MACKY PRÔNE ET VIOLE L'ÉQUITÉ TERRITORIALE
Faire en sorte que chaque région obtienne au moins un ministre fort, tel était le challenge de Macky - Un modèle peu opérationnel dans les faits puisque Dakar, Saint-Louis, Matam, Louga entre autres, sont privilégiés au détriment des autres régions
Sur la vingtaine de ministres du gouvernement de Mahammad Dionne 2 remerciés, la plupart auraient perdu leur poste à cause de la nouvelle théorie de l’ « équité territoriale. » Faire de sorte que chaque région obtienne au moins un ministre fort, tel était le challenge du président Macky Sall. Il est parvenu à le relever sauf que le modèle n’a pas été totalement opérationnel puisque des régions comme Dakar, Saint-Louis, Matam et Louga ont eu la part du lion au détriment des 10 autres régions qui se sont contentés de la portion congrue. Tout en prônant l’équité territoriale, Macky Sall l’a aussi violée.
Derrière le débarquement massif de ministres du gouvernement Dionne 2 de la barque gouvernementale — près de 50 % ont quitté la table du Conseil des ministres, il faut voir l’application de la théorie « mackyiste » de l’« équité territoriale ». En ont été victimes, entre autres motifs de limogeage, les ministres Mary Teuw Niane, Dr Papa Abdoulaye Seck, Maïmouna Ndoye Seck, Seydou Guèye, Abdoulaye Bibi Baldé, Dr Augustin Tine, Abdoulatif Coulibaly, Souleymane Jules Diop, Mame Mbaye Niang, Ndéye Ramatoulaye Guèye Diop, Yaya Abdoul Kane, Mame Thierno Dieng, Pape Gor- gui Ndong, Aminata Angélique Manga, Birima Mangara, Abdou Ndéné Sall, Ismaïla Madior Fall, Diène Farba Sarr, Mbagnick Ndiaye, Khoudia Mbaye. Cette théorie a été largement expliquée par le Premier ministre quelques minutes avant l’annonce du grand chamboulement. « Après le resserrement de l’effectif, le second axe après le renouvellement en profondeur de l’équipe est relatif à un des marqueurs de sa (Ndlr, du Président) politique à savoir le Sénégal pour tous. Le Sénégal pour tous veut dire inclusivité dans la démarche et dans l’équité territoriale. C’est la première fois que les 14 régions vont compter au moins un représentant par région en Conseil des ministres pour avoir en permanence les pulsions du peuple, la voix de toutes les régions dans le cadre de la démarche de réformes à travers l’Acte III de la décentralisation. Ceci est un marqueur de nouveau gouvernement », avait expliqué Mahammad Dionne.
D’ailleurs, l’application de cette nouvelle théorie aurait, avec le cas du ministre de l’Economie sortant Amadou Ba, auraient constitué l’une des contraintes ma- jeures dans la formation du nouveau gouvernement accouché difficilement dimanche. Alors comme Léopold Sédar Senghor qui a eu toujours comme approche de créer et de nommer de fortes personnalités dans chaque région du Sénégal pour mieux asseoir son système politique, Macky Sall a imité une telle pratique pour la première fois depuis son accession au pouvoir. Dans les détails, on peut sans se tromper qu’un brillant ministre comme Papa Abdoulaye Seck qui a fait d’excellents résultats dans son département de l’Agriculture a perdu son poste au profit du mathématicien Moussa Baldé directeur général de la Sodagri et originaire de Kolda. Toute la meute de ministres de la Médina (Pape Abdoulaye Seck, Seydou Guèye, Maïmouna Ndoye Seck) a été aussi perdue par cette théorie. A Thiès, désormais Mme Ndeye Tické Niaye, un ingénieur en technologie halieutique, ancienne DG de l’Anam, qui devient le point focal. Elle bénéficie de la sanction infligée aux anciens leaders comme Augustin Tine, Abdou Mbow pour leurs défaites dans la capitale du rail et son département devant Idrissa Seck. Tambacounda va continuer d’être représentée par Sidiki Kaba aux Forces armées. Diourbel qui réclamait un ministre a désormais Dame Diop qui gère le portefeuille de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat. A Kédougou, un apériste de lait, Mamadou Salif Sow, est entré au gouvernement au titre de secrétaire d’Etat auprès du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, chargé de la Promotion des droits humains et de la bonne gouvernance. Il permet à la ville d’obtenir un ministre pour la 1ère fois depuis l’avènement de Macky Sall. A Kaolack Diène Farba Sarr, un compagnon de la 1ère heure de Macky Sall, a été aussi une victime de l’« équité territoriale ». Il s’efface au profit de Mariama Sarr, maire de la ville qui garde son portefeuille de ministre de la Fonction publique et du Renouveau du Service public.
A Sédhiou, Abdoulaye Diop, maire de la ville, est resté au gouvernement, mais il a migré à la Communication et à la Culture. A Ziguinchor, c’est la directrice du Commerce extérieur, Aminata Assome Diatta qui s’est engagée à travers un mouvement de soutien aux côtés du candidat Macky Sall qui a bénéficié de la sanction infligée aux ministres Aminata Angélique Manga, Souleymane Jules Diop, Moustapha Lô Diatta qui n’ont pu rien faire pour contrer Ousmane Sonko de Pastef. Alors Macky Sall a surpris tout son monde dans le Sud pour mettre en selle Aminta Assome Diatta. A Fatick, le choix a été porté sur le maire de la ville Matar Ba qui reste ministre des Sports. Certainement voulant éviter certaines critiques, Macky Sall a préféré sacrifier des ministres comme Mbagnick Ndiaye et Dr Cheikh Kanté qui attend encore d’être édifié puisqu’il n’a pas été nommé en temps que le gouvernement lors qu’on lui confiait le poste de ministre chargé du PSE. Kaffrine est aussi servie avec la nomination de Mayacine Camara, maire de Koungheul, comme secrétaire d’Etat auprès du ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du désenclavement chargé du réseau ferroviaire. L’homme était jusque-là Coordonnateur de la Direction de la planification et des politiques écono- miques au ministère de l’Economie et des Finances.
Macky oublie l’équité pour Dakar, St-Louis, Louga, Matam
Seulement l’équité territoriale n’a pas été totale chez Macky Sall. Nombre de régions comme Dakar, St-Louis, Matam ont bénéficié de plusieurs postes ministériels. On ne saurait pour le moment comprendre cette démarche du chef de l’Etat. Cependant pour une région comme Dakar, la taille de son poids électoral — environ 1700.000 électeurs — et les enjeux de contrôle de la capitale en perspective des locales de décembre 2019 peuvent expliquer l’attitude du chef de l’Etat à ce niveau. Dakar compte 7 ministres avec Amadou Ba aux Affaires Etrangères, Abdoulaye Diouf Sarr à la Santé, Néné Fatoumata Tall ministre de la Jeunesse pour le compte de Guédiawaye, Zahra Iyane Thiam ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale pour le compte de Dakar-ville, Abdou Karim Fofana ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique pour le compte de Dakar-ville, Abdou Karim Sall ministre de l’Environnement sur le quota de Pikine et Oumar Guèye pour le compte de Rufisque département. Louga reste après Dakar, la région la mieux servie avec ses 4 ministres. Avec Aminata Mbengue Ndiaye (Pêche), Aly Ngouille Ndiaye (Intérieur), Samba Ndiobène Ka (Elevage) et Moustapha Diop (Industrie). Une faveur dictée par des circonstances heureuses comme le quota du PS, le ministère de souveraineté comme l’Intérieur.
Saint-Louis, la ville natale de l’épouse du chef de l’Etat n’a pas été oubliée dans ce partage de Bouki. La région de St-Louis a été bien servie. En plus de Mansour Faye, le beau-frère, qui devient ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale, Podor a obtenu deux ministres. Il s’agit de Cheikh Oumar Anne à l’Enseignement supérieur et de Abdoulaye Daouda Diallo aux Finances et au Budget. Matam peut se targuer aussi d’avoir bien été servie puisqu’avec les ministres Mamadou Tall, Education nationale, et l’avocat Me Malick Sall à la Justice, la région peut afficher le sourire. Bref toutes les régions sont servies sur le quota de l’équité territoriale. Une première expérience qui s’appréciera au cours du quinquennat. La grosse interrogation, c’est que ces hommes et femmes vont-ils penser que ces nominations sont la preuve de leur leadership politique ? Il reste que c’est un modèle senghorien qui avait fait ses preuves. Des hommes comme Babacar Ba à Kaolack, André Peytavin et André Guillabert à St-Louis, Assane Seck et Emile Badiane à Ziguinchor, Alioune Badara Mbengue à Rufisque, Abdoulaye Fofana et Doudou Thiam à Dakar, Ibrahima Sarr à Thiès... avaient été de puissants pôles de relais à Dakar et dans les régions pour Léopold Sédar Senghor.