce Conseil s’appuient sur les réalités de nos terroirs, dans un format inclusif associant la jeunesse ouvrière, artisanale, paysanne, entrepreneuriale, sportive, artistique, du secteur informel, des cultures urbaines et des loisirs. C’est l’objet des consultations préparatoires menées dans nos 14 régions, grâce au soutien de l’administration territoriale et locale, pour établir l’état actualisé de leurs potentialités et contraintes » a indiqué Macky Sall dans son discours.
Le temps de l’épreuve
D’autres annonces concernent la création d’un guichet unique dans chacun de nos 45 départements dénommé Pôle-Emploi et Entreprenariat pour les Jeunes et les Femmes qui servira de cadre d’accueil, de conseil et de financement des porteurs de projets. La DER/FJ, l’ANPEJ, l’ADPME et le FONGIP entre autres, seront représentés dans chaque guichet unique afin d’apporter aux projets l’expertise, le financement et le suivi nécessaires. Dès le mois de mai, 80 milliards de FCFA seront consacrés au recrutement de 65 000 jeunes sur l’ensemble du territoire national dans les activités d’éducation, de reforestation, de reboisement, d’hygiène publique, de sécurité, d’entretien routier et de pavage des villes, entre autres. Un quota spécial sera réservé au recrutement de 5000 enseignants pour le préscolaire, le primaire, le moyen et le secondaire, y compris les daaras modernes et l’enseignement arabe. Au privé, il est proposé l’extension de la Convention Etat-Employeurs à la filière de l’agriculture et de l’agro business, pour un objectif de 15 000 emplois à créer, « afin de soutenir nos efforts d’autosuffisance alimentaire et de transformation des produits locaux ».
A cette fin, a informé le président de la République, l’allocation de l’Etat à la Convention passera d’un milliard à quinze milliards de FCFA. Ces annonces sont belles, alléchantes même mais Macky Sall est attendu à l’épreuve des faits. Il sait qu’il n’aura pas carte blanche au niveau des jeunes Sénégalais qui ont cessé depuis longtemps de croire au Père Noël ou aux promesses sans lendemains. Surtout que la batterie de mesures qu’il a annoncées ne va pas régler la totalité de la problématique de la question de l’emploi des jeunes. Cela dit, il s’agit là assurément d’amorces importantes pouvant améliorer sensiblement la situation des jeunes Sénégalais. Encore une fois, le grand défi du président Macky Sall sera de réussir à mettre en œuvre ces grandes idées surtout que, jusqu’ici, sa plus grande difficulté a été d’avoir des hommes et femmes capables d’opérationnaliser ses idées. Il lui faudrait dans la même dynamique changer son gouvernement dont le dernier casting laisse fortement à désirer. S’il veut bien sûr réussir les chantiers annoncés…