MACKY, LE VAINQUEUR SOLITAIRE
La composition du premier gouvernement de Macky II renseigne sur cette volonté du président de disposer d’une équipe gouvernementale, à son entière dévotion, qui n’aura pas réussi à s’ouvrir à de nouvelles forces politiques
À cause de toutes les contradictions, qui agitent le landerneau politique national et du risque que court notre pays de devenir une autocratie électorale, la classe politique sénégalaise doit trouver les voies et moyens de restaurer, consolider et approfondir notre système démocratique. Cela passe par la rupture radicale avec le présidentialisme obsolète instauré, au lendemain de la crise politique de 1962 et qui continue de perdurer, malgré deux alternances politiques.
MARKETING POST-ÉLECTORAL
Depuis la proclamation des résultats de la dernière élection présidentielle par le conseil constitutionnel, nous assistons à une gigantesque opération de marketing, destinée à assurer le service après-vente d’une victoire usurpée, entachée par de multiples entorses aux normes démocratiques élémentaires.
Car, contrairement aux allégations du président auto-reconduit, un scrutin calme avec un taux de participation élevé n’est pas forcément gage de sincérité. De même, la validation par les observateurs nationaux et étrangers de la bonne organisation des opérations électorales, le jour du scrutin, n’exclut nullement d’éventuelles manipulations en amont du vote. Il est de plus en plus établi, qu’aussi bien le fichier électoral, qui, à ce jour demeure une arlésienne pour l’opposition, que l’état civil national ont fait l’objet de tripatouillages, dont le maire de Mermoz-Sacré-Cœur et d’autres hommes politiques se sont largement fait l’écho.
Par ailleurs, la présence à la cérémonie d’investiture de plusieurs chefs d’état africains, dont certains ne sont pas des modèles de vertu, loin de constituer une caution morale à la politique mise en œuvre dans notre pays, relève simplement de bons usages diplomatiques entre pays frères et/ou amis.
Malgré tout, le redoutable appareil de propagande de l’État cherche à travestir le sens d’un vote truqué, en tentant de nous faire croire que plus de 58% citoyens sénégalais auraient totalement adhéré à la démarche politique du président sortant et de sa Coalition.
LA RUSE DU DIALOGUE
Au cœur du dispositif communicationnel post-électoral se trouve cet appel au dialogue, qui peine à être entendu car sortant du néant et n’étant ni précédé ni suivi d’actes forts pour le crédibiliser.
Le président, qui a mis à mal les normes et principes républicains, lors de son premier mandat, prétend vouloir changer de fusil d’épaule et nous invite à revisiter le “contrat social qui fonde le vivre ensemble dans un État de droit”, à restaurer les valeurs citoyennes et à œuvrer pour le panafricanisme. Ce sont là autant de promesses faites au début de son précédent mandat et figurant en bonne place dans les recommandations de la CNRI, qu’il a dû ranger dans un tiroir, sans prendre le temps de les lire.
Mais il sera bientôt rattrapé par ses démons politiciens en procédant plutôt au lancement d’une nouvelle campagne à forts relents clientélistes, en direction, probablement, des prochaines échéances électorales. Il s’agit essentiellement d’opérations de séduction ciblant plus spécifiquement les électorats féminin et jeune. Il y a aussi, des questions cristallisant les préoccupations des citoyens de notre pays comme la facilitation de l’accès au logement (construction de cent mille logements en 5 ans), les problématiques foncière et écologique (PSE vert), et d’autres où l’État risque d’empiéter sur les plates-bandes des collectivités territoriales, surtout celles de Dakar (occupation anarchique de la voie publique, problèmes aigus d’encombrement et d’insalubrité).
UN PRÉSIDENT ISOLÉ ET PARANOÏAQUE
La réélection du président Macky Sall, a paradoxalement contribué à faire resurgir les ambitions politiques contenues de ses alliés les plus représentatifs. La question légitime qu’on peut se poser est celle de savoir s’ils se préoccupent, un tant soit peu, de l’application du programme, pour lequel, ils ont appelé à voter. De fait, ils font face à un choix cornélien : reprendre leur liberté pour se positionner assez tôt en vue des prochaines compétitions électorales, surtout les présidentielles de 2024 ou se fondre dans un large front organique, sous l’égide du de l’Alliance pour la République. En attendant leur décision finale, qui sera loin d’être unanime, ils cherchent à rafistoler leurs appareils politiques affaiblis par des rebellions face aux velléités hégémoniques du parti présidentiel. L’impression, qui se dégage, au vu des premiers jalons posés par le président réélu, dans de cette période électorale, est son isolement progressif et inéluctable. La laborieuse gestation de même que la composition du premier gouvernement de Macky II renseignent sur cette volonté du président de la république de disposer d’une équipe gouvernementale, à son entière dévotion, qui n’aura pas réussi à s’ouvrir à de nouvelles forces politiques. De plus, de fortes personnalités à envergure nationale et aux profils pointus en ont été évincées au profit de jeunes politiciens novices de l’APR.
RÉTABLIR LA CONFIANCE ENTRE ACTEURS POLITIQUES
Le score électoral prétendument flatteur obtenu par le président Sall n’a pas réussi à dissiper le lourd contentieux entre lui et son opposition, portant sur les questions électorales mais aussi sur la gestion controversée des nouvelles ressources pétrolières et gazières.
Au lieu de cela, on assiste plutôt à des tentatives de la part du président réélu d’enfumer la classe politique, y compris ses alliés, en essayant de confiner de sérieuses problématiques politiques à des opérations de “set-setal” relevant du mouvement associatif et des collectivités territoriales.
Le dialogue devient d’autant plus une nécessité dans notre pays, que des signes inquiétants, annonciateurs de la mise en place d’une autocratie se dévoilent progressivement. Sous les fallacieux prétextes de centralisation de l’information et d’efficacité organisationnelle, de stabilité politique face aux menaces sécuritaires, on accentue le caractère présidentialiste de notre système politique, en supprimant le poste de premier ministre.
Ces manœuvres de bas étage n’ont aucune chance de prospérer au niveau de notre pays, car ne servant que les intérêts étroits de l’Alliance pour la République, confrontée au défi de la succession du président actuel.
Instaurer un véritable dialogue politique exige des partis de se projeter au-delà de leurs intérêts électoraux à court terme, pour établir un consensus sur des questions d’importance nationale. Cela présuppose également l’équité́ entre les partis, pour rompre définitivement avec les prises de décisions impliquant clairement une relation gagnant-perdant.
Cela passe par la reconnaissance des droits de l’opposition et la mise en place d’une Haute Autorité pour la Démocratie, en vue de la modernisation et la rationalisation des partis politiques, y compris la problématique de leur financement.
La mise en place d’une plateforme de dialogue politique ne pourra pas occulter le large consensus obtenu lors des Assises Nationales du Sénégal et approfondi par la CNRI, en vue d’obtenir un seuil minimal de confiance réciproque.