MACKY PREND LA PIEUVRE PAR LES TENTACULES
Dans un pays comme le Sénégal, où l’islam confrérique est érigé presqu'en religion d’Etat, le procès de l'imam Ndao ne peut laisser indifférent - C’est avec intérêt que le déroulement de ce dossier sera suivi tant ses répercussions peuvent être grandes
La tentative de quelques avocats de renvoyer une fois de plus le procès n’aura pas prospéré cette fois.
Déjà reportée à trois reprises depuis décembre 2017, l’affaire Alioune Ndao et une trentaine d’autres a débuté hier lundi 9 avril 2018 au palais de justice de Dakar. Le chef spirituel et ses talibés sont accusés d’avoir voulu établir un réseau djihadiste dans le Pays de la Teranga.
Il faut dire que l’imam est un habitué du prétoire puisqu’il a déjà été condamné pour apologie du terrorisme en raison de ses prêches virulents dans les mosquées de Kaolack.
Il y a quelque trois semaines, c’est en véritable star qu’il était arrivé à l’audience, accueilli par un millier de dévots surchauffés dont certains ont même refusé de se lever, comme le veut l’usage, à l’entrée du juge Samba Kane et de ses collègues du tribunal.
Dans un pays comme le Sénégal, où l’islam confrérique est érigé presque au rang de religion d’Etat, un tel procès ne peut pas laisser indifférent. C’est donc avec grand intérêt que le déroulement de ce dossier sera suivi tant ses répercussions sur la société sénégalaise peuvent être grandes.
Déjà on imagine la pression immense, s’il en est, sur les épaules du juge Kane, tant il en va de la religion comme de la politique : quand elle entre au prétoire, c’est la justice qui pourrait en sortir. Dans un tel environnement, l’indispensable sérénité nécessaire à l’accomplissement de l’œuvre de justice sera-t-elle au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr.
Quoi qu’il en soit, ce jugement montre combien le président Macky Sall est décidé à prendre le taureau par les cornes, pour ne pas dire la pieuvre par ses multiples tentacules.
L’affaire Alioune Ndao est jugée en effet au moment où le tribunal de Dakar vient de rendre son délibéré sur une affaire similaire. Ibrahima Ly, un Franco-Sénégalais jugé le 15 mars dernier et contre qui le parquet avait requis la prison à perpétuité, a finalement écopé de 15 ans de travaux forcés pour association de malfaiteurs et apologie du terrorisme.
Le futur forçat avait prétendu être allé en Syrie pour seulement apprendre le Coran alors que les enquêteurs ont découvert sur son portable des photos où il brandit fièrement une arme et une vidéo où il appelle à la guerre sainte. Pour quelqu’un qui était allé parfaire ses connaissances coraniques, il faut reconnaître que le mode d’apprentissage du livre saint est des plus suspects et belliqueux.
Est-ce cette politique préventive bâtie sur la fermeté qui fait que le Sénégal constitue jusqu’à présent un îlot de quiétude dans ce vaste océan tourmenté qu’est la bande sahélo-saharienne, en proie depuis plusieurs années au fléau salafiste ? Alors que des pays comme le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad et la Côte d’Ivoire ont subi, à de nombreuses reprises pour certains, des attaques fomentées par les forces du Mal, il faut en tout cas espérer que cette exception sénégalaise perdurera.