POUR QUOI COURENT-ILS ?
La mission de l'homme politique pétri de vertus est de hisser la parole publique à la hauteur de la Nation, des hommes sans part, des malchanceux, des éclopés de la vie…
Le scandale est arrivé à Madame Aïda Mbodj. Elle vient d'être relevée de ses fonctions de présidente du Conseil départemental de Bambey pour "cumul de fonctions", dit-on simplement. Cette affaire a "le mérite" au moins de creuser le cratère pour s'approcher de la profondeur et comprendre pourquoi les politiciens mangent à tous les râteliers. Malheureusement, les lendemains de ces querelles de basse-cour entre hommes et femmes qui se sont hissés en haut par les nombreuses ficelles de la manipulation appelée abusivement stratégie politique ne vont pas chanter. Oh mon Dieu ! Peu de politiciens connaissent le solfège de la vertu politique, leur voix caverneuse chante faux, s'ils ne vont pas plus vite que la musique jouée par le Peuple. Que personne ne s'attende à ce que ces "professionnels" du quiproquo politique sentent et expriment le pouls de la Nation. Oui ! La mission, le rôle et le travail quotidien de l'homme politique pétri de vertus sont de hisser la parole publique à la hauteur de la Nation, des hommes sans part, des malchanceux, des éclopés de la vie et même de tous ceux qui sont couchés sur un lit serti d'or et couvert de draps tissés avec des fils d'argent. Ah ! Dur, dur que d'être un homme politique, un vrai.
Quant aux politiciens, ils sont de plus en plus nombreux, ces détenteurs de la cagnotte nationale, richissimes hommes et femmes qui ne sponsorisent ni la science encore moins la recherche fondamentale, mais préfèrent entretenir une clientèle politico-affairiste. Ils n'ont cure de l'avenir du pays. Ils courent souvent après les jupons au lieu du bonheur des gens. Le président Mamadou Dia a écrit dans ses mémoires qu'il n'a jamais fait œuvre de chair illicite. George Washington préférait "mourir plutôt que dire une contre-vérité". Ces hommes ne sont pas des saints, ils ne se nourrissaient pas de nectar et d'ambroisie, ils sont faits de la même étoffe que le commun des mortels, seulement une grande âme les habite. Les grandes Nations ont toujours eu le souci d'une avant-garde de grande qualité faite de patriotes hors norme. Comme les prophètes, ils sont tous morts de fatigue.
Il y a eu des patriotes et hommes politiques insignes au Fouta avec l'Almamy Abdoul Qadr Kane, au Kajoor avec Meïssa Bouri Déguène Dieng, le martyr de la bataille de Guîlé, au Saloum avec Mbégane Ndour, au Waalo avec Sidya Léon Diop, le fils de la reine Ndatté Yalla, au Boundou avec Malick Sy Daouda, au Guidimakha avec Mamadou Lamine Dramé. Mais des patriotes dans ce qui est devenu le Sénégal "pacifié" à partir du 19ème siècle, il y en a, mais... on les cherche. Je regrette de dire que quelles que soient les qualités physiques de Aïda Mbodj, je ne comprends pas que cette universitaire, prof de Droit Fatou Kiné Camara, puisse la comparer à la Reine Njembeut Mbodj ou une autre illustre Mbodj du Walo. L'écart est immense et la comparaison ridicule. Quelquefois, le féminisme fait pitié dans nos pays. Il y en a d'autres parmi les femmes dans ce Sénégal qui "font avancer les choses" dans des domaines autres que la politique. Mais vous savez, les intellectuels sont en général fascinés par le pouvoir politique. Ils font souvent l'erreur de croire que les engagés en politique sont les seuls dignes d'intérêt intellectuel.
La poursuite du bonheur, la course après le bonheur pour soi et pour les autres sont inscrites dans certaines Constitutions du monde, notamment dans la déclaration d'indépendance des EtatsUnis qui étaient, comme nous, un pays colonisé. La politique n'est pas loin du sacerdoce dans la conception aristotélicienne. Mais depuis Annah Arendt, l'homme n'est plus un animal politique. Cette ère moderne a vu la politique naître du conflit, des batailles, de la guerre et des frictions entre courants, idéologies, mais aujourd'hui dans la période décadente entre ego, intérêts du ventre, mais jamais de la tête. Il n'y a plus de mépris en politique, mais beaucoup de haine parce que dans la poursuite des choses factices, immondes et périssables, c'est le grand règne du cœur et non de la tête. Même si le cœur a ses raisons, le cœur du politicien habite un corps qui n'est pas raisonnable. "Le mépris vient de la tête, la haine vient du cœur et l'un exclut l'autre", dixit Arthur Schopenhauer.
Que l'on permette au pauvre citoyen d'avoir une once de mépris pour le politicien de son quartier distributeur de t-shirt. Il pourra sauver sa pauvre tête le jour où il viendra à l'idée chez le politicien de chercher des têtes à couper, au propre comme au figuré. En vérité, l'actualité du monde révèle que ce qui fait courir les politiciens, c'est de couper ou briser des têtes. Tous ces politiciens, adeptes du cumul de postes, sont des coupeurs de route et de tête. Au Sénégal aujourd'hui, arnaquer quelqu'un se dit proprement "donner un coup de marteau sur la tête". Sauvons notre tête en esquivant les coups !