MAIS, POURQUOI SONT-ILS SIBETH ?
Pourquoi toutes ces attaques contre Sibeth Ndiaye qui, pourtant, n’est pas la première femme noire issue de l’immigration à accéder à de hautes fonctions au sein du gouvernement français ?
La nomination de Sibeth Ndiaye, le 31 mars dernier, comme secrétaire d’Etat, porte-parole du gouvernement, a revigoré les vieux démons du racisme en France. Depuis qu’elle a accédé à ce poste stratégique, l’ex-conseillère de presse d’Emmanuel Macron s’attire les foudres des réactionnaires de la fachosphère hexagonale. Ces derniers se sont rués sur les médias traditionnels et les réseaux sociaux pour lui balancer des propos nauséabonds qui puent le racisme et le sexisme. Certains s’en prennent à son code vestimentaire qui tranche avec le look bcbg des cadres, des ministères, d’autres font des remarques humiliantes sur sa coiffure afro. Bref, toute la panoplie langagière du parfait xénophobe franchouillard qui croit dur comme fer que les Noirs et les Arabes sont la cause de ses déboires quotidiens.
Au micro de Rtl, Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national (Rn, le parti de Marine Le Pen) pour les européennes balance tout de go : « Sibeth Ndiaye assume d’être une menteuse professionnelle », reprenant des propos que l’actuelle porte-parole du gouvernement français aurait tenus et qui, selon cette dernière, ont été complètement sortis de leur contexte. Un autre membre du Rn, porte-parole de ce parti, Sébastien Chenu, va plus loin dans la démagogie en affirmant sur Cnews : « Elle assume le fait de mentir et ça devient un marqueur de la Macronie ». Même les gauchos, d’habitude si ouverts, s’y sont mis. En apprenant la nomination de Sibeth Ndiaye, le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a cru à un « poisson d’avril fait quelques heures trop tôt ».
Mais la palme revient à Robert Ménard, ex- secrétaire général de Reporters sans frontières, ancien gauchiste récupéré par l’extrême droite et actuel maire de Béziers. Sur Rmc, mardi dernier, il a attaqué Sibeth Ndiaye, non pas sur ses compétences, mais sur ses… origines familiales. « La légende autour d’elle, sous prétexte qu’elle est d’origine sénégalaise, laisserait entendre qu’elle ait un parcours difficile. Je vous rappelle que sa mère présidait le Conseil constitutionnel au Sénégal, c’est la bourgeoisie sénégalaise », a-t-il osé dire sans sourciller. Le hic est que les anti-Sibeth, on en trouve au cœur même de l’Etat français. « Depuis que le communiqué du remaniement est tombé, on s’appelle tous entre nous. On est sciés, pour ne pas dire dubitatifs. On ne comprend pas », a confié un conseiller ministériel au quotidien Le Parisien.
Mais pourquoi toutes ces attaques contre Sibeth Ndiaye qui, pourtant, n’est pas la première femme noire issue de l’immigration à accéder à de hautes fonctions au sein du gouvernement français ? Il y a eu le cas de Rama Yade, une autre Sénégalaise de naissance, qui avait occupé des positions plus prestigieuses : secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères, puis chargée des Sports sous Nicolas Sarkozy. Peut-être que cette dernière était beaucoup plus « lisse », plus « intégrée » aux yeux des fachos. Cette phrase de l’écrivain Olivier Marteau illustre parfaitement nos propos : « On peut très bien être femme, ministre, noire et respecter la fonction et les gens. Exemple : Rama Yade », a-t-il déclaré dans un tweet.
Il est vrai que Sibeth Ndiaye, jeune femme de 39 ans, née à Dakar le 13 décembre 1979 et naturalisée française qu’en 2016, a une dégaine qui ne plaît pas à certains Français ringardisés et peu ouverts aux apports extérieurs. Elle s’habille comme elle le sent : jeans, jupes colorées et paire de baskets blanches, avec une tignasse afro ou des dreadlocks qui font gerber les défenseurs du puritanisme protocolaire. Il est tout aussi vrai qu’elle n’use pas de la langue de bois lorsqu’il s’agit de communiquer. Mais cela justifie-t-il tout ce déferlement de propos racistes dans un pays où les mots liberté, égalité et fraternité font office de devise nationale ? Et puis, ceux qui lui reprochent sa couleur de peau, son look et son franc-parler ignorent sans doute que dans son pays d’origine, elle est issue d’une famille qui symbolise toute la tolérance à la sénégalaise : un père musulman, Fara Ndiaye, ancien compagnon de lutte de l’ex-Président Abdoulaye Wade, et une mère catholique, Mireille Ndiaye, d’origine togolaise, qui a choisi le Sénégal comme pays d’adoption au point d’en devenir la présidente du Conseil constitutionnel.
Les attaques contre Sibeth Ndiaye ne datent pas de sa nomination comme porte-parole du gouvernement français. En 2017 déjà, le Canard Enchaîné lui avait reproché d’avoir été irrespectueuse envers la mémoire de Simone Veil, après le décès de cette dernière, en tweetant : « Yes, la meuf est dead » (oui, la dame est morte). Une information démentie plus tard par une enquête minutieuse du quotidien français Libération. A l’époque, Ibrahima Diawadoh N’Jim, d’origine mauritanienne et ancien conseiller de Manuel Valls, avait écrit ceci dans le Monde : « Ce qu’on reproche à Sibeth Ndiaye, c’est d’être une femme noire qui a réussi. Cette polémique relève d’un racisme insidieux encore bien présent en France ». Toute cette histoire montre, en effet, que certains Français ne se rendent pas compte que le visage de leur société a radicalement changé. Quant à Sibeth Ndiaye, elle semble bien « carapacée » face à ce déferlement de racisme. Sur Bfm Tv, mercredi dernier, elle a balancé ces propos pleins de sagesse à ses détracteurs : « Quand vous êtes une femme et qu’en plus vous êtes noire, on met toujours en doute la raison pour laquelle vous êtes là. On vous dira que c’est de la discrimination positive, que c’est un peu du hasard, que c’est le fait du prince, que c’est grâce à vos amitiés ». Pan sur le bec !